Seven Deadly Sins : My Pursuit of Lance Armstrong. David Walsh. Atria (Simon & Schuster), 2012.
Pauvre David Walsh! C’est comme si on lui avait dit « oui, oui, on sait bien, tu as déjà fait cette course, mais il faut la refaire, ton premier résultat ne compte pas » … et là David Walsh plus vieux et pas vraiment envie de suer comme un cochon ou de se cracher les poumons qui rembarque sur son vélo et qui se remet à pédaler et qui se dit « mais ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai » … puis tout plein de petits jeunes le dépassent en lui jettant coup d’oeil furtif. Parmi ceux-ci il y a Tyler Hamilton les oreilles au vent qui souffle à peine, une journaliste qui vient tout juste de rentrer dans l’âge adulte et qui parle continuellement dans son portable en pédalant, Travis Tygart de l’USADA en costard sur son vélo hybride, plein d’autres personnes qu’il n’a jamais vues avant et qui le dépassent sans forcer, c’est un véritable cauchemar. Et là il est seul dans la dernière ascension, ça finit bientôt … heureusement car tous les spectateurs sont rentrés chez eux. Au loin se profile la bannière de l’arrivée que des techniciens sont en train de démonter. Et à ce moment qui passe à ses côtés ? Lance lui-même, les yeux creusés, les lunettes fumées en morceaux accrochées au casque, le maillot jaune en lambeaux qui lui pend sur les épaules. Lance qui se tourne vers lui et d’un air tellement sincère lui dit, « I’m sorry David, so sorry… ».
C’est que David Walsh, journaliste pour le Sunday Times de Londres et connu pour sa pugnacité face au dopage dans le sport, a en quelques sortes déjà écrit ce livre d’il y a cela maintenant plus de 8 ans. Son titre était L.A. Confidentiel (2004), co-écrit avec Pierre Ballester, et il n’avait jamais pu voir le jour en langue anglaise à cause de la peur (justifiée) des éditeurs anglais d’être poursuivis pour diffamation. Presque tout était déjà là, ne manquait que quelques témoignages de coureurs et c’est ce qui viendra avec le livre de Tyler Hamilton, The Secret Race (2012), et bien sûr le document de l’USADA rendu public le 10 octobre 2012.
Alors, que reste-t-il à dire pour un journaliste comme David Walsh? Disons que son livre se lit comme un compte-rendu de sa couverture du cyclisme et de sa vie professionnelle en général au cours des 25 dernières années. On y voit sa trajectoire, de son admiration pour le cycliste Sean Kelly et de sa passion pour la course, à son devenir-désabusé, aigre, et éventuellement à ce qui semble être tout simplement de l’ennui. Il y a plusieurs passages intéressants (le court morceau sur le sprinter anglais Lindford Christie par exemple, ou encore quand il parle de la mort en bas âge de l’un de ses fils), mais on n’arrive jamais à se départir de cette impression que ce livre aurait dû sortir il y a dix ans alors que l’auteur brûlait encore d’un grand feu intérieur. Le dernier quart de l’ouvrage avec ses copier-coller de courriels d’amis, même si ces amis ont pour nom de famille Andreu ou Kimmage, est tout simplement inutile.
En fait, le livre me paraît pertinent pour ceux qui s’intéresseraient aux enjeux touchant le métier de journaliste sportif : la dynamique des différentes approches, les différents intérêts financiers et politiques en jeu, le côté quotidien et parfois banal de la couverture d’évènements, la difficulté de la recherche de la vérité. À ce niveau c’est souvent réussi. Et c’est aussi un bon résumé pour quelqu’un qui ne connait pas le sujet et n’aurait qu’un livre à lire. Pour le timing par contre, c’est complètement loupé, malheureusement …
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