Le Grand Prix de Charlevoix est réputé pour être l’une des courses les plus difficiles de la province. Se déroulant en 3 ou 4 étapes selon la catégorie du cycliste , il offre non seulement une succession interminable de côtes variées, mais aussi une météo qui peut être pour le moins exécrable et qui, l’an dernier, a produit son lot d’abandons. Par exemple chez les Juniors en 2012, seulement 35% des coureurs ont complété la course.
Mon but, ceci étant ma première saison de vélo depuis fort longtemps, est donc de me rendre à la ligne d’arrivée de la dernière étape le dimanche en un morceau. Le vendredi en soirée c’est le critérium pour les Juniors et Seniors, les Maîtres comme moi peuvent admirer le passage des cellules orageuses arrivant du nord.
Puis, le samedi matin, c’est le contre-la-montre pour tous. Première constatation : « il fait donc ben frette! ». Deuxième constatation : ça faisait longtemps que je n’avais pas vu autant de sourires à une ligne de départ. Troisième constatation : pas moyen de se réchauffer sur du plat si on a pas amené son trainer avec soi. Je me résous à mouliner sur la route la plus proche et me ramasse avec 250 mètres de dénivelée dans le temps de le dire. Au départ du clm, le commissaire vérifie les vélos avec beaucoup de sérieux. Il y a un règlement (UCI) qui oblige que la selle soit au niveau (un tout petit angle est permis en fait) et qui crée pas mal de commotion chez les coureurs qui doivent sortir leurs clefs hexagonales 2 minutes avant leur départ. Un autre Maître B juste devant moi tente de partir avec une selle sculptée dans un bloc de bois (!?) et se fait revirer de bord. Le parcours de 16km est plutôt plat et exposé au vent du Fleuve. Je le complète « tempo » et me rend compte dans les heures qui suivent que je n’ai pas assez poussé, que la récupération en vélo se fait beaucoup plus rapidement qu’en course à pied.
En fin d’après-midi, c’est l’ascension : 8 km de plat, puis un mur qui atteint jusqu’à 24% de pente avant de s’adoucir en une série d’ondulations jusqu’au sommet 4 km plus loin. Je n’ai pas tout à fait un assez gros pignon alors je suis obligé d’aller vite pour ne pas mettre le pied à terre, il y a des gens qui crient de chaque côté de la route et des photographes, des voitures klaxonnent derrière, je lève la tête et je vois dans le ciel les hélicoptères de la télévision qui font du surplace (ok les hélicoptères c’est dans ma tête seulement!), puis on entre dans un nuage de brume épaisse et les cris des spectateurs sont remplacés par des beuglements de vaches. Des petits groupes se forment et bien vite on sprinte jusqu’à l’arche d’arrivée. Une bien belle étape!
Tôt le lendemain matin, départ à partir de Baie-Saint-Paul pour l’étape sur route de 120km et près de 2000m de dénivelée+. Une fine pluie perle sur mon maillot et on dirait que le vent est en train de se lever. Après quelques kilomètres neutralisés dans la ville, c’est parti. En fait ça ne part pas vraiment, le rythme est d’une lenteur quasi-insoutenable. Je me retrouve en échappée sans le vouloir, et en me retournant me rend compte qu’il n’y a personne qui suit; je mouline mais le peloton ne se rapproche pas. Enfin dans une côte alors que je commence à désespérer, j’entend le roulement des roues en carbone qui se rapprochent, et là ça se met à accélérer franchement. Mais une fois en haut de la côte, nous retrouvons à nouveau un rythme indolent. Cette succession très prévisible d’efforts contrastés se répète plusieurs fois et je m’échappe une nouvelle fois involontairement pendant plusieurs minutes sur le plat.
Mais dans une grosse bosse au km52 (et j’avais été averti par un coureur de l’équipe ABC que la douleur allait arriver en concentré à cet endroit) mes jambes décident que c’en est trop et j’explose … on reforme un petit groupe de 3-4 en se disant qu’on va rouler ensemble jusqu’au finish mais la pluie froide qui tombe maintenant avec force me rentre dans la peau et il faut que j’arrête un peu vers le 80e km pour mettre une veste et une tuque …
Ensuite je roule seul dans le brouillard et la pluie. Dans la descente de Sainte-Irénée la grêle se met à me fouetter le visage et j’ai de la difficulté à serrer les freins, il doit faire 7-8 C max … il n’y a vraiment plus personne .. la course doit être finie … j’arrête pour uriner en grelottant au bas de la côte vers le km95 et je vois passer avec surprise 4 cyclistes qui étaient de toute évidence derrière moi … puis émerge du brouillard un autobus pour personnes handicapés qui s’arrête à mes côtés et le chauffeur de me demander si je veux embarquer, et moi de répondre oh que oui je veux embarquer et ça me prend un bon 15 secondes avant de réaliser qu’il s’agit de la voiture-balais, que je ne serai pas reconduit à un centre de réadaptation à La Malbaie ou quelque chose du genre … et là dans le bus, c’est comme dans le film les Triplettes de Belleville avec des gars blêmes qui tremblent. Il y a aussi des vélos cassés. Mais avec les chaufferettes pas mal tout le monde revient vite à la normale. On récupère quelques autres cyclistes en chemin, on parle de David Veilleux qui vient de remporter la 1ère étape du Dauphiné, de comment l’an prochain il fera soleil, puis on nous laisse sortir à Baie-Saint-Paul.
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En tous les cas bravo à tout le monde : cyclistes qui ont bravé le froid, organisateurs qui ont mis sur pied pour un coût très raisonnable (j’ai payé environ 70.00$ au total pour cette épreuve en trois étapes) une course de très bonne qualité et de surcroît sécuritaire, bénévoles, officiels souvent sympatiques mais inflexibles aux bons moments, population locale souriante … I’ll be back!
Site web de la course : http://www.velocharlevoix.com/grand-prix-cycliste.aspx
Résultats : http://www.velocharlevoix.com/resultats.aspx
Si ça c’est pas extrême.. 😛
Superbe résumé Michel, merci!!
merci Charles, je leur souhaite par contre du beau temps pour 2014! 🙂
Résumé très agréable à lire, vous avez une belle plume Michel. Le coup de pédale doit aussi être aussi fin . Continuez, je ne me lasse pas de vos nouvelles!!!!