Ces dernières années, Cyril Viennot est devenu le meilleur représentant français à Kona. Finissant aux portes d’un Top 10, Cyril courait encore après cet objectif et avait décidé de prendre des mesures afin d’y parvenir, puis à la première journée de son stage hivernal, il est victime d’un grave accident de la route. Maintenant que son retour est officiel, Trimes a voulu en savoir plus.
2014 devait être un nouveau départ pour toi puisque tu as intégré l’équipe de France LD grace a tes performances en ITU en 2013. Peux tu nous expliquer ce que cela change pour toi.
Le fait de rentrer dans le giron fédéral apporte une reconnaissance institutionnelle en premier lieu. Pour le moment rien n’est encore décidé, mais d’un point de vue professionnel, il se pourrait que ça m’apporte beaucoup, et que ça me permette de pratiquer le triathlon plus… « sereinement ». On verra. De plus pour mon accident cela m’a permis de bénéficier d’une assurance pour les sportifs de haut niveau, etc… Et aussi d’être un peu mieux suivi, reconnu par les instances territoriales…
Et alors que tout semble se mettre en place pour 2014, tu es victimes d’un accident de la route à Lanzarotte…
Oui, le 7 Janvier, le premier jour du stage qui devait durer deux semaines, je suis tombé à vélo. On roulait à quatre, en ligne, j’étais devant, et une voiture est arrivée de la droite et a grillé un stop. Comme on arrivait vite, je me suis déporté au centre de la route pour la doubler. Et trente mètres plus loin, elle a tourné à gauche, se retrouvant en travers de la route devant moi… Je suis rentré dedans de plein fouet, un peu de côté, et ça m’a stoppé net car le véhicule était haut.
J’ai passé près de 14 jours à l’hôpital, mon retour à la compétition était remis en cause, je veux dire là mes facultés mais aussi ma motivation surtout que je suis père de famille. En fait j’ai passé 10 jours en soins intensifs, puis ensuite seulement quatre jours en service « normal » puis je suis rentré chez moi. Mais je ne pouvais pas trop bouger… On a dû surélever le lit par exemple, je ne pouvais pas m’allonger et me relever seul, je dormais semi-assis (j’ai mis plus d’un mois à pouvoir faire une nuit allongé), et je n’avais pas le droit de sortir pendant un mois une fois rentré. Ca n’a pas été simple. Et même trois mois après, le radiologue qui m’a fait passer le scanner m’a dit que j’avais eu beaucoup de chance en voyant les premiers scanners. Il s’en est effectivement fallu de peu. Concernant mes capacités physiques, le chirurgien m’avait dit qu’il était possible de récupérer à 100%. Donc je n’ai jamais pensé devoir renoncer à pratiquer le triathlon à haut niveau, même si cela devait prendre plus de temps que prévu. Cependant, c’est vrai que ma famille a vécu une période difficile… ma compagne n’envisageait pas de me demander d’arrêter le triathlon, elle me soutenait quoi qu’il arrive, même si évidemment, c’est un peu dur pour elle…
Mais ma motivation n’a jamais faiblie, mon but a toujours été de retrouver mon niveau, et de toute façon un accident peut arriver même en-dehors du triathlon : en voiture, en scooter, etc… Jamais il n’a été question d’arrêter le triathlon à cause de l’accident.
J’imagine que tu as reçu beaucoup de support, as tu été surpris ou déçu pas certains?
Sincèrement non. J’ai plutôt été surpris par le nombre de personnes qui m’ont soutenu que l’inverse.
La tu viens de reprendre l’entrainement, on imagine que ton plaisir à l’entrainement a changé?
Oui c’est sûr que la saveur est différente… Mais ce qui m’anime la plupart du temps est l’envie d’être performant le plus vite possible. J’espère que ça durera!
De l’extérieur, on imagine pas à quel point les pros sont sous pression puisque leur continuation dans le sport dépends de leur résultat. On s’imagine toujours qu’après un accident comme celui là, les priorités changent la façon de voir la vie et que tu refuses de vivre sous pression. Est-ce que cela s’applique à toi?
Cette année je souhaitais progresser, et faire la meilleure saison de ma « carrière ». Je ne sais pas si on peut parler de pression, mais je tiens vraiment à ce que 2014 me fasse oublier 2013 sportivement parlant… Et de toute façon, si je veux rester sportif de haut niveau, il va falloir progresser. Donc la pression sera forcément là, l’accident ne change rien pour moi. Il faut dire que je suis nul en philo!
On sait que tu tenais beaucoup à ton top 10 à Kona, Maintenant quelles sont tes attentes?
Pour 2013 mon but était d’essayer de sauver la fin de saison. Je ne désespère pas de réussir à me qualifier aux championnats du Monde LD et à Hawaï. Mais pour le top 10, on verra plus tard. Les mondiaux sont 3 semaines avant en plus… Mais ce sera difficile, car je ne suis pas encore rétabli à 100% et je sais que je ne serai pas au top ces prochains mois. Si je n’y arrive pas, j’essayerai de faire de belles courses en fin de saison…
2014 sera pour toi?
J’espère! En tout cas je ferai tout pour.
On s’était parlé après Kona, tu avais l’air ambivalent sur ta performance (12e) entre satisfaction d’avoir fait une course solide et celle d’avoir loupé ton objectif de peu top 10. Avec le temps, qu’elle est ton appréciation? As tu l’impression d’avoir fait des erreurs sur ta stratégie?
Pas vraiment, j’aurais peut-être pu prendre l’initiative plus tôt en vélo, mais sinon je n’ai pas grand chose à me reprocher je pense… A pied ce n’était pas la très grande forme, mais j’avais mieux roulé que d’habitude, alors… Maintenant il faut nager mieux, sinon j’ai bien peur de ne jamais arriver à faire beaucoup mieux.
As tu l’impression que Kona est entrain de changer? Avec l’arrivée d’ubberbiker comme Starykowicz et Kienle, on a l’impression que certains athlètes ne sont plus en mesure de revenir de l’arrière. Est-ce que c’était un scénario auquel tu t’étais vraiment préparé?
Oui, on sait bien que suivre des athlètes comme Kienle ou Starykowicz est suicidaire, donc je m’y attendais. Mais ils n’ont pas gagné… Cela dit maintenant pour revenir de l’arrière, à part Kienle, c’est presque impossible.
Est-ce que tu crois qu’un Craig Alexander « des beaux jours » aurait encore pu gagner Kona ou que le niveau de performance des pros continue à progresser?
Oui le niveau continue à se densifier je pense. Mais il faut rappeler qu’Alexander a le record de l’épreuve, donc oui, je pense qu’il aurait pu gagner.
D’ailleurs, Si on regarde les derniers Ironman, certains athlètes évoquent le fait que la densité des courses et le KPR a changé la façon de courir qui ressemble de plus en plus à l’ITU. As-tu l’impression que le cahier des charges a changé?
Oui c’est certain, de plus en plus souvent les « groupes » à vélo se forment et dictent la tactique de course. Le niveau à vélo est de plus en plus élevé, et il est plus difficile de faire la différence, à moins d’être vraiment très fort. De plus les pros courent beaucoup plus qu’avant à cause du KPR, donc il y a de plus en plus de très bons athlètes au départ des courses. Donc il va bien falloir que je progresse en natation, ou que je devienne très fort sur le vélo!
Peu de gens le savent, mais tu menais une carrière pro en ironman tout en étant enseignant. Donc d’une certaine façon, tu pourrais très bien courir en groupe d’ âge. La distinction entre les deux catégories est de plus en plus mince. Trouves tu la situation injuste?
C’est vrai que je ne travaille plus depuis septembre seulement. Mais la limite entre pros et les groupes d’âge est floue c’est certain. Pour moi elle dépend surtout du niveau de performances. Je ne me serais pas vu courir en GA parce que je voulais faire la course avec les autres… J’ai fait un 70.3 en GA en 2009, (Wiesbaden) et j’ai fini 9e. Mais j’ai fait un contre la montre, car j’étais parti 40 min après les pros… Ca ne m’intéressait pas et ne me motivait pas. Depuis je cours en pro. Après c’est effectivement injuste car dans certains pays les moyens sont plus importants que dans d’autres, mais avant de faire du long je n’aurais pas imaginé atteindre ce niveau, donc je suis satisfait de ce que j’ai.
As tu l’impression que la qualité des pros français en ironman est entrain de se bonifier? Parce que d’une certaine facon, cela explique historiquement un certain retrait des français dans cette distance puisque rester en FGP est beaucoup plus sécuritaire.
Le long est quand même de plus en plus valorisé, je trouve, donc ça aide à trouver des partenaires. Et ça fait peut-être plus rêver les jeunes générations qu’avant… Mais c’est vrai qu’il y a de plus en plus de Français performants en longue distance, c’est une bonne chose.
Gros vélo pour Cyril ce week-end au Triathlon des Lacs 2014… 41 de moyenne sur les 83km, impressionnant !
J’ai l’impression que son retour se passe plutôt bien 🙂