La recherche d’une foulée économique est le Graal de beaucoup de coureurs (dont évidemment tous les triathlètes sur longue distance). Pour essayer de mourir moins idiot et animer le débat sur le sujet, voici une analyse rapide de la foulée d’Anton Krupicka (ultra-marathonien américain professionnel, vainqueur de plusieurs ultra-marathons dont, à deux reprises, le fameux Leadville 100), qui va à l’encontre de certaines idées reçues sur le sujet.
Evidemment, dans ce genre d’épreuves d’ultra-longue distance, l’économie de la foulée devient primordiale. Il est donc intéressant de chercher à analyser la foulée d’Anton sous cette angle. On peut remarquer plusieurs particularités intéressantes dans sa foulée qui est, en effet, particulièrement économique :
1) buste droit, et non penché en avant et extension de la hanche:
On peut voir sur la photo qu’au moment de l’extension arrière de sa jambe, son menton est à l’aplomb de son sternum. On retrouve cette position chez le triathlète Craig Alexander (double champion de l’Ironman d’Hawaï) et bien que sa vitesse soit réduite (il doit sans courir sous les 12 km/h sur ces extraits vidéos), on retrouve un certain arc au moment l’envol.
Le fait de garder ainsi le buste droit contredit beaucoup des recommandations qu’on entend par ci par là de courir légèrement penché en avant, alors que cela permettrait soit disant au coureur de mieux tirer parti de la force de gravité. C’est d’autant plus étonnant que Krupicka, en tant qu’ultra marathonien, aurait tout intérêt à utiliser la gravité, force gratuite s’il en est.
L’explication me semble être que courir, même un peu penché en avant, a tendance à favoriser l’attaque par le talon (difficilement compatible avec le fait de courir 15h d’affilée comme le fait Krupicka) et limite l’utilisation des forces du haut du corps.
On remarque sur la photo suivante qu’en dépit d’une allure assez tranquille, Anton a plutôt une très bonne ouverture de la hanche (extension vers l’arrière). Cela donne une bonne amplitude à sa foulée, en dépit du fait qu’il ne va pas chercher devant avec sa jambe. L’amplitude se fait avant tout grâce à la chaîne musculaire fessiers + ischio-jambiers.
2) travail du haut du corps (translation horizontale des épaules et du bassin) :
Des travaux scientifiques, en particulier ceux du Prof Gracovetsky sur le moteur vertébral, ont mis en évidence l’important du rôle du tronc dans la course à pied (et même la marche). Prendre conscience de l’importance du tronc dans la course est fondamental car c’est tout un ensemble musculaire très important qui va aider à générer le mouvement. C’est ce que fait Anton.
En déplacant ses épaules et son bassin plutôt sur un plan horizontal, il limite aussi beaucoup les déplacements verticaux (ce qui participe à augmenter l’économie de sa foulée). On voit sur la photo ci-dessus la manière dont il amène sa hanche gauche devant l’aplomb de son épaule gauche.
3) attaque du pied presque parallèle au sol avec une poulaine particulière :
On constate que la touche du pied au sol se fait presque à l’aplomb de son bassin avec un pied qui arrive très parallèlement au sol. Cela réduit la force d’impact. Ce coureur est d’ailleurs un fervent avocat de la course avec des chaussures minimalistes (très légères et souples avec très peu d’amorti). C’est un coureur d’ultra-endurance et pourtant il ne pratique pas du tout une foulée rasante avec attaque du talon (type de foulée dont on entend beaucoup dire qu’elle serait la plus économique). Anton en est exactement l’exemple contraire.
Pour réussir cette pose de pied tout en ayant une foulée économique, Anton adopte un trajet du pied particulier (poulaine) afin de ne pas avoir à lever les genoux (contrairement à une foulée en cycle avant classique – dirons-nous).
On remarque qu’il lève le pied assez haut derrière lui, ce qui est le signe d’une bonne utilisation de l’énergie élastique générée par la détente du mollet et du pied, grâce à un bon placement du pied presque à l’aplomb de son centre de gravité.
Au final, la foulée extrêmement économique de Krupicka se caractérise par :
– le buste redressé,
– un rôle moteur du haut du corps,
– le minimum de mouvements parasites (très peu d’oscillations verticales),
– une attaque du pied quasi parallèle au sol avec peu de force d’impact avec un trajet du pied optimisé pour garder une foulée économique,
– l’optimisation de l’effet rebond du pied combiné au rôle moteur du tronc permet un mouvement relativement économique.
(pour plus d’infos sur la théorie et la mise en pratique de ce type de foulée, je vous renvoie à mon ouvrage : « Courir Léger – Light Feet Running », première méthode complète en français de mise en pratique de la foulée médio-pied).
(lien vers la vidéo complète: http://www.youtube.com/watch?v=bicmp2yyrFk)
S. Séhel
Auteur de « Courir léger – Light Feet Running » et « Le Guide du Crawl »
www.leplaisirdecourir.blogspot.com
« La course à pied avant-pied, un choix technique et tactique pour la performance et la prévention des blessures »
Vidéo conférence UTMB / http://www.dailymotion.com/video/x141f09_2013-ultratrailtv-conference-la-course-a-pied-frederic-brigaud_sport
Frédéric Brigaud vous dévoilera tout l’intérêt biomécanique de la prise d’appui avant-pied dans la pratique de la course à pied dans un souci d’efficience et de préservation ; pourquoi l’avant-pied est une interface neutralisant les dévers du terrain et comment le haut du corps participe à la propulsion. D’autre part il vous expliquera pourquoi l’enseignement de la technique de course à pied avant-pied doit, selon lui, faire l’objet d’une réflexion à l’échelle de la nation dans le cadre de la politique sportive.