Adharanand Finn. Running with the Kenyans: Passion, Adventure, and the Secrets of the Fastest People on Earth. New York : 2012, Random.
Adharanand (ouf … ça veut dire Joie Éternelle en sanscrit …. ses parents étaient des hippies qui suivaient un gourou Indien au début des années 1970) court son 10k en 38:35. Il travaille comme journaliste pour le Guardian, Section Sports, écrit parfois des articles pour Runner’s World, court quelques fois par semaine, a lu Born to Run, s’intéresse au minimalisme. Bref, rien de très excitant.
Par contre, une passion pour la course à pied l’habite depuis sa jeune adolescence alors qu’il idolâtrait les coureurs africains, s’imaginait courant dans la savane africaine pendant ses sorties et s’entraînait avec une équipe d’athlétisme, réelle. Cette passion a été quelque peu mise en veilleuse depuis la naissance de ses deux filles, mais suite à une victoire-surprise dans un 10k régional, son côté rêveur soudainement se réveille et il décide d’aller vivre avec sa famille à Iten au Kenya pour s’entraîner pendant quelques mois et goûter au mode de vie des coureurs de fond les plus rapide au monde.
Et là, en arrivant sur place, évidemment, quelques clichés de « mzungu » sont déboulonnés : « Hé, mais ça s’entraîne avec des gros trainers renforcés ici!? Et qu’est-ce qu’ils font à ainsi atterrir sur le talon?? » La transition est difficile pour Adharanand … le « easy pace » kenyan correspondant en gros à son effort maximal sur les plus longues distances … mais il s’accroche.
Et c’est là que le livre est plutôt intéressant, dans cette espèce de dérive parfois un peu hallucinée d’un homme blanc ordinaire qui se met à courir à tous les jours et qui se place avec sa famille dans un territoire totalement non-familier. Au passage, il rencontre tout plein d’entraîneurs de grande renommée et surtout une multitude de champions. Ses descriptions de la vie quotidienne des coureurs d’élite rend très bien l’espèce de platitude que l’on imagine comme constituant la majeure partie de leurs moments non-actifs : « The athletes in the camp (…) can sit for hours on plastic garden chairs just talking or just staring into space. And when they get bored with that, they go to sleep. (…) I spoke to some top British athletes who had come to Kenya to train and I asked them what they thought the biggest difference was between the Kenyan’s training and their own. ‘Rest,’ they said unanimously. »
Tranquillement, imperceptiblement, il améliore sa forme, parvenant à s’accrocher de plus en plus longtemps lors des entraînements. Mais il reste toujours aussi « perdu » dans ce monde qui n’est pas le sien, dans le labyrinthe de routes de terre rouge qu’il doit naviguer, dans ces façons de faire et ces modes d’interactions sociales qui ne sont pas les siennes.
Le livre est construit de manière assez classique avec un « buildup » (amélioration de la forme, constitution d’une équipe, intégration dans la communauté) menant à un climax (un marathon dans la savane), suivi d’un épilogue triomphant (Adharanand à New York). Si on a un reproche à faire à ce livre, c’est qu’il ne traite jamais de la possibilité du dopage. Il ne nie aucunement, pas plus qu’il accuse, le sujet est tout simplement inexistant ici. Et, ajoutons aussi que tout le côté sombre de la politique des sélections kenyanes est lui aussi plus ou moins laissé de côté. L’auteur traite par contre de la pauvreté et des inégalités. Donc, c’est un feel-good book qui reste en contact avec le réel, mais qui ne brasse pas trop le marécage de la controverse.
Enfin, cela reste excellent et nous accordons à cet ouvrage la note de 8.7/10.