Si Benoît Nicolas a pris la deuxième place derrière l’Espagnol Emilio Martin, pour cet ancien champion du monde, ce résultat a pourtant été savouré comme une victoire. On s’est entretenu avec lui pour refaire sa course et mieux comprendre son cheminement.
Benoit, raconte-nous un peu ta préparation pour ce Championnat, ton hiver a été perturbé, peux-tu nous en dire plus ?
J’ai chopé la crève 10 jours avant le Corrida de Houilles (18 décembre 2016), j’y suis allé quand même parce que ça allait un petit peu mieux (Benoit a réalisé un chrono de 30’13 sur ce 10 km). Le soir de la course je suis retombé malade, j’étais complètement détruit, les bronches en feu, la fièvre, 3 jours au pieu, et derrière je ne suis jamais remonté. J’ai insisté, j’ai insisté, j’ai fait les départementaux (pour la 17e fois il devient Champion de Finistère de cross), mais je n’avançais pas, j’étais cramé. Donc j’ai coupé 10 jours, et j’ai repris début février. Et quand j’ai repris … Je ne valais pas grand-chose, 5×1000 en 3’04, à fond ! Après c’était la course contre la montre pour revenir à bon niveau, je devais valoir 30’30 à la première manche (26 mars à Paillencourt, 1re manche du Championnat de France D1 où il prit la 8e place).
Malgré cela tu es présent au départ de ce Championnat d’Europe, parle-nous de la course, la première càp, cela courts comment ?
Premier 10 bornes, cela a couru assez vite quand même, on est à 3’08 de moyenne au GPS sur un parcours où il y a 500m de montée à 2/3 %, on redescend, on remonte le truc à 2/3 %, donc on est mort en haut, mais quand je te dis on est mort, on est mort, puis on redescend, et on fait ça 4 fois. J’avais les cuisses en feu. Cela revenait à courir un 10 bornes en 30’30/30’35 sur le plat.
Ensuite vous arrivez groupé à T1, Y. Le Berre transitionne fort, comment cela se passe pour toi ?
Oui on arrive groupé, 12, 13 je sais plus (il était 10), tous les Britanniques sont là, et Yohan transitionne très fort, cela va quasi se jouer là-dessus. Moi je galère avec ma godasse, je pars avec 50m de retard sur Yohan. Il monte la première bosse qui finit par 150m à 10% extrêmement vite (une première bosse arrive très vite après T1), moi j’étais à fond, à fond, à fond, j’ai joué ma vie, j’ai failli dégueuler en haut. On était plus que 5 en haut de la première bosse, on s’est un peu regardé, et cela revient à trois, on est donc 8, la vérité, c’est que j’en ai plein le c** des transitions de cyclo-crossman de Yohan.
Après on arrive dans la 2e bosse, Yohan a mis un sac en bas de la montée d’1.5km à 5%, il est parti tout seul, on lui a laissé 40m puis Emilio a réagi, moi j’ai réagi, on a monté au seuil, j’ai les watts, 440 watts pendant 2’ (il précise qu’Emilio à 437 watts sur ce même segment). En haut, j’ai Buckingham dans la roue, puis derrière il y en a partout, des gars tous les 40m, 50m.
Ensuite à vélo cela s’organise comment ?
Cela roule tranquillos, on prend 20 secondes par tour, cela n’a pas plus appuyé plus que cela, cela convenait à tout le monde pour sortir une deuxième à pied.
T’arrives donc à càp2 pour la victoire, t’es dans quel état d’esprit ? Cava le faire ou tu sens que cava être compliqué ?
Je pense que cava le faire … mais ça ne le fait pas ! Yohan part en tête, puis je le dépasse, et Emilio me remonte, Yohan pète, donc je comprends que cela va se jouer entre Emilio et moi. Il me prend 1m, 2m, il attaque la montée il a 10m, puis dans la descente 20m. Au bout de 2.5 km j’ai 15 secondes de retard, et là j’explose, j’ai plus rien dans les pattes. Avant l’arrivée j’arrive à relancer un peu, je reprends 5 secondes, mais ce ne sera pas suffisant.
Tu fais 2e, mais est-ce vraiment une déception ? La préparation n’a pas été simple ?
Je suis content, très content, vraiment, je reviens de loin quand même. Mais j’ai pas été trop con, je savais que cela allait se jouer à vélo. Après Emilio était très fort, plus affûté, moi il me manquait des séances dures, trop court en prépa.
La suite, c’est quoi pour toi ? Tu prouves qu’en manque de préparation tu peux faire 2 aux Europe, un 2e titre de Champion du Monde, tu dois y penser ?
Je pense que ce sera différent. Le parcours n’a rien à voir. Après on connaitra la sélection que début juillet, même si je pense que ce résultat doit me permettre d’y être forcément. Mais, je pense que je suis vétéran et que j’ai du bol d’être en Équipe de France, j’ai gagné tous les titres déjà, donc pas de pression.
Qu’est-ce qui te pousse à continuer ? Comme tu le soulignes, tu as déjà tout gagné …
Disons que je m’emmerde, j’ai peur de grossir et devenir comme Chouki (ancien membre de l’Équipe de France d’athlétisme dans les années 2000). Garder la santé quoi.
C’est une réponse en bois … t’a peut-être peur de l’après, cela fait longtemps que tu fais cela…
Possible … Cela fait 30 ans que je m’entraîne, mais le plaisir est là, et le plaisir passe avant tout.
Tu souhaites rajouter quelques choses ?
Oui, c’est dur d’être vieux, et aussi que je suis ému de voir tous les messages de soutien.