Scienti-Trimes est une nouvelle chronique se basant sur la science du sport mais qui fait tout de même un lien avec l’entraînement, d’un point de vue pratique.
Comme nous le savons tous, peu importe la discipline, l’entraînement en endurance induit des améliorations au niveau des fonctions respiratoires, des capacités oxydatives et des réserves de glycogène au niveau musculaire mais qu’en est-il du système neuro-musculaire? Quel rôle joue-t’il dans la performance d’un athlète? Comment peut-on le travailler?
Ces questions sont intéressantes dans la mesure où, chez le triathlète ou le coureur moyen, la préparation physique est souvent négligée. En effet, on passe beaucoup de temps à travailler la filière aérobie mais peut de temps en salle à travailler la force et la puissance musculaire. Après tout la course à pied consiste à appliquer une force au sol et ce, le plus rapidement possible!
En prémisse à cette chronique, voici un extrait intéressant d’un article publié dans La Presse dans lequel, le journaliste Simon Drouin a interviewé Louis Bouchard, l’entraîneur du célèbre fondeur québécois, Alex Harvey. Voici une citation intéressante de Bouchard à propos de la puissance musculaire:
«La puissance est devenue tellement importante dans notre sport, souligne l’entraîneur Louis Bouchard. Ça n’a rien à voir avec l’époque de Pierre (Harvey), axée sur l’aérobie et où on ne développait pas beaucoup le haut du corps. Maintenant, avec la seule endurance, on ne réussit plus à s’en sortir.»
Intéressant, non? Qu’en est-il de la course à pied?
Dans une étude publiée par Paavolainen en 1999, on s’est penché sur la relation entre l’entraînement en puissance explosive et la performance sur une course de 5 kilomètres chez des athlètes confirmés. Sur une période de 9 semaines, pour un groupe total de 18 coureurs (dont un groupe contrôle de 8 athlètes et un groupe expérimental de 10 athlètes). Les 2 groupes s’entraînaient avec le même volume d’entraînement. Toutefois, 32% du volume d’entraînement du groupe expérimental était consacré à l’entraînement en force explosive versus 3% pour le groupe contrôle. Afin de déterminer la vélocité initiale de course, les athlètes ont effectué un test MART (Maximal anaerobic and aerobic running test). Ce test consiste à faire courir un sujet sur un tapis avec une pente de 7% à une vitesse initiale de 14,5 km/h avec un incrément de 1,3 km/h pour des paliers de 20 secondes avec une récupération de 100 secondes entre chaque paliers (Nummcla et al., 1996). On mesure donc la vélocité maximale de course de l’athlète.
À la suite des 9 semaines d’entraînement, on a réalisé les tests suivants pour déterminer si l’entraînement en puissance explosive avait porté fruit: course de 5 km, économie de course (qui est en fait, le rapport entre la consommation d’O2 et la vélocité de course), 5 tests de sauts et un test de vitesse maximale sur 20 mètres. Le groupe expérimental ayant consacré 32% de leur volume total à l’entraînement de la force explosive ont connu des améliorations sur la performance de 5km, dans les tests de sauts et au niveau de l’économie de course. On a également vu une diminution du temps de contact au sol. On ne parle pas de coureurs du dimanche ici, mais bien de coureur expérimentés alors il est aisé de constater à quel point le travail en puissance peut être bénéfique. Ces améliorations ont surtout été induites en raison de l’amélioration des caractéristiques neuromusculaires tel un recrutement plus rapide des unités motrices. (Paavolainen, 1999)
Voici un graphique de la même étude qui fait état des différents déterminants de la performance en course à pied:
Tout ça est bien beau mais comment peut-on l’intégrer de manière pratique dans un cycle d’entraînement?
Il faut tout d’abord s’assurer que les athlètes sont en mesure de bien exécuter des mouvements de musculation et corriger certaines lacunes et certains déséquilibres musculaires avant d’ajouter des charges. Une fois les charges ajoutées, on peut exécuter un travail en force et graduellement inclure des éléments de vitesse (ex: jump squat). Il est également intéressant d’aller chercher des mouvements qui sont fonctionnels, c’est-à-dire des mouvements qui se rapprochent du geste à réaliser en compétition.
En somme, il est dans l’intérêt des athlètes d’intégrer des séances de travail en force et en puissance dans leur entraînement afin de solliciter le système neuromusculaire. Pour être en mesure de bien exécuter les mouvements et de partir sur la bonne voie, je vous suggère fortement de consulter un préparateur physique ou un kinésiologue.
Prochaine chronique de Scienti-Trimes: Pourquoi Alexandre Saint-Jalm boit-il du jus de betterave? La science derrière cette boisson infecte!
RÉFÉRENCES:
Nummcla et coll. Int J Sports Med 1996
Paavolainen L., Häkkinen K., Hämälâinen I., Nummela A., Rusko H. (1999). Explosive-strength training improves 5-km running time by improving running economy and muscle power. J Appl Physiol 86:1527-1533
Morgan. D. L. (1976). Separation of active and passive components of short-range stiffness of muscle. Electrical Engineering Department, Monash University, Melbourne, Victoria, Australia 3168
Très bel Article Vincent. Merci!
Charles
Prochaine chronique de Scienti-Trimes: Pourquoi Alexandre Saint-Jalm boit-il du jus de betterave? La science derrière cette boisson infecte!
Un garcon proche de la nature, la Betterave etant ou pouvant devenir un carburant bio masse
sinon tres bon article
Merci à vous!
Superbe article. Merde j’avais comme projet de parler du jus de betterave dans un prochain article, vous volez la vedette! Heureusement que j’ai été le premier à découvrir le no-footstrike-running http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=OnMqhm3Yv-U
Juste pour compléter (car je lisais l’article de Vincent et je ne comprenais pas certains trucs) :
– l’étude de Paavolainen remplace 32% du temps (et non du volume tel qu’écrit ci-dessus)d’entraînement par des exercices en force explosives.
– Ces exercices incluent non seulement du travail avec des charges légères et des sauts, mais aussi des sprints : « Explosive-strength training sessions lasted for 15–90 min and consisted of various sprints (5-10) ⋅ (20–100 m) and jumping exercises [alternative jumps, bilateral countermovement, drop and hurdle jumps, and 1-legged, 5-jump (5J) tests] without additional weight or with the barbell on the shoulders and leg-press and knee extensor-flexor exercises with low loads but high or maximal movement velocities (30–200 contractions/training session and 5–20 repetitions/set). »
Pour les curieux, article complet par ici : http://jap.physiology.org/content/86/5/1527.long
Bonne idée l’introduction à partir de la citation de l’entraîneur d’Alex Harvey…
Bonjour,
il est aussi dit dans l’article scientifique que la V02max augmente après les 9 semaines pour le groupe témoin et pas pour le groupe expérimental.
Quelle conclusion doit-on en faire ?
Pour les coureurs de très longue distance (ultra-trail-marathon) ne serait il pas plus important d’augmenter la V02max plutôt que la vélocité et l’économie de course qui permettent d’améliorer la performance surtout sur des distances moyennes (je pense) ?
D’abord (essayons de garder ça simple), la plupart des améliorations au niveau vo2max rapportées dans le cadre de ce genre d’études concernent le vo2max relatif, pas absolu. Et donc très souvent, ce vo2max est améliorer suivant une légère (ou significative) perte de poids. Tout simplement.
Dans le cas de cette étude, il est probable (j’ai pas eu le temps de lire l’article) que le poids corporel des sujets n’ait pas changé, expliquant qu’il n’y ait eu aucune différence notable à ce niveau.
En revanche, une amélioration au niveau de l’économie c’est pas négligeable non plus.
Pour répondre à ta question, j’crois pas qu’on doive *choisir* entre améliorer notre habileté à survivre à des bouts de parcours difficiles (ie, où le vo2max devient important) et à courir de longues distances en étant le plus économe possible.
Les 2 sont importants.