La passion et le plaisir.
Des années de travail, de persévérance, de patience, et d’intelligence sont nécessaires pour devenir un bon athlète. Mais il faut surtout énormément de passion pour espérer atteindre un jour l’excellence dans un art ou dans un sport.
La passion, c’est définitivement ce qui permet d’entretenir la flamme, quels que soient les circonstances, les difficultés et les aléas de l’existence. La passion, c’est ce qui donne vie au fait sportif et le transcende… La passion, ça peut rendre les gestes le plus anodins sublimes…
C’est ce que je me suis dit aujourd’hui lorsque j’ai vu remonter dans le champ plein de boue de la dernière ligne droite du Run and bike du Roi, Fabien Combaluzier et Krilan Lebihan, les magnifiques vainqueurs de cette édition 2016. Oui, ils étaient magnifiques, et pas uniquement parce qu’ils avaient gagné la course…
Un prof d’EPS et son élève, main dans la main. Vingt ans d’écart au compteur… Mais la même lumière dans les yeux…
En fait, je me suis dit cela toute la matinée, en voyant se succéder sur la ligne d’arrivée toutes ces équipes : des mini poussins aux vétérans, par delà les générations et les conditions sociales ou culturelles. Presque tous avec un sourire jusqu’aux oreilles malgré le froid et le mélange de neige et de pluie.
L’art du partage et de la transmission.
Alors, en définitive, c’est quoi l’art du partage et de la transmission ? Plus que le contenu des séances ou la planification au sens strict du terme, c’est plus certainement beaucoup d’amour et de don de soi. Du lien et de l’écoute, tout ce qui fait l’enrichissement mutuel, l’accomplissement et au final, le plaisir de vivre ensemble le sport et la « dépense » au sens premier du terme…
Bien sûr, il faut un peu de chance pour devenir « excellent » et Krilan a celle d’être, quelque part, « bien né », de parents anciens sportifs de haut niveau intelligents et mesurés. Des parents qui insistent surtout sur l’exigence et le sérieux… scolaire… Un domaine souvent négligé à tort lorsque l’on vise les sommets en sport. Car dans la vie, tout est question d’équilibre, le sport nourrit les rêves et donne du sens à tout le reste, jamais il ne doit l’étouffer et le museler. C’est ce qui permet de jouir des victoires et de digérer les revers… En un mot, c’est ce qui permet de se construire avec des bases solides, sans risque « d’accident ».
Krilan saura transmettre tout cela bientôt… ou un peu plus tard, cela ne fait aucun doute…
Au départ de ma chronique, j’étais parti pour vous parler de ce run and bike, des résultats de la course… de tout ce qui, en définitive, est rapidement lu et disparaît de la tête presque aussitôt… Y comprit la mienne !
Mais j’ai vu trop de binômes, trop de « couples » aujourd’hui le long de la pièce d’eau des suisses : Des entraîneurs et leurs élèves, des athlètes qui couraient avec leur petite amie, des frères et sœurs ensemble dans l’effort… Et c’est apparu comme une évidence, l’essentiel de cette matinée de janvier signifiait pour moi bien plus qu’un simple compte rendu de résultat sportif… Et c’est vrai que le Run and bike se prête à merveille à ma démonstration, car il n’y a pas tant de sports que cela qui permettent de faire la course ensemble même si le niveau physique est parfois très différent.
Héritage.
Nous sommes tous les héritiers de quelque chose ou de quelqu’un. Si nous avons la chance de côtoyer les bonnes personnes, pas à pas, il se construit des trucs assez indicibles qui peuvent parfois nous surprendre nous même.
Ainsi parmi les coureurs, personne ou presque n’aura fait attention à Michel aujourd’hui… C’était la première fois qu’il s’occupait du chronométrage de ce run and bike tout seul. Il l’a fait au pied levé parce que Jean Marc, mon ami, nous a « lâchement abandonnés » il y a un peu plus d’un mois, renversé sur son scooter par un conducteur qui conduisait à gauche de la chaussée… J’ai pensé à Jean Marc toute la matinée, car sur les sept premières éditions, les doigts congelés sur son ordinateur, il avait été impeccable pour assurer ce poste de l’ombre ô combien ingrat. Michel a été lui aussi impeccable, avec toute la retenue qui fait de lui un être d’exception, comme l’était son ami Jean Marc avec lequel il a roulé tant de fois en vallée de la Chevreuse.
Lorsque j’ai animé les courses des plus jeunes, j’ai aussi beaucoup pensé à Ruben. Il aurait dû être au départ de la course et s’éclater dans la boue ce matin notre petit jeune de l’école de triathlon. La malchance et l’injustice l’ont emporté cet été, à six ans seulement… J’ai eu l’impression d’avoir vu des « dizaines de Ruben » ce matin et je me dis que ses parents, bien présent malgré tout aujourd’hui pour voir son frère courir, se sont certainement dit la même chose. Je ne saurais dire si le fait d’être là les a attristés davantage ou réconfortés. Probablement un peu des deux, la vie continue malgré tout, et le sport sait lui donner un sel particulier quoiqu’il arrive.
C’est des matinées comme aujourd’hui qui donnent du sens ma condition de prof et d’entraineur. Au quotidien, on a presque l’impression que « rien ne se passe », que cela est à peine perceptible. On peut avoir la tentation de se dire parfois que tout cela est un peu vain et futile. Mais c’est fou ce que le temps et la somme des énergies peu produire et générer de positif.
Cela fait aussi se rendre compte que l’horloge tourne et qu’il ne faut pas le gaspiller et le mettre à profit ce temps, car il est précieux… Donner du sens au présent en préparant l’avenir, sans cesse… Une définition possible du terme de projet… mais aussi de celui d’héritage. Ou quand deux notions qui peuvent paraître aux antipodes de prime abord se rejoignent.
Ainsi, c’était aussi une 1ere aujourd’hui pour notre directeur de course Arnaud. Fabien, pour une fois, a laissé sa casquette de chef ! Un peu de de stress sans doute pour Arnaud, mais fort d’une équipe solide et soudée, tout s’est « presque » parfaitement passé !
Vous l’avez remarqué, je n’ai pas beaucoup parlé de coureurs et de performances ce soir. J’avais envie de parler de l’humain au sens premier et de ce qu’il peut produire de beau de temps en temps quand même.
La passion, le plaisir, le partage et l’émotion. Tout ce qui donne du sens à l’existence pour la rendre belle et exaltante.
Sans doute que le contexte général actuel a guidé ma plume dans cette direction…
J’en avais besoin, j’espère que vous ne m’en voulez pas trop