Spécial Kona > On refait la course avec Cyril Viennot – entrevue

Comment s’est passée la natation ? D’après ce qu’on a compris, tu sors avec un groupe incluant Kienle en arrière. Tu devais être rassuré quelque part ?
La natation s’est beaucoup mieux passée que prévu. Après le demi-tour, je me suis retrouvé dans un bon groupe, que j’ai progressivement remonté en 2ème position. J’ai vu Kienle et Cunama au passage, et j’ai constaté qu’il y avait pas mal de monde, ce qui voulait dire qu’il y avait forcément quelques costauds.
En sortant de l’eau, j’ai vu Marino et Luke McKenzie derrière moi, ce qui m’arrive très rarement! Ca m’a donné un surcroît de motivation pour la suite…

Parle nous du vélo. Ton groupe a réussi à revenir sur la tête, puis Kienle s’envole… Est-ce que le groupe a été déstabilisé par les mésaventures de Frodeno? Avez-vous eu le temps de vous en rendre compte?
Comme je m’y attendais, mon groupe a roulé fort. Avant la montée d’Hawi, j’étais derrière le groupe de tête, mais comme il avait fallu combler des trous à chaque fois qu’un mec lâchait prise, j’ai un peu temporisé pour ne pas trop exploser au retour. J’ai vu Frodeno dans la penalty box après le demi-tour, mais personnellement cela n’a eu aucune influence sur ma tactique! Mais je me garderai bien de parler pour les autres…

Peux tu nous décrire un peu ton effort à vélo en plusieurs phases?
C’est sûr que comme la visibilité est bonne à Hawaï, on avait le 1er groupe en point de mire depuis quelques kilomètres. Quand tu aperçois la voiture de tête à Hawaï, c’est grisant! Je savais que je pouvais faire un gros vélo cette année, mais entre pouvoir le faire et le faire vraiment… Enfin là, j’ai roulé au-dessus de ce que j’aurais raisonnablement fait sur n’importe quelle autre course. J’aurais pu exploser sur la 2e partie mais j’étais dans un grand jour…

A l’aller, j’étais plutôt derrière et quand un gars lâchait le train, j’essayais de boucher le trou. C’est usant, il fallait parfois passer au-dessus de 400w pendant 30s… J’ai l »lissé » les efforts à partir de la montée d’Hawi car je sentais que musculairement ça devenait difficile. Je suis resté avec le groupe Potts/Van Berkel/Raelert etc… Et comme je me sentais bien, j’ai accéléré dans les 30 derniers km…

Kienle attaque vraiment sur le retour et les écarts deviennent important sur le retour sur Queen-K.
En posant le vélo dans le top 10, est-ce que tu réalises que tout est en place?
Exactement. A vrai dire, en vélo, quand je suis revenu sur la tête, je me suis dit que si je ne faisais pas quelque chose de bien cette année, je ne le ferai jamais! Et en posant 8ème, je me suis dit la même chose en pensant au top 10!

Comment se passe ton marathon ? Est-ce que tu t’attendais à passer autant d’athlètes sur la fin?
Pas forcément… En étant 8ème, j’aurais aimé toujours garder ma place, et surtout rester dans le top 10. Puis je me suis fait passer par les gazelles… (Raelert, Van Berkel, Potts, Frodeno). Et comme j’avais doublé Romain, je me retrouve 11e… Je cours sans GPS, donc j’avais l’impression de courir trop lentement, et mentalement c’était dur! Mais finalement, comme d’habitude, après Palani ça ralentit…
A chaque fois que je passais un autre athlète, je me disais que c’était génial, avec malgré tout l’espoir que certains serrent le moteur sur la fin pour que je puisse rentrer dans les 6. Il a fallu que je m’arrache jusqu’à la fin, car Potts était 30s devant et Fromhold 30s derrière pendant au moins 10km, mais quand je passe Van Berkel et que je me retrouve 5ème, je me suis dit que là il fallait absolument tout faire pour garder cette place.

Qu’est ce que représente pour toi ce top 5?
Beaucoup de choses… Déjà, avant la course, je me disais qu’un jour, avec toutes les conditions favorables réunies, je pourrais peut-être égaler la meilleure perf masculine Française à Hawaï (6ème… A l’époque!) Mais 5ème, très franchement c’est juste incroyable. Et génial. Et inespéré avant la course.

Est-ce que tu t’attendais à une dynamique comme cela? C’est étrange parce que beaucoup de favoris sont quand même passés totalement à coté de leur course. Comment expliques-tu cela?
Je ne suis pas à leur place, mais il y a toujours des surprises à Hawaï non?

L’année dernière, tu me disais qu’un TOP 10 était ton objectif absolu. Penses-tu arrêter ?  :p Maintenant, tu fais top 5 en étant pour la première fois un vrai pro à temps complet… On se dit quoi maintenant?
Faire un top 10 et arrêter… Ca n’a jamais été le plan!
Mais maintenant, je ne me dis pas « ça y est, l’an prochain je fais 3ème, etc… » Le sport de haut niveau est fait de hauts et de bas, je vais travailler dur encore et encore et on verra bien. Pour le moment, je savoure, point!
Photo: Pierre Moulierac
Photo: Pierre Moulierac


Tu vas avoir un nouveau statut désormais…
Finalement, ton passage en Chine était une bonne idée, non?
Oui, c’était une bonne idée. Mais c’est toujours plus facile de s’en convaincre à posteriori. Je repense à certains commentaires sur internet des mecs qui connaissent tout sur tout et qui disaient qu’il n’y avait pas de niveau sur la course en Chine, ou que tu ne peux pas être en forme 3 semaines après ça… Et ça me fait sourire.

Avec ton accident en début d’année, tu sais que tu deviens la nouvelle source de motivation pour beaucoup…
Très sincèrement, si c’est le cas, j’en suis très heureux. Ca a été très dur pour moi, mais aussi pour ma famille, et je me suis vraiment battu pour retrouver mon niveau. Si ça peut donner du courage à ceux qui vivent la même chose, c’est bien.

1 commentaire
  1. Sympa cette interview de Cyril.La tête dans les nuages, mais les pieds bien sur Terre.Belle analyse de sa course. Bon reportage d’Alexandre une fois de plus.