Édito > Lorsque la presse généraliste parle de triathlon… j’ai un malaise. Lettre à Gabriel Béland

Contrairement aux vrais journalistes, je n’aime pas m’attarder sur les résultats mais j’essaye avant tout de les comprendre. À la différence d’eux, je suis des deux côtés de la barrière puisque je suis aussi le confident de cette nouvelle génération à quelques exceptions près. D’ailleurs 3 portaient les couleurs de Trimes pendant les championnats Junior et U23. Évidemment, ce logo n’a aucun effet sur la popularité de trimes. C’est avant tout une sorte de support moral, les jeunes sont fiers de nous représenter et nous sommes particulièrement privilégiés de pouvoir faire une bonne partie de chemin ensemble.

À défaut, ces journalistes écrivent mieux que moi, ils connaissent leurs formules parfaitement et suivent leurs règles comme de parler des Canadiens uniquement s’ils gagnent. Tout est formaté et généralement, comme tout sport amateur, le simple fait qu’un journal écrive du contenu original et l’insère dans ses colonnes sera vu comme une consécration. De ce fait, les athlètes s’exécutent même si dans le fond, ils répondent avant tout à une obligation puisqu’ils ne peuvent se permettre de se fermer des portes sachant très bien que cela pourrait avoir un impact sur la recherche de commandites.

Malheureusement, la réalité est que cette couvertures médiatique (enfin selon trimes… encore là, nous sommes incapables de trouver des articles qui reflètent vraiment la réalité du sport tel qu’on la connaît) diffuse une vision du sport qui selon nous est incomplète, s’attardant uniquement sur les résultats. Les victoires sont donc synonymes d’insertions dans l’équipe ou la Presse. Sans être naïf, nous comprenons qu’il existe un très grand nombre de sports et que le triathlon est responsable de son manque d’intérêt. Le sport à beaucoup à faire encore.

Leur vision n’est donc pas totalement fausse puisque les temps ne mentent pas, mais ils ne disent pas tout puisque le  triathlon est extrêmement complexe et même ses acteurs n’ont pas de certitudes sur le développement des jeunes athlètes.

En fait, la grande problématique est que même chez les pratiquants en triathlon, la distinction entre le sport amateur et le sport spectacle/professionnel n’est pas simple. Certains pensent donc que ces élites sont sûrement tous dopés et tous très riches.

La réalité est qu’ils font d’énormes sacrifices et s’endettent pour se donner une chance afin de refuser de se dire le fameux… Et si, j’avais essayé… le triathlon demande à ces jeunes de faire d’énormes sacrifices sans négliger leurs études.

Ils doivent vivre avec ce manque de temps perpétuel ou ils savent qu’à la fin, c’est souvent celui qui se sera entraîné le plus qui mettra le plus de chances…

Alors voilà… ce matin, j’ai vu cet article de La Presse

Alors que les hommes n’ont rien fait qui vaille aux Mondiaux U23 de triathlon, hier à Londres, les filles ont raflé trois des cinq premières places.

Gabriel Béland, j’avais beaucoup apprécié votre article sur la problématique sur la non-affiliation des courses à la fédération québécoise d’athlétisme. Je me suis alors dit, enfin quelqu’un qui comprend l’importance de financer l’élite. Il aime le sport d’endurance et il doit donc comprendre les efforts à mettre. 

Et puis, j’ai lu cette phrase. J’aimerais énormément aller prendre un café pour vous expliquer le triathlon. Il n’y a pas de mauvaise intention de ma part la dedans. Je pense juste que cette phrase fait mal à ces deux U23 ainsi qu’au trois juniors Québécois qui étaient en action et dont vous ne parlez pas vraiment. Ironie à part, avec la 12e,18e et 28e place, c’est surement le meilleur résultat des Canadiens depuis très longtemps. 

La presse en générale a donné beaucoup de respect à David Veillieux pour avoir juste fait le Tour de France. On comprenait tous la difficulté pour un québécois de réussir à se faire sélectionner par une équipe. Imaginant tous les sacrifices derrière cela. 

Nos deux U23 qui n’ont rien fait qui vaille selon vos mots sont Alexander Hinton 13e et Matthew Sharpe 24e. Si on regarde pour Hinton, avec son temps en course à pied et une meilleure natation, il aurait pu finir dans le top 8. Mais les circonstances de course ont fait qu’il n’a pu entrer en T2 avec le groupe en tête.

Surement qu’Alex ou Matt ne verront pas votre texte. D’une certaine façon, il pourrait être une motivation. Malheureusement, pour le grand public, ils penseront tout simplement qu’ils sont mauvais et je peux vous assurer que ce n’est pas le cas. Après, on se demande pourquoi nos élites amateurs n’ont pas plus de supports. Vous  avez une responsabilité face à cela. Vous avez le droit d’être franc et je ne voudrais surtout pas que vous  tombiez dans la complaisance, mais n’oubliez pas que le sport amateur, ce n’est pas le sport professionnel. Ici, personne ne gagne des millions et le sport n’est pas pourri par le dopage non plus.  

Je tiens à vous rappeler que ce sont des athlètes en développement, cela signifie qu’ils progresseront ou pas. Même si nos filles sont en meilleures positions, rien n’indique que leur avenir sera plus brillant et vos propos peuvent faire qu’une fille qui à fait 5e le vive justement très mal.

Hier, le junior qui a gagné avait juste fait un top 15 l’année précédente. 

Alors voilà, vous prendrez peut-être ce texte comme une attaque mais dans la réalité, moi j’aimerais avant tout que tes lecteurs comprennent mieux nos athlètes et leurs réalités. Alors j’espère pouvoir en discuter prochainement avec vous. 

 

13 commentaires
  1. Alexandre, j’ai également beaucoup de difficulté à comprendre les gens qui expriment des opinions aussi tranchantes (et aussi négatives) sur des sujets qu’ils ne semblent pas bien connaître toutes les subtilités.

    Un peu plus de retenue ou de rigueur aurait été de mise. Connaissant tout le travail qu’il faut, pour seulement être sur la ligne de départ, je n’oserais jamais dire qu’ils n’ont « rien fait qui vaille ».

    J’espère que tu auras la chance de converser avec M. Béland.

    1. Cela reste une phrase…

      Mais pour ces jeunes, alors que courir et être des acteurs dans la course devraient les rassurer dans leur développement. Pourtant repartir sans médaille mettra ces athlètes dans le doute.

      Ce n’est pas normal qu’un athlète dans le top 20 a cette impression d’avoir déçu tout ceux qui croyaient en eux. Surtout lorsqu’on sait que ces courses se gagnent sur des détails.

      Dans la réalité même avec une médaille, cela ne garanti nullement un succès pour les jeux sans progression. On parle d’une tendance et non d’une garantie.

    1. Merci Derek, la problématique demeure que la prise d’opposition face à cette problématique tellement connu ne rend pas très populaire. Je sais que pour certain, c’est analysé comme une critique qui amplifie une vision negative du sport.

      Il faut des fois rappeler qu’un groupe à une vision différente du sport.

  2. C’est la loi des médias.
    Soit c’est la victoire et les éloges.
    Soit c’est l’échec et les critiques
    La demi mesure ne fait pas vendre…

    1. Guillaume, je suis tout à fait d’accord avec toi. Après, on n’est pas obligé de l’accepter. Enfin, on est aussi conscient que notre position ne changera pas grand chose…

      Mais on préfère tout de même donner des portes afin qu’on se rappel ce que le sport doit être… pas juste un outil à faire du cash.

      Sinon, je pourrais faire un blog juste sur Lance et être très riche :p

  3. Alexandre, je partage ton point de vue. Cependant, être finaliste au CM Junior et médaille au CM U23 est une tendance lourde pour faire partie de l’élite ensuite. Ce n’est pas une garantie, mais tous les meilleurs élites sont passés par ces étapes.

    Le triathlon est complexe, certes, mais il l’est pour tous. Quand tu nages comme Austin et Coninx, tu te simplifies la course aussi :).

    Tu as raison de souligner que le résultat d’un jeune ne peut pas être le reflet de ses potentialités à venir (avenir ;)) mais bien la photographie d’un moment. Il faut plus d’informations pour tirer un bilan plus complet (date d’arrivée dans la discipline, passé sportif, volume d’entraînement, entrainabilité, etc…).

    Merci pour ton implication et tes articles, bien plus pertinents que la presse triathlétique français qui souvent me désole.

    1. Benji, d’un point de vue realiste, je pense aussi que ne pas être sélectionné pendant tes années juniors et U23 compliquent énormément tes chances d’arriver en WTS. Surtout dans des pays ou le talent est très dense comme la France.

      Si on regarde la carrière de Non Stanford. En 2010-11, il était impossible de dire qu’elle allait gagner la serie.

  4. Très bonne article.

    J’ai la chance connaitre un des petits jeunes qui est monté sur la boite jeudi. Et j’ai été un peu gêné par les attentes que l’on avait de lui sur cette course. Il avait déjà fait un très bon truc au championnat d’Europe. Et du coup on attendait la même chose de lui à Londres.

    Il est normale que lui et son entraîneur est un objectif, que sa famille et partenaires espèrent le meilleur. Mais que d’autres exigent presque la première place ou rien, me gêne terriblement.

    Sur cette course, ça s’est bien passé, mais si ça n’avait pas été le cas ? On aurait dit quoi ?
    Surement les mêmes bêtises que l’on a dit pour les pauvres triathlètes canadiens.
    Alors que ça ne se joue à rien du tout. Le petit jeune en question a eu un problème mécanique l’année dernière. Cela aurait pu lui arriver jeudi. Cela aurait changé quelque chose à son niveau ? A son potentiel ? Non. Mais les phrases assassinent du genre « Alors que les hommes n’ont rien fait qui vaille aux Mondiaux U23 de triathlon » peuvent faire très mal à un jeune.

    Il y a une trop grande disproportion entre les moyens que l’on donne à ces jeunes et les attentes que l’on a d’eux. Et plus on s’éloigne de l’environnement proche d’un athlète plus les exigences sont élevées, et moins on est conciliant sur une contre performance, qui est bien souvent toute relative.

    Mais comme le dit Guillaume c’est la loi des médias. C’est un reflet de la façon de penser de la majorité. Il faut « vendre ».

  5. Je ne suis pas d’accord avec toi alexandre, regarde ses chronos : http://www.thepowerof10.info/athletes/profile.aspx?athleteid=3000

    Ne pas être sélectionné ne t’interdit pas de courir sur des coupes continentales (après je connais plus la situation en Europe qu’en Amérique du nord). Un français cadet ou junior peut très bien arriver à faire des résultats plus vieux sans être sélectionné en catégorie jeune. Cependant, vu le travail qui est fait par les équipes de France aujourd’hui, si un jeune n’est pas sélectionné, c’est qu’il n’est pas finaliste potentiel. Pour autant, au CE ils ont pris trois cadets.

    1. oui je te l’accorde, je parlais plus dans la logique canadienne qui n’a pas de circuit comme la D1 ou meme D2 et autant de courses coupe d’Euro.

      Donc, ici, on a généralement du mal à garder nos athlètes dès qu’ils sortent du système fédérale. Et ils sortent souvent du sport parce qu’il est difficile de les garder motiver vu les courses offertes…

      Donc pour le Canada, cela serait impossible d’utiliser la règle du potentiel finaliste.