Special Kona > La différence entre les bons et les moins bons coureurs à Kona

Comme chaque année, se courra samedi 12 octobre le championnat du monde Ironman à Kona à Hawaï.

Cette course reste le pinacle du triathlon. Elle est devenue un mythe fait d’exploits et de légendes et l’a regarder a été, pour beaucoup d’athlètes, le déclic qui les a fait se passionner pour ce sport si particulier qu’est le triathlon et surtout cette distance si difficile qu’est l’Ironman où il faut enchaîner 3,8 kms de natation, 180 kms de vélo et un marathon.

Ne participe pas à cette course qui veut: il est loin le temps où n’importe qui pouvait s’y inscrire: il faut maintenant s’y qualifier ou bien avoir la chance d’être tiré à la loterie ou, exceptionnellement, recevoir une invitation spéciale de la part de l’organisateur. Et la qualification est loin d’être aisée à obtenir !

En dépit du niveau très élevé des athlètes qui participent à cette épreuve, très peu sont ceux qui arrivent à ne pas très sérieusement faiblir durant le marathon. En 2010, le temps moyen (toutes catégories confondues, pros et age groupers) sur le marathon fut par exemple de 4h06 et en 2009 de 4h17. Si on le compare aux temps moyens du marathon sur les autres ironman, Kona enregistre la meilleure performance: les temps moyens allaient par exemple en 2009 de 4h17 (Kona) à 5h26 (Ironman Chine). Cela s’explique évidemment par la différence de niveau des athlètes, Kona réunissant l’élite des triathlètes Ironman.

Il est intéressant de comparer le temps moyen sur les trois épreuves: ainsi, en 2010: à Kona, le temps moyen en natation fut de 1h13 et en vélo de 5h45. En 2009, c’était un peu moins bien : 1h17 en natation et 5h56 à vélo.

Je pense que ces chiffres confirment la prédominance de la course à pied sur une épreuve comme l’Ironman: la différence entre athlètes se fait avant tout sur le marathon, beaucoup plus que sur la performance à vélo ou en natation. En course à pied, on peut vraiment perdre énormément de temps si on passe à côté de son marathon: c’est moins vrai dans les deux autres disciplines. Ainsi, si on compare la performance moyenne des trois disciplines, le temps moyen au marathon, compte-tenu en particulier des conditions souvent extrêmement difficiles (chaleur et humidité), me semble être objectivement meilleur que dans les autres disciplines et me semble indiquer, qu’en moyenne, la discipline où les triathlètes qualifiés à Hawaï sont les plus forts est la course à pied.

 

 (parcours du marathon à Kona)

Il n’empêche que n’importe quel observateur vous dira que courir un marathon à 10km/h, même après avoir nager et fait du vélo, n’est pas une performance particulièrement impressionnante pour les meilleurs triathlètes surentraînés au monde.

On peut se poser la question de savoir ce qui peut aider ces triathlètes à mieux réussir leur marathon.

Il existe des facteurs évidents qui sont l’alimentation, l’hydratation et la bonne gestion de l’effort à vélo et de la course à pied. Maintenant existent-ils, d’un point de vue technique ou biomécanique, des particularités qui font que certains athlètes courent mieux le marathon que d’autres ?

A avoir observé et étudié la foulée de beaucoup de triathlètes à Hawaï, on ne peut pas dire qu’une technique ressorte plus qu’un autre et on retrouve une large variété de styles parmi les age groupers (amateurs) : en revanche, un point fondamental ressort qui est la parfaite posture des meilleurs coureurs. Au fur et à mesure du marathon, certains coureurs, sans doute du fait de la fatigue ou d’un manque de technique, abandonnent tout souci de posture. On constate cela beaucoup chez les amateurs mais également même chez les professionnels. L’américain Chris Lieto est célèbre pour cela: au fur et à mesure du marathon, sa posture se décomposait littéralement, ce qui lui faisait perdre énormément en efficacité biomécanique par rapport à ses concurrents qui, eux, étaient capables de garder une bonne posture. Les images des dépassements de Lieto par Craig Alexander sont célèbres pour cela.

Cette perte de posture est tout à fait habituelle dès lors que le niveau de fatigue s’accroît car le corps va avoir tendance à vouloir mobiliser au maximum le peu d’énergie disponible vers les muscles de propulsion et non plus de posture: il faut comprendre que lorsqu’on court, on mobilise ses muscles sur ces deux plans: en partie pour se propulser, mais également en partie pour garder une bonne posture d’un point de vue biomécanique.

Les meilleurs coureurs sur Ironman ont tendance inconsciemment (mais également consciemment – comme le soulignent par exemple le témoignage de beaucoup de champions) a porté une attention extrême à leur technique, tout au long du marathon, en s’efforçant justement de garder la meilleure posture possible. L’idée derrière cela est simple: moins la posture est bonne et moins la biomécanique l’est également et donc plus l’économie de la foulée se détériore. C’est donc un cercle vicieux qui se crée.

Ainsi, le conseil que l’on peut donner à tous les triathlètes longue distance est, plutôt que de concentrer leur énergie uniquement vers la propulsion (dont la résultante reste tout compte fait relativement modeste si l’on se base sur la vitesse moyenne des temps au marathon), concentrez vous avant tout sur votre posture et votre biomécanique. Au fil des kilomètres, cela pourra vous faire gagner énormément en économie de course et au final en performance.

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S. Séhel est l’auteur de la méthode « Courir léger – Light Feet Running« , du Guide du Crawl et des blogs « le plaisir de nager » et « le plaisir de courir »

8 commentaires
  1. il ne faudrait pas oublier de citer vos sources d’inspiration… le dernier Jogging International… apparemment. Mais pas seulement… 🙂

    1. Bonsoir, merci de votre commentaire mais à cette heure je n’ai encore pas eu connaissance du contenu du dernier Jogging International dont vous parlez. Je n’ai pas cité les sources des statistiques et j’aurai peut être du le faire (elles émanent de Ray Britt). Les lecteurs de mes blogs et de mes ouvrages ont pu apprécier je pense mon intégrité intellectuelle s’agissant de citer mes sources. Je serais ravi de lire comment une revue comme Jogging International commence à publier des articles qui rejoignent mes analyses. S’agissant en particulier de l’analyse des coureurs à pied sur le marathon de Kona (Lieto, Alexander et d’autres), j’en avais déjà parlé dès décembre 2010 sur mon blog. Finalement c’est peut être Jogging International qui devrait citer ses sources 😉 Au final, si enfin en France la pensée progresse sur des questions de la technique en course à pied, et si des revues de grand public commencent à donner des informations sur le sujet, je m’en félicite.

      S. Séhel

    2. Sauf que jogging international pompe délibérément ce qui se fait ailleurs… je reste dubitatif quand on cite ce genre de presse 😉

    3. Bonjour, à la suite de votre commentaire, je me suis donc précipité ce matin (une fois n’est pas coutume) à mon kiosque pour lire rapidement le dernier numéro de Jogging International. Apparemment, la seule partie qui puisse se rapprocher de mon article concerne plusieurs citations de l’ostéopathe Frédéric Brigaud qui justement insiste sur la posture et la biomécanique (cela occupe deux colonnes dans tout le magazine). Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’écrit cet auteur dans cet article: c’est d’ailleurs tout à fait conforme avec ce que je dis via mon blog et mon livre depuis longtemps. Je connais le livre de Frédéric Brigaud sorti cet été et ses dernières conférences ; j’ai d’ailleurs parlé de son travail dans mon avant-dernier article sur trimes consacré à la foulée médio-pied et également sur mon blog. Pour éviter tout malentendu, je tiens juste à dire que je m’intéresse à la technique en course à pied depuis 2008 ; après m’être intéressé à Chi Running et Pose puis à l’approche plus barefoot (Robillard, Born to run..) et être arrivé comme beaucoup à des impasses ou des questions non résolues, j’ai élaboré ma propre approche de la technique ; j’ai d’ailleurs posté sur mon blog beaucoup d’analyses de foulées depuis près de trois ans. Mes réflexions ont abouti à la parution en octobre 2012 de mon livre « Light Feet Running – Courir léger » qui propose une méthode pour adopter une foulée médio-pied. Alors que le débat en France sur la technique a longtemps ignoré, j’ai été ravi de voir dans le livre de Frédéric Brigaud que lui aussi défendait l’intérêt d’une foulée sans attaque talon ; j’ai pu aussi voir que sur certains points nous avions pas non plus la même approche. Il en est de même avec d’autres auteurs par exemple Daniel A. Dubois. Pardon pour cette explication un peu longue et j’invite Kj à lire mon livre et mon blog si le sujet l’intéresse. Il y trouvera des informations beaucoup plus élaborées que dans Jogging International 😉
      Enfin pour finir, il n’y a rien d’extrêmement original à écrire qu’il est très important de garder une bonne posture sur un effort long car c’est un élément fondamental de la biomécanique. Mais il est vrai que beaucoup de coureurs perdent cela d’esprit la fatigue venant. Dans mon livre, j’apporte des éléments de réflexion plus nourris sur le sujet.

      S. Séhel

  2. le plaisir de nager , le plaisir de courir
    que de tres bonnes analyses techniques qui nous éclairent au quotidien !!!!
    encore merci pour ces précieux conseils

  3. Merci Solarberg pour ton analyse très intéressante, et pour ma part peu importe de savoir qui s’inspire de qui ! Ce genre de débat de fait progresser personne !!

    Ne perds pas ton temps à te justifier auprès de gens qui ne sont là que pour critiquer et n’apportent rien de constructif au débat !!
    Ce qui compte c’est l’interprétation qui est faite des analyses et je te félicites pour ton implication et ton boulot.