Comprendre la performance d’Alistair Brownlee.

Chez Trimes.org, on le dit très souvent, l’ITU devrait revoir son infographie durant les courses puisque cela pourrait permettre de mieux comprendre les dynamiques de courses. Cela fait quelques jours que je reçois plusieurs courriels me demandant pourquoi Alistair Brownlee est si fort.

La réponse n’est surement pas singulière mais nous avons quelques pistes.

Ali sait qu’il peut mettre K.O. les autres dans n’importe quelle discipline, et n’a aucune faiblesse.

Il a clairement envoyé plusieurs messages à San Diego.
Sa natation est à son meilleur et il n’avait même pas besoin de l’aide de son ami et domestique non-officiel, Varga.

Son vélo était aussi à son meilleur. À la grande surprise, Ali Brownlee a attaqué les autres échappés avec lui (à l’exception de Javier Gomez) questionnant pourquoi ils ne voulaient pas collaborer. Généralement, on ne roule pas pour avantager quelqu’un qui est meilleur que soi en course à pied. Mais avec Alistair, il y a tout de même une sorte de résignation des autres athlètes. Ils avaient tout à gagner à poser le vélo avec une avance de plus de 1 minute en T2. Alors pourquoi ils ne l’ont pas fait? Une de nos ressources qui a fait la course en 2012 pense que les autres n’étaient tout simplement pas en mesure de prendre des relais avec Brownlee, qui était nettement supérieur.

Un aspect important de San Diego. Le parcours étant très plat et pas très technique, l’effort requis est constant contrairement à une course comme Auckland qui est une succession de montées et de descentes. Cela signifie qu’il n’y a pas de temps de repos.

En fait, Alistair aurait surement fait plus de ravages à Auckland. Il n’en demeure pas moins que visuellement on a cette impression que ceux qui sont en arrière se protègent. En réalité, ils sont à la limite de se faire éjecter. Cela roulait donc assez fort.

Browlee   Murray

7:22  7:16
7:23  7:11
7:19  7:23
7:18  7:19
7:41  7:26
7:38  7:36
7:42  7:45
7:48  7:49

Toujours dans la même dynamique en WTS, les premiers tours sont généralement les plus rapides. Brownlee sortant avec un groupe qui a fait la cassure après la natation, il n’a pas eu besoin de faire le fameux « sur-régime » pour ne pas perdre le train. Les 4 premiers tours représentent l’échappée. Il faut rappeler qu’Alistair a essayé de partir seul en espérant se faire rejoindre par d’autres presque aussi motivés que lui…

On remarque que les 4 derniers tours sont donc plus lents. Le dernier tour étant d’ailleurs le dernier le plus lent. C’est un peu atypique puisque généralement, c’est un tour rapide afin d’arriver dans les premiers en T2 et éviter les chutes et les blocages en sortie.

Il faut aussi rappeler le rapatriment de Brownlee au groupe principal, un groupe de 3 est finalement sorti. Ironiquement, seul leur effort au premier tour est poussé avec un 7:08 au 5e tour. Pour le reste, les tours sont à 7:40.

On pense donc que de manière générale, les athlètes étaient déjà pas mal entamés en rentrant en T2 et cela confirme les mauvaises courses à pied.

Si on prend les 15 premiers.
Seuls 3 ont un écart proche du 30s entre le premier et le troisième tour. (David Mcnamee, Vasilev et Clark Ellice. 5 sont en dessous la minute Brownlee, (en eliminant sa marche) Justus, Mola, Riederer, Chabrot et les 7 autres sont à plus d’une minute. D’ailleurs Javier Gomez et Laurent Vidal sont à 1:20. On peut considérer ceux qui sont à plus d’une minute d’écart comme les athlètes qui ont clairement subi la dynamique de la course et qui étaient trop juste pour différentes raisons (très tôt dans la saison).

On peut faire beaucoup d’hypothèse là-dessus, mais avec un Brownlee qui court le premier 3.33Km en seulement 9:17, cela donne un rythme de 2:45 au kilo. Avec cette vitesse, vous êtes dans le top 15 des coureurs universitaires du 3000m indoor au Canada.

Si Brownlee a un trait très fort, c’est qu’il ne se fait jamais dicter une dynamique de course, il n’y a pas d’attente avec lui. Si on faisait courir un 10 000 aux ITUiens, on imagine que les écarts avec Brownlee seraient surement plus minimes. Une des raisons pour cela c’est que les fédérations recherchent des coureurs capables de courir un temps X sur une distance Y. Malheureusement, on se rend compte que la vitesse de sur-régime devient de plus en plus déterminante.

Brownlee met tout simplement les autres dans le rouge parce qu’il est capable de rester dans le sur-régime plus  longtemps. Si on prend ses temps au tour, on remarque que lui aussi ralentissait. 9:15, 9:45, 10:29 (marche les derniers 100m). 

Tout le monde veut se rapprocher des Brownlees, alors il y a une dynamique où il faut rester le plus longtemps possible avec lui. C’était d’ailleurs interessant de voir un groupe se former au tour de Gomez se basant sur l’idée qui allait donner un effort plus constant et les permettre de revenir, afin de faire une course plus à leurs vrais potentiels.

Si tu prends un coureur de 10 000m qui court 30 minutes, il se peut qu’il soit très à l’aise pourcourir à 3min le kilo mais incapable de courir plus vite sur des distances plus courtes. Cela vient de son profil et de son type d’entrainement. Les fédérations doivent de plus en plus réfléchir à cette problématique. En recrutant des talents sur des temps théoriques, elles omettent de savoir comment un athlète peut réagir aux dynamiques de courses.

Autre exemple, si tu cours 10k en 35 minutes, si on te dit de courir le premier 3000 en 9:30, tu seras surement en mesure de le faire, mais tu seras incapable de compléter ton 10k en 35 parce que tu auras déjà épuisé tes réserves.

Tout cela pour dire que Alistair Brownlee est sans aucun doute le meilleur coureur de l’histoire du triathlon, mais sa domination sur le sport est accentué par la facon dont il impose les dynamiques. Comme nous l’avons déjà dit, c’est présentement aux fédérations de changer les préparations des athlètes pour répondre à ces nouvelles spécificités.

9 commentaires
  1. je trouve l’analyse excellente ! En effet, en France, au Canada, et surement dans bien d’autres pays, les fédération recrutent les athlètes sur des temps de nage et de course à pied. Ainsi, des métronome qui courent à 3:00/km leur 10 000m sont sélectionné, mais on se rends compte que s’il faut leur premier kilo à 2:45, il explosent complètement, ou si le velo a été trop difficile, on est loin du 3:00/km. je serais partisant d’un recrutement basé sur des resultats plutot que des temps.

    ça me rapelle une étude réalisé auprès de kenyans qui courait habituellement en 2h15 le marathon mais ne s’entrainaient pas en vélo. On leur avait fait faire 180km de vélo avant leur marathon, et leur temps allaient de 3h à 3h45. C’est un exemple très exagéré qui montre que quel que soit le potentiel en course à pied, il y a une grande influence du vélo, il faut plus sélectionner les athlètes selon leur combo velo+course que simplement course….

  2. Il y a peut-être un autre facteur à prendre en compte, le dopage !!!
    Le sport de haut niveau semble bien cangrèné, je ne pense pas qu’il y a que le cyclisme de touché.

  3. Y aura toujours un doute. Mais bon, le triathlon est un sport très fédérale contrairement au vélo. Ce n’est pas gage de sport propre mais bon…

    J’ai tendance à croire que ceux qui se dopent sont avant tout ceux qui sont à la limite de faire l’équipe ou pas. Le triathlon ITU est très différent et n’a pas un cadre financier si avantageux. Aussi, les controles sont beaucoups plus pointus qu’on le pense et ils n’ont pas attendu comme certains pour appliquer ADAMS.

    Aussi, c’est un peu fou, mais si tu décortiques chaque sport, les temps sont quand même loin des temps d’un mono discipline. Je crois que pour le moment, c’est avant tout les manières de s’entrainer, mental etc… qui font la différence.

    Si tu prends les brownlees, ils sont des adeptes au cross country, font du velo dans n’importe quelle condition etc… Y a une dureté du mental qui va avec…

  4. Pour avoir étudié à Birmingham et m’être entraîné intensivement au triathlon durant cette période, je peux vous confirmer qu’on y apprend à ne pas s’écouter et à courir et rouler par n’importe quel temps, ce que faisaient les Brownlee pour aller étudier en vélo par exemple …

  5. Et le pire c’est qu’il a dit qu’il était parti plus doucement que d’habitude car il ne savait pas où il en était niveau CAP. Je crois que la réponse est claire…
    Sa dominance dans les trois disciplines est impressionnante. Et maintenant son ascendant psychologique est tel que les autres subissent entièrement. Il a aussi dit qu’il ne comprenait pas pourquoi les autres n’ont pas collaboré. Y’a une image où il pousse un type pour le mettre dans l’aspi, il ne réalise pas que les autres n’arrivent pas à tenir son allure !!
    En tout cas c’est un régal de le voir courir, il change le sport. Son frère aussi d’ailleurs.
    Pour avoir habiter à Leeds, où ils résident, je comprends qu’ils soient costauds mentalement car l’hiver là-bas n’est pas propice à l’entrainement…

    1. Ton commentaire me fait penser que j’ai trouvé Alistair un peu insolent dans ses propos d’après course… Quand tu gagnes en dominent de cette façon… je ne sais pas à quel point c’état nécessaire de faire dans le… j’aurai pu faire ci et ca… Il a attaqué les autres dans son échappé, mais j’ai du mal à croire qu’il n’a pas réalisé qu’ils étaient incapables de donner plus… enfin bon, c’est un grand champion tout de même.

      1. Je ne suis même pas sur que ce soit de l’insolence car il pourrait rester dans le peloton il gagnerait quand même, c’est le meilleur en CAP. Je pense qu’il est tellement compétiteur qu’il veut juste creuser l’écart au maximum car c’était ce qu’il y avait de mieux à faire dans cette configuration de course. S’ils avaient pu mettre 2′ aux poursuivants, ils auraient été 4 pour 3 places sur le podium. Ca valait peut être le coup de tenter.