Texte de Matthieu Chadeville, auteur du site internet Natation pour tous et du livre Natation : méthode d’entraînement pour tous
L’amplitude ne fait pas forcément nager plus vite.
A partir du début des années 90, Alexander Popov enchaîne les titres internationaux sur 50 et 100 mètres nage libre. Sa nage est décortiquée et sa grande amplitude marque les esprits. Le nageur russe gagne régulièrement ses courses en réalisant moins de mouvements que ses adversaires. Son amplitude (la distance qu’il réalise à chaque mouvement) est supérieure de 10% à celle des autres nageurs tandis que la fréquence de ses mouvements est plus basse.
A l’époque, beaucoup y voient une évolution à long terme. On prévoit déjà que le nageur du 3ème millénaire sera plus rapide grâce à une amplitude encore meilleure. Cette prédiction ne s’est pas réalisée. Au contraire, les nageurs qui ont battu les records d’Alexander Popov l’ont généralement fait avec une amplitude inférieure. Ils parcouraient moins de distance à chaque mouvement mais avaient une fréquence de mouvements plus élevée (plus de deux mouvements par seconde).
Il est surtout intéressant de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui une « nage type ». Les champions évoluent avec des fréquences et des amplitudes très différentes et ce n’est pas forcément celui qui parcoure le plus de distance par mouvement qui l’emporte. Ceci est d’autant plus vrai que la distance s’allonge comme le montre le graphique ci-contre diffusé par la fédération américaine et qui illustre les fréquences de bras adoptées par les nageurs lors des finales de chaque course des sélections nationales.
Le nombre de mouvements comme indicateur d’entraînement
La progression d’un triathlète ou d’un nageur adulte en natation passe impérativement par l’amélioration de sa nage afin de développer son efficacité. Le nombre de mouvements effectués par longueur peut, sous certaines conditions, être le reflet de cette évolution. Avec une meilleure position dans l’eau ou un appui plus efficace, il est nécessaire d’effectuer moins de mouvements pour réaliser une longueur. Le pratiquant dispose alors d’un moyen d’auto-évaluation très intéressant qui lui permet de contrôler en permanence sa technique de nage. Pour concilier cette approche avec ce que nous avons vu plus haut, il faut distinguer plusieurs étapes de progression.
- ·Etape 1 : La recherche d’une meilleure technique à vitesse lente.
Principe : Il s’agit de rechercher des modifications au niveau de la position, du mouvement propulsif ou du placement de la respiration. Lors de cette étape, il faut être pleinement concentré sur ses sensations, ce qui n’est pas possible à une vitesse importante ou en état de fatigue. Les éducatifs peuvent être très utiles pour ressentir certains points techniques.
Compter le nombre de mouvements ? Des exercices visant à abaisser le nombre de mouvements peuvent être réalisés comme éducatif, ils peuvent notamment permettre de mieux ressentir l’accélération du mouvement sous l’eau qui est nécessaire pour générer un maximum de propulsion.
Exemple : 10×25 mètres crawl en cherchant à baisser progressivement le nombre de mouvements. Repos : 10 secondes entre chaque 25 mètres.
Ce qui fait la différence : Certains nageurs ressentent bien plus facilement que d’autres comment ils sont positionnés, comment bien synchroniser leurs mouvements ou comment exercer un appui efficace. Cette capacité d’analyse des informations sensorielles peut probablement se développer au fil du temps à condition de l’exercer. Ce domaine est cependant encore méconnu.
- ·Etape 2 : L’automatisation de la technique
Principe : Lorsque la première étape a permis de découvrir de nouvelles sensations, la partie est encore loin d’être gagnée. En effet, la nouvelle technique va se heurter aux automatismes acquis. Pour qu’elle ait une chance de s’installer, il faut la répéter de la façon la plus systématique possible. Cependant, l’ancienne technique aura tendance à refaire surface dès que la concentration se relâchera. Il faut par exemple mentionner que 5 kilomètres de crawl par semaine équivalent à 150 000 répétitions du mouvement. Il n’est pas si facile de se débarrasser d’un geste aussi souvent répété.
Compter le nombre de mouvements ? C’est à cette étape que cela est vraiment indispensable. Comme il s’agit de répéter le mouvement le plus efficace possible, les séries doivent se faire avec un nombre de mouvements constant et bas. Si le nombre de mouvements augmente au fil de la séance, c’est le signe d’une dégradation technique et d’un retour à l’ancienne technique. Dans cette phase, il faut toujours mettre en relation le nombre de mouvements réalisés et la vitesse. Il pourrait en effet être tentant (mais totalement contre-productif) de maintenir le nombre de mouvements en ajoutant des temps morts dans la nage.
Exemple : 100 crawl avec une vitesse et un nombre de mouvements constants – 50 autre nage (sans compter). Le tout 6 fois avec 20 secondes de repos après chaque 150 mètres.
Ce qui fait la différence : La capacité à ne pas bruler les étapes. Le volume et l’intensité sont nécessaires mais il faut absolument respecter ses capacités et ne les augmenter que lorsque l’on est capable de maintenir la nouvelle technique.
- ·Etape 3 : Adaptation de la nage aux contraintes de la compétition
Principe : Il faut réfléchir au rapport fréquence-amplitude pour optimiser la dépense énergétique et réaliser la meilleure performance possible. Ce rapport est spécifique à une épreuve et ne peut être réellement trouvé qu’à conditions de se rapprocher le plus possible de la vitesse de course. Afin de retrouver complétement les conditions de l’épreuve, le triathlète a un grand intérêt à nager le plus souvent possible en eau libre.
Compter les mouvements? Dans cette phase, ce n’est pas indispensable. Cependant pour trouver la nage la plus rentable, il est intéressant de faire varier son nombre de mouvements et d’observer les conséquences de cette variation sur un indicateur comme la fréquence cardiaque.
Exemple : 3×500 à vitesse de course (1 avec une amplitude haute, 1 avec amplitude moyenne, 1 avec amplitude basse). Observer sur quel 500 vous vous sentez le mieux et avez la fréquence cardiaque la plus basse. Repos complet entre chaque 500 mètres.
Ce qui fait la différence : La capacité à nager à vitesse de course malgré la fatigue occasionnée. Cela demande une grande motivation.
intéressant mais 5kms de crawl = 150.000 mouvements on est chez les fourmis là 🙂