Ils étaient 15 en 1978 à l’autre bout du monde sur une plage de Honnolulu. Des sportifs de tous horizons qui avaient répondus au défi sorti de la tête d’un capitaine de Marines Américain, John Collins. Réussir à enchainer les trois épreuves réputés les plus difficiles de l’Iles pour n’en faire qu’une seule..
Un maillot de bain, un vélo, des baskets et un t shirt comme seul matériel. Leur courage et la recherche d’une forme de dépassement de soi comme moteur.
Ils sont des milliers, chaque week end un peu partout dans le monde. Matériel haut de gamme, « hight tech », Casques aéro, chaussettes de contention, combinaisons néoprènes du dernier cri, produits énergétiques plein les poches… Prêt à dépenser des milliers d’euro pour le fameux label « Ironman », pour un T-shirt « finisher » et une médaille.
Aujourd’hui partout dans le monde, les Ironman font le plein. Un business bien lucratif pour ces firmes qui brassent des millions en vendant du rêve « haut de gamme » à des sportifs en mal de reconnaissance. Des sportifs prêt à payer prêt de 400 euro le droit de s’aligner sur la ligne de départ d’une de ces courses « prestigieuses ».
Pourtant, c’est à la rencontre d’un environnement aseptisé que ces milliers de pratiquants convergent. Entassés comme des sardines dans des courses se transformant souvent en des cyclosportives et sur des parcours à électrocardiogrammes plats en multi boucles entre des plots, ils déambulent pendant des heures jusqu’à obtenir enfin leur « graal », la médaille…
Comment expliquer un tel engouement ? Plus une course est chère et plus elle semble attirer de participants ! Plus un matériel est hors de prix et plus il est recherché…
L’half ironman de Aix en Provence fait le plein en quelques semaines tandis que des triathlons magnifiques et séculaires attendent des volontaires… Vouglan, St Rémy sur Durolles, j’en passe et des meilleurs… Des courses peu chères dans des lieux superbes et personne au départ alors que dans le même temps, des milliers de triathlètes s’entassent sur le bitume de la Promenade des Anglais.
Lorsqu’on demande à certain pourquoi ils font ces courses, la réponse est souvent, « la qualité de l’organisation ». Mais qu’entendent ils par là au juste ? Aujourd’hui, la qualité de l’organisation, pour le « triathlète moyen », cela veut dire des ravitaillements à n’en plus finir, des moquettes « super confort » dans les aires de transition, des bénévoles pour vous enlever votre combinaison, récupérer votre monture et vous enduire de crème solaire… Et surtout, une sono pour crier à chaque participant « you are an Ironman » à vous en faire péter les tympans… ». Où est donc passé l’esprit originel ? Le côté aventureux et un peu fou des pionniers. Il a été remplacé par la pompe à fric qui en génère encore et toujours plus en jouant sur l’orgueil et la quête de reconnaissance du triathlète lambda…
Car c’est bien ça le problème aujourd’hui. Le triathlon est « à la mode ». Faire du triathlon, ça « claque », si tu es triathlète, tu en as dans le pantalon, t’es pas un rigolo. Et comme tu n’es pas un rigolo, tout doit être calibré, pensé et organisé pour toi…
Si tu pars en vélo, point de sirop dans le bidon et de patte de fruits dans les poches, mais une poudre, des barres et des gels au prix exorbitant. Chaque entrainement coutant au final plus cher en produits énergétiques qu’un bon ciné ! En natation, il faut la dernière combinaison à 700 euros permettant une glisse soit disant toujours plus parfaite… Et en course à pieds, sans les bas de compression, tout est perdu, la crampe te guète !
D’aucun diront que c’est une évolution normale, que les courses se structurent et que le matériel évolue. Que finalement c’est une bonne chose de voir notre discipline devenir plus « pointue », un forme de maturité en somme… Pourtant, si on observe les parcs à vélo, il y a comme un malaise. Au final, notre beau sport devient la chasse gardée de la classe supérieure aisée qui troque le temps du week-end sa cravate et sa chemise pour son fidèle destrier, tout en carbone de préférence… Les triathlètes ressemblent de plus en plus à des clones, presque robotisés par le soucis de la perf à tout prix coûte que coûte. L’esprit aventureux, fun et gentillement amateur des débuts a disparu…
Certes, je grossis beaucoup le trait mais nous devons rester vigilant. Le triathlon est un beau sport, complet, varié, qui demande de l’intelligence, de l’endurance, un zeste de volonté et surtout, de l’humilité. Cette dernière qualité fait de plus en plus défaut à la majorité d’entre nous.
Alors, retirons de temps en temps nos t-shirt « finisher », et nos chaussettes compressives pour aller faire les commissions. Oublions un instant la nécessaire dernière « combar » à la mode, le casque qu’il faut avoir pour aller plus vite, la montre à 500 euros absolument indispensable à l’enregistrement de tout un tas de paramètres que, concrètement, quasiment personne ne maîtrise…
Faisons preuve d’un peu de créativité et d’originalité en débusquant les petites organisations et les courses exigeantes, à taille humaine sur des parcours bucolique où le drafting, de fait, est peu répandu.
Certes, il n y’ aura peut être pas de t-shirt ou de médaille au bout du chemin. Sans doute, il faudra partir avec ses bidons et ses poches bien pleines… Le super vélo aéro et le casque de chrono resteront peut être au clou pour une fois sur ces parcours sinueux et difficiles… Les pompom-girl ne seront pas là à l’arrivée et nous n’aurons droit qu’à quelques applaudissements clairsemés de l’assistance. Mais nous retrouverons ce qui fait la raison d’être de notre beau sport, le goût de l’effort désintéressé sans frime et sans artifice, pour la beauté du geste.
Oui oui.. les vilains triathlètes plein d’argent qui se pavanent devant les pauvres qui sont en fait les « vrais » et les « pionniers » du sport.. pendant ce temps on peut lire un article sur ce même blog sur les dernières Zipp à 3 smic.. un peu de cohérence..
Je comprends totalement ta remarque. J’y pensais justement… À la base, de mon livre à moi, le matos haute performance est pour des athlètes haute performance… Le texte évoque surtout l’évolution du sport qui devient très matérialiste et cela ne vient pas juste du matos… Maintenant, il faut 3000 volontaires pour un 70.3…
Justement, c’est bien, non ? d’avoir au sein d’un même organe, plusieurs personnes qui publient et qui ne déversent pas obligatoirement la même parole et le même point de vue monolithique tout le tout le temps ! Merci d’ailleurs à Alex qui me laisse carte blanche ! ( put…. j’aimerais bien essayer les dernières Zipp… même à 30 à l’heure… ;-))
Article pertinent…trop rare, loin de la pensée unique productive de clones aussi prévisibles,stupides, qu’inutiles, qui dérange visiblement…le sport est tombé bien loin des valeurs originelles, une fédération coupable et complice..mais c’est peine perdu le triathlète ne connait pas le juste milieu, seulement les extrêmes, qui sont des vices proches de la témérité ou de la lâcheté, il est bien plus facile de basculer dans la dernière posture, comme chaque personne objective peut le constater au quotidien.
Je tente depuis des années avec des actes concrets, d’autres voies, d’autres propositions d’être cohérent avec ma philosophie et certains avis, malheureusement quand rien n’est fait tout le monde est partant et trouve l’initiative parfaite, et quand tout se concrétise, c’est la fuite et les faux semblants, lâche et pathétique.
Les commentaires de réaction sont à la hauteur de la cette réputation du triathlète, du moment ou il ne flatte pas l’égo…une absence totale de savoir être!
Ce genre de post est bien pour nous rappeler que la performance en triathlon n’est pas que liée à la course ou au matériel… Mais bon faut pas déconner non plus, le triathlète reste quand même rarement un frimeur, plutôt un gars qui essaie de pas passer pour un fou… Par rapport à la moyenne des gens, je trouve (ce n’est que mon avis) que notre « population de licenciés » fait partie des sportifs en général les plus humbles…
il faut de tout pour faire un monde. C’est difficile de faire des généralités. J’imagine que l’on peut tous être d’accord la dessus. Après, des fois la machine devient tout simplement trop grosse. Moi j’ai arrêté le tri parce que financièrement cela devenait impossible pour ce que je voulais faire…
La t’es incohérent.Tu dis que le meilleur matos devrait etre reservé aux meilleurs, je suis pas d’accord mais pourquoi pas. En revanche si t’es dans les meilleurs le prix du matos n’entre pas en compte puisque tu peu t’équiper pratiquement gratuitement avec le sponsoring, voir etre payé poru utiliser du bon matos si t’es vriament bon. Et ne me dis pas qu’il faut d’abord acheter le matos pour etre au top, un athlète vriament talentueux peut se faire remarquer sur du long avec un giant trinity alu d’occas a 800e et une combi a 200e.
Antoine, dans la non accessibilité, je parle surtout des prix des courses, hotels etc… avec deux enfants, tu te rends rapidement compte que ce sport te coute extrêmement cher. Je suis aussi d’accord avec toi qu’un P2 est pratiquement aussi bon qu’un super bike etc… Y a par contre une sorte de pression à la surenchère du matos qui est constante.
C’est psychologique, on peut arriver a des résultats trés aero avec un petit budget. Roues chinoise, casque a pointe bien choisi d’occas etc…
Et pourquoi toujours vouloir que le triathléte moyen culpabilise quand il a du beau et bon matosse ? Et le plaisir du beau matériel ?
Je ne travaille pas en costard cravate et je ne suis pas milliardaire non plus
Juste pour te répondre rapidement, qu’un athlète soit plus riche n’est pas un problème. Ce n’est pas une question de classe sociale… mais le triathlon doit être inclusif et non exclusif. Malheureusement, on se rend compte que certaines organisations n’ont plus cette conscience…
Difficile de demander à une organisation commerciale d’être dans une autre logique qu’économique (rentabilité). Pour cela il faut se tourner vers le milieu associatif, ce qu’évoquent certains et notamment Benoît avec des triathlons moins onéreux et qui offrent l’essentiel, un beau parcours en toute sécurité.
Bon article, merci
Excellent ! Bien dit !
Je ne suis dans le tri que depuis 5 ans, donc je ne sais pas comment c’était « avant » mais je trouve quand même que c’est une population assez frime. Il suffit d’aller sur une grosses orga maxi cher pour voir des types, 3 jours avant la course, compressés de la tête au pied, oakley et visière sur la tête, avec un tee-shirt finisher de ci ou de ca, regrettant je suis sur de ne pas avoir pu mettre plus de couche pour montrer ses faits d’arme.
J’ai aussi du mal à comprendre comment un half à 250€ se remplit aussi vite, alors que le tri du Lac des Sapins par exemple, qui est splendide, coute 70€ et est hautement plus gratifiant (et difficile).
J’ai pu m’inscrire au long de Vendôme, du Lac des Sapins, et au half du Lauragais pour moins que le prix d’un 70.3. Je n’ai certes pas eu de médailles à entasser, ou un n-ième sac à dos. Par contre je me suis régalé sur les deux premières courses, et je suis sur qu’il en sera de même pour la dernière. Et je terminerai par le Outlaw, distance ironman à Nottingham fin juillet.
Que de la petite orga, ça devient difficile, mais c’est toujours faisable.
Completement d’accord, l’esprit du sport, c’est la beauté desinteressé de l’effort… je prefere 100 fois sur la distance embrun ou l’altriman que d’aller un jour mettre les pieds à nice (et en plus j’ai pas le budget…)
Perso, je suis même minimaliste dans mon approche des competitions longue distance, mais j’ai toujours le sentiment d’avoir fait ma course de façon desinteressée et « by fair means » comme disent les anglophones 🙂
Enfin… les jours des organisations indépendantes sont surement comptées si on regarde le phénomène aux États-Unis.
Très
bon article, ça fait un moment que je me fait la réflexion sur le
coût du triathlon, et surtout des IM !
(pour être clair je n’en fais pas et il y a peu de chance que j’en fasse
dans un futur proche)
La meilleure preuve en est la sociologie des Ironmen avec un âge moyen
au dessus de 40 ans et (je suppose) un revenu moyen est très
largement au dessus de celui des autres triathlètes (qui ne sont
déjà pas trop démunis).
On a une sélection par l’argent qui empêche un maximum d’athlètes de se
présenter sur ces courses et beaucoup d’autres qui ne le font qu’une
fois tous les X années au prix de grands sacrifices.
Il faut aussi dire qu’il y a une pression au sein de la communauté des
triathlètes qui fait que tant que t’as pas fait un IM t’es pas un
« vrai », ce qui est d’une stupidité !!!
Il faut surtout que vivent les courses « régionales »
longues et courtes qui nous permettent de courir les week-ends à
« moindres » frais en espérant qu’elles restent
organisées en majorité par des clubs ou des mairies et ne soient
pas toutes avalées par des structures privées !
(c’est un peu écrit à la va vite et fourre tout mais je ferai mieux la
prochaine fois)
Amitiés
triathlétiques
Excellent article ! Dire tout haut ce que pas mal pensent tout bas ! Pour ma part, vu la somme de fric dépensée lors de ma dernière saison Ironman (2011), je m’étais dit en allant à Kona que cela y serait ma dernière participation. Je m’y suis tenu, et je ne m’en porte pas plus mal !
Penser que plus de 2500 personnes s’inscrivent en moins d’1 heure pour une course prévue un an plus tard, en payant plus de 400 euros par inscription, ça fait vraiment réfléchir !
Et voir qu’une bonne partie des qualifiés pour Hawaii ne sont pas forcément les meilleurs, mais surtout ceux qui peuvent ‘allonger la thune’ lors de l’amphi, ça fausse aussi un peu le jeu !
Après, je n’irai pas jusqu’à dénigrer les participants, loin de là ! J’en faisais parti il y a quelques temps, j’y trouvais mon compte ! Je suis juste sorti de ce ‘business’ pour revenir à des ‘bases’ plus fondamentales, à savoir que l’on peut s’éclater sur de superbes courses sans ‘s’éclater’ le porte-feuille… car ce n’est pas le but premier !
De toute façon, il existe mille et une raison pour faire du sport, mille et une façon de le pratiquer… et toutes sont louables. Le plus important est sans doute que chacun s’y épanouisse…
(bon maintenant, va quand même bien falloir que je continue à utiliser mon P3 à 10000 euros pour le « rentabiliser »… sans pour autant aller chercher le pain avec 😉