Laurianne Levasseur a gagné la semaine dernière le titre de championne du monde Xterra en 30-34. Curieux, on a voulu en savoir plus sur sa transition.
En 2012, tu terminais première AG féminine à Lanzarotte et tu t’es qualifié deux fois pour Kona. Tu as pourtant délaissé la longue distance pour l’Xterra, qu’est-ce qui t’a motivé à faire le saut?
Je ne suis allée qu’une seule fois à Kona, en 2009, malgré deux qualifications. J’en ai refusé une en 2012, car je reprenais mes études. Je n’avais pas plus envie que cela de retourner à Kona. J’avais adoré la course et l’île, mais détesté l’ambiance de la course.
J’ai depuis délaissé l’Ironman, mais pas la longue distance puisque j’ai disputé l’Inferno triathlon en Suisse fin août où je termine 5e féminine et 44e au scratch. Au programme, 3 km de natation qui ont été remplacés par 3km de course à pied vallonné, car l’eau était glaciale et la température extérieure très basse. Les organisateurs n’ont pas voulu prendre de risque. Nous avons enchaîné avec 97 km de vélo de route (2300m de D+), 30 km de vtt (1100m de D+) et pour terminer un trail de 25 km en côte (2200m D+)pour passer la ligne d’arrivée à 2950m d’altitude et à zéro degré!
Le format Ironman ne me motive plus trop, d’une part à cause de toutes les dérives actuelles : coûts d’inscriptions exorbitants, drafting… et d’autre part, car j’ai envie de goûter à autre chose. Préparer un Im est vraiment trop épuisant mentalement. Comme je fais les choses à 100% et que je veux toujours mieux faire, j’y laisse trop de plumes.
Je suis passée sur xterra car je me suis mise au VTT pour suivre mon compagnon et son groupe d’ami sportif. Le VTT avait toujours été un échec pour moi étant très très mauvaise techniquement. Je m’y suis mise sérieusement en mai 2013 quand j’ai eu mon Rengg en acier. Comme je ne maîtrisais rien, il y avait cette dimension de défi, d’apprentissage et de progrès que je recherche constamment. Cela a mis un de la nouveauté dans mon entraînement.
Concernant mon passage sur xterra, mon compagnon souhaitait courir à Zonrupt (Vosges) et comme on fait les mêmes courses, je m’y suis inscrite aussi. Au final, je suis allée faire la course seule, car il s’est fait une fracture de fatigue une semaine avant et je suis revenue avec une 2ème place dans ma catégorie, synonyme de qualification pour Mauï.
C’est difficile de comparer les disciplines entre elles, mais est-ce que tu prends plus de plaisir en Xterra?
Oui, ce sont deux disciplines totalement différentes. J’ai trouvé l’xterra France beaucoup plus dure qu’un Ironman : il faut être concentré tout le temps, nerveusement, c’est très dur. J’ai moins ressenti cela à Mauï, mais la course est techniquement beaucoup plus facile et j’ai peut-être aussi progressé dans la gestion de ma concentration.
Sur xterra, je subis moins cette notion de chrono, de respect de l’allure, du wattage… c’est agréable.
Ayant vraiment fait une très bonne course à Lanzarote en 2012, j’avais le sentiment de devoir en faire beaucoup plus pour passer un palier. Sur Xterra, c’est comme si je repartais de zéro, j’ai beaucoup d’axes de progrès et ça me motive plus.
Néanmoins, je prends autant de plaisir dans les deux disciplines.
J’imagine que le monde est très différent et l’esprit des compétiteurs est très différent, non?
Oui, je trouve l’ambiance meilleure, il a plus de respect et moins de frime entre les athlètes. Pas de déguisement Ironman et de T-shirt Finisher avant et après la course…
Bien sûr, toutes les personnes qui participent à des Im ne sont pas comme ça !
Pour comparer avec les épreuves populaires de VTT, j’ai participé au Roc d’Azur cette année et l’ambiance sur le vélo est bien meilleure sur Xterra.
Est-ce que cela a changé considérablement ta manière de t’entrainer?
Je m’entraine vraiment différemment depuis 2 ans, mais c’est plutôt une volonté pour durer dans le temps et ne pas me lasser. J’ai été coaché par Nicolas Hemet en 2009, 2010 et 2012. Cela m’a donné beaucoup de pistes et je commence à savoir ce qu’il me faut, comment je dois m’entrainer. Je gère maintenant seule, au feeling et au jour le jour. Je ne suis surement pas à 100% de mes capacités, mais ça me permet de concilier l’entrainement, la vie de couple, le boulot et la notion de plaisir.
Je touche un peu à tout maintenant : ski de fond l’hiver, vélo sur piste au printemps, VTT en single speed l’hiver, Cyclocross en automne sur les parcours faciles de VTT, compétition de VTT… Je nage et cours assez peu, principalement des footings un peu vallonnés, beaucoup d’escaliers, de PPG et de renforcement musculaire.
Tu as donc gagné ta catégorie, peux-tu nous parler de ta course?
Je suis arrivée à Mauï sans objectif, juste celui de découvrir la course. J’ai mis du temps à récupérer de l’Inferno et je ne me suis pas entrainée comme je l’aurais souhaité. Cependant, j’ai beaucoup travaillé la technique en VTT, je me suis même infligée des randos VTT avec mon cyclocross.
J’ai fait le choix d’arriver le jeudi soir à Mauï afin de limiter la fatigue liée au décalage horaire. Je n’étais pas sereine avant la course, je pensais vraiment me prendre un gros tir. Pour moi, je nageais mal, la partie vélo n’était pas mon point fort (en VTT vs route) et je cours mal…
La natation s’est bien passée malgré les vagues et la houle, je n’ai pas trouvé ça interminable pourtant j’ai passé du temps dans l’eau, je n’ai jamais nagé aussi lentement sur 1500m (32’). Je me suis appliquée à mettre le moins de jambes possible, car j’ai tendance à nager qu’avec les jambes et sans combi, je m’attaque pour la suite. Je suis sortie très fraîche de l’eau et j’ai commencé à remonter du monde dès la transition. Je fais le 493e temps natation, pas glorieux !
Les GA filles sont parties à 9h04, 2’ après les GA hommes, la première montée en vtt était assez bouchonnée et d’habitude je monte assez vite. Là c’était plutôt tendu pour doubler, j’ai passé mon temps à dire « left » « left » « left » et quand ça ne voulait pas bouger (le pire c’est les filles pour cela), je donnais des coups de sonnette jusqu’à ce que cela bouge. J’ai dû prendre mon mal en patience une bonne partie du temps en côte.
Par contre, j’ai perdu pas mal de temps en descente, car je ne maitrise pas encore la vitesse.
Le parcours VTT n’était pas très technique (en tout cas, j’ai vu bien pire) et plutôt roulant.
Je fais le 283e temps et le 34e chez les filles. Sur route, j’ai souvent un bien meilleur classement.
Lorsque je rentre à T2, il y a pas beaucoup de vélo dans mon allée (celle de mon GA). Je n’ai pas fait attention au groupe d’âge des filles que j’ai dépassé à vélo, car certaines d’entre elles n’avaient pas appliqué l’inscription obligatoire sur le mollet (no comment). Je pars à pied d’un pas assez lourd. J’ai fait 3 footings depuis mon arrivée sur l’île et je n’ai jamais eu de bonnes sensations, j’ai même dû gérer des douleurs au foie. Néanmoins, je dépasse quand même du monde et rattrape encore quelques filles dans la montée. Je subis plus que je ne maitrise ma course. Dans la descente, forte d’une paire de trail complètement explosée qui ne me maintient plus le pied, je m’étale à terre. C’est l’heure de dire « vivement la fin ».
Je fais le 213e temps et le 34e chez les filles. Comme à Zonrupt, c’est à pied que se trouve mon meilleur segment/classement. Merci aux parcours vallonnés !
Globalement, je ne fais pas une course exceptionnelle, j’étais en forme sans être dans un grand jour. Il y a encore beaucoup de points à améliorer et surement du temps à gagner.
J’imagine que c’est spécial de pouvoir dire que tu es championne du monde… tu t’y fais… ou cela ne change pas grand-chose.
Oui, c’est spécial, je ne réalise pas du tout, car pour moi, il n’y a qu’une championne du monde en Xterra, la première fille au scratch (Flora Duffy). Je considère plutôt ça comme un titre amateur avec une première place dans ma catégorie. Ça ne change en effet pas grand-chose pour moi, mais ça fait plaisir à mes proches !
J’ai plus de « fierté » à avoir réussi à me qualifier à la fois pour l’Ironman d’Hawaï et pour le Xterra.
Dans la vie, tu es designer graphique et développeur. Cela t’a permis de t’impliquer dans des marques comme Shift up et Rengg. D’ailleurs, tu utilisais un de leur vélo, peux-tu me parler de cette compagnie?
Rengg est la marque de mon compagnon, c’est une petite marque française qui est spécialisée dans le vélo artisanal. Tout est fait à la main en Italie (comme mon cadre) ou en France. L’idée étant de proposer un cadre adapté à la morphologie et au niveau technique du pilote. C’est vraiment du cas par cas et ils ne sortent que très, très peu de modèles à l’année pour ne pas sacrifier la qualité. Pour moi ils m’ont fait un cadre très racé vraiment orienté compétition, mais vu que je n’avais pas un bagage technique énorme ils ont fait en sorte que le cadre soit le plus rassurant possible et le plus facile dans les passages techniques. L’acier utilisé est super pointu, les tubes utilisés sont étirés 3 fois ce qui procure des qualités dynamiques proches du titane, mais en plus rigides. Seul le poids (et le prix) diffère.
J’interviens en tant que designer pour Rengg, je m’occupe de la décoration des vélos. Je suis en contact direct avec les clients, je détermine avec eux leurs attentes et j’essaye de coller un maximum à ce qu’ils souhaitent. C’est une expérience très intéressante, car je les guide dans leur projet, c’est encore plus gratifiant quand le client ouvre son carton et retrouve des yeux d’enfant à Noël. Les clients qui s’offrent du sur-mesure n’ont pas le même rapport à la consommation que les autres pratiquants, et ils attachent une véritable importance aux détails d’un cadre qu’ils vont garder très longtemps.
Pas de nostalgie du carbone?
Pas du tout, j’ai vraiment changé ma façon de rouler et mon rapport au vélo, je pense qu’en tri il faut du matériel qui soit facile et confortable à rouler afin d’arriver le plus frais possible à T2.
Pour ce qui est de l’acier, ça te procure dans un premier temps beaucoup de confort et d’absorption ce qui est assez capital en VTT. Ensuite niveau rendement et dynamisme c’est complètement bluffant, car tu sens que le cadre se tord, mais tu sens aussi qu’il te renvoie l’énergie que tu as développée. Un peu comme si tu tendais un élastique et que tu le relâchais. Ensuite dans les passages à vide le vélo n’est pas un frein, au contraire tu as l’impression d’avoir de la plume entre les jambes quand ça devient compliqué. J’aime tellement mon vtt que j’ai demandé qu’il me fasse un route en acier. Et je suis désolé de devoir t’annoncer ça, j’aime beaucoup les Canadiens, mais à partir du moment où j’ai commencé à rouler avec mon Rengg de route, j’ai directement mis mon argon en vente. Au final, sur l’Inferno, j’ai réalisé le meilleur temps femme devant des élites avec un vélo en acier. Mais chut, c’est un petit avantage que j’aimerais conserver sur les autres !
Par curiosité je pourrais craquer pour un titane, pour le côté intemporel et brut.
Et la prochaine étape?
Je n’ai pas d’objectif sportif d’ici la fin de l’année et pas encore programmé ma saison 2015.
J’ai jusqu’au 31 décembre pour décider si je retourne à Mauï puisque je suis qualifiée d’office avec ma place en Ga.
Prochaine étape importante : mon mariage, en janvier !