Chez Trimes on dit souvent qu’il existe deux types d’organisateurs. Ceux qui en font qu’à leur tête et ceux qui sont à l’écoute des athlètes et qui souhaitent sans cesse améliorer leur course. Gael Mainard a marqué l’actualité cette semaine puisque ses courses passent de Challenge à Ironman. Étant un sympathisant de Trimes, on en a proposé pour l’interroger sur ce changement important.
Avant de te lancer dans l’organisation, tu étais avant tout l’un de ces pros qui a représenté la France à Kona. Les temps ont bien changé depuis. As-tu l’impression que l’esprit a changé?
Salut, Alexandre, oui j’ai couru en pro 3 fois à Hawaii. J’adorais cette épreuve, même si je n’y ai jamais performé là-bas, j’ai seulement fait un top 30. Mais j’ai plus goûté à l’ambiance hawaiienne 6 fois en organisant des séjours pour les triathlètes avec Hannes Hawaii Tours. La dernière fois que je me suis rendu à Kona, c’était en 2011 et je n’avais pas trouvé de gros changements par rapport à 2003. L’esprit a toujours l’air d’être le même, joyeux, festif… c’est le centre du monde triathlétique pendant une semaine, The place to be! … je ne vois pas pourquoi je ne me reconnaitrais plus dedans, ce serait renier tout ce que je fais en ce moment au niveau professionnel et grâce auquel j’ai une vie que j’adore.
Tu as d’ailleurs arrêté ta carrière assez jeune à l’âge de 30 ans. Qu’elle en était la raison ?
Oui, j’ai arrêté à 30 ans. Mon contrat avec l’armée s’arrêtait, j’avais une possibilité de reconversion avec Hannes Hawaii Tours et vu que je n’étais pas une vedette du tri pour pouvoir en vivre sereinement, j’ai sauté sur l’occasion. Je ne le regrette pas aujourd’hui.
Quelle est ton opinion sur le système de qualification actuel? As-tu l’impression que l’on place les pros dans une situation encore plus précaire qu’avant?
IRONMAN a créé un système de qualification pour Hawaii, il est normal qu’ils essaient d’attirer le maximum d’athlètes pour leurs championnats au vu de leur investissement, c’est de bonne guerre avec les autres organisateurs qui usent d’autres stratégies. Mais dire que IRONMAN met les pros dans une situation précaire, ce n’est pas vrai. Ironman n’oblige pas les pros à courir ses courses. Ils ont le choix d’aller sur les courses concurrentes s’ils trouvent qu’ils n’ont pas assez de retour. Or vu le nombre de pros essayant de se qualifier, on peut penser qu’ils ont plus à gagner en faisant le ranking et Kona qu’en allant courir des courses avec de belles grilles de prix.
On a souvent eu la discussion ensemble, mais tu es plutôt sévère, enfin réaliste avec les pros actuels disant qu’ils ne savent pas se vendre. Cela rejoint le débat actuel.
Heureusement pas tous les pros, mais la moitié des pros n’arrivent pas se vendre comme il le faudrait. Ce n’est pas uniquement les pros de maintenant, c’était la même chose, il y a 10 ans avec nous. On ne faisait pas le job correctement envers nos partenaires, les organisateurs, la presse … en triathlon, vu qu’on est un petit sport, être pro ce n’est pas seulement s’entrainer 35h par semaine… il faut communiquer, rendre des comptes, se rendre disponible…
Après ta carrière pro, tu es devenu organisateur de stages, mais aussi de courses. Qu’est-ce qui t’a attiré à devenir organisateur de courses?
À force de faire de grandes courses un peu partout dans le monde, je rêvais d’une course où j’aurai pu rassembler tout ce qui se faisait de mieux. Et un jour, j’ai eu l’occasion de récupérer un label et de me lancer dans l’aventure. Avec Amandine, nous sommes arrivés à créer un bel événement à Vichy et maintenant grâce à IRONMAN, nous avons l’occasion de monter d’un échelon. C’est comme si nous étions en Ligue 1 et que l’année prochaine, nous étions qualifiés en Champions League… et notre but dans quelques années, c’est d’atteindre la finale 🙂
Tu as organisé la seule course sous la bannière Challenge. Comme tout le monde le sait, tu as été racheté par Ironman. Peux-tu nous en dire plus, comment cela s’est présenté à toi?
Je ne peux pas vous dire grand-chose à ce sujet comme vous vous en doutez… on a eu l’occasion, on l’a saisi… comme on dit « Le train ne passe qu’une fois »
Je sais que c’est difficile d’en dire plus, mais as-tu l’impression que Challenge va vraiment dans la bonne direction? De l’extérieur, certains pensent que Challenge fait beaucoup pour soutenir ses courses, mais dans la réalité, vous restez très indépendant, non?
Encore une fois, je ne peux pas en dire plus, notamment sur leur politique. La seule chose que je peux dire sur Challenge, c’est que sans eux, on n’aurait pas pu se lancer. On a eu de bons et de mauvais moments, ils nous ont permis de nous lancer, ils nous ont apporté quelque chose, mais nous aussi en leurs faisant une bonne publicité, mais désormais nos chemins se séparent.
Évidemment, il y a certaines critiques qui se sont levées, mais dans la réalité, même si Challenge Vichy s’est développé année après année, avais-tu l’impression que le retour n’était pas à la hauteur de votre investissement?
Je ne peux pas te dire le contraire, si nous les quittons, c’est que nous n’avons pas atteint nos objectifs et ceux que nous avions promis à nos partenaires ( Ville de Vichy, Vichy Val d’Allier, Région Auvergne, Département de l’Allier et du Puy-de-dome). Nous nous étions fixé 2500 triathlètes en 5 ans sur la distance Iron. Au bout de 4 ans, nous avons atteint 2000 triathlètes en créant 3 courses (750 sur le full, 850 sur le half et 400 sur l’Olympique). Sur le full, en 4 ans, on est passé de 420 à seulement 750… au bout d’un moment, il faut tirer des conclusions et ne pas s’entêter. De plus, on avait des échos comme quoi IRONMAN souhaitait ajouter un événement en France. Si celui-ci avait été en août ou en septembre, nous aurions perdu plus de la moitié de nos triathlètes et nous n’aurions plus été en capacité d’organiser avec la même qualité, cela aurait été la fin de notre rêve.
Ce passage en IRONMAN semble lancer comme message que les courses indépendantes sont de plus en plus en danger. Non?
Il y aura toujours des courses indépendantes à tous les niveaux, et je pense qu’il en faut pour tous les goûts. Certains athlètes ne sont pas friands des grosses organisations et des labels.
Ironman vous permet d’offrir des slots pour Kona et un rayonnement international avec des concurrents internationaux. J’imagine que cela a beaucoup joué là-dedans. Malheureusement, cela correspond aussi à une augmentation dans les prix…
Pour nous le plus important est de faire partie de la famille « IRONMAN » 😉 … de bénéficier de leur image de marque, de leur savoir-faire et de leur expérience dans tous les domaines (logistique, marketing, marchandisage, athlètes service …). Cela va nous aider à nous professionnaliser dans notre travail en amont de la course, nous étions une équipe très, très restreinte. Concernant les slots, je pense que c’est plus le nom d’IRONMAN qui attire, plutôt que les slots pour Kona, les slots, c’est juste la cerise sur le gâteau. En effet, seulement 10 à 15% des athlètes au départ sont en capacité de jouer les premières places de leur groupe d’âge pour prétendre à Kona. Oui, il y aura une augmentation des tarifs, mais je peux vous garantir que la qualité de la course va encore monter d’un cran.
Vichy semble t’avoir toujours supporté dans ton initiative, cela t’a permis d’offrir un meilleur parcours cette année. J’imagine que tu es très reconnaissant envers la collaboration de cette communauté.
Oui, on est très reconnaissant envers la ville de Vichy, de Bellerive sur Allier qu’on impacte beaucoup en vélo et toutes les autres villes sur le reste du parcours ainsi que toutes les autres collectivités citées ci-dessus. Sans leurs collaborations passées et futures, nous ne pouvons rien créer! La venue d’IRONMAN va encore plus renforcer ce lien qui s’est créé en 4 ans.
En 2015, tu organiseras donc deux courses, un 70.3 et un ironman en 1 week-end, au point de vue logistique cela parait énorme, non?
Oui, c’est sûr qu’au niveau logistique, cela va être énorme, mais on a déjà eu un petit aperçu l’année dernière en organisant la distance olympique le samedi et les longs le dimanche. C’est faisable, il faut juste adapter le dispositif en plus conséquent..
Est-ce qu’on peut s’attendre à des changements importants en matière d’organisation avec l’arrivée d’ironman?
Il ne va pas y avoir de changements majeurs, on va s’appuyer sur ce qu’on a construit en 4 ans, mais comme on l’a dit au-dessus, il va falloir voir tout en plus grand pour accueillir comme il se doit beaucoup plus d’athlètes. En 2015, nous nous limiterons à 4000 athlètes au départ des courses sur le week-end, si on est complet sur les 2 courses afin de bien gérer l’organisation et limiter le drafting. Et si tout se passe bien, on essaiera de dépasser les 5000 triathlètes en 2016-2017 sur le week-end afin de devenir le plus grand rassemblement de triathletes LD d’Europe … On sera alors en finale de la Champion’s League 😉
As-tu l’impression que l’on n’est pas en train de perdre l’esprit du triathlon puisque de plus en plus l’athlètes veulent être traités en tant que VIP. Il est sans cesse en attente d’un service en retour.
Qu’est ce qu’on entend par « l’esprit originel du Triathlon »? Ce sport est incroyable, incroyablement exigeant et les triathlètes sont des athlètes hors-pair, repoussant leurs limites à chaque course.
Je pense que c’est ça l’esprit du triathlon, se dépasser, boucler sa course quelque soit l’organisation. Ensuite, c’est l’athlète qui choisit l’organisation qu’il veut en fonction des prestations qui coutent plus ou moins cher … comme quand ils vont manger au restaurant, ils peuvent choisir le bistrot du coin ou les restaurants du Guide Michelin, c’est la même chose en triathlon. Certaines organisations deviennent de plus en plus professionnelles, dans le but que l’athlète vive son expérience dans les conditions les plus agréables et sécuritaires possibles. L’effort est le même, la logistique à côté est un plus, un confort qui permet de rester centrer sur son effort. Le prix des courses labellisées est élevé et c’est normal, nous fournissons aux athlètes des services en retour, de grosses infrastructures, une prestation de qualité, centrés sur eux et l’effort incroyable qu’ils vont réaliser.
Entre temps, tu organises des stages d’entrainement en Espagne. Peux-tu nous en parler?
Oui, j’organise des stages de triathlon en Espagne depuis 6 ans à Calella au nord de Barcelona sur un site exceptionnel avec bassin de 50m découvert, spa haut de gamme, pension complète dans un hôtel 3 étoiles à l’ambiance familiale … le top. Nous avons 8 semaines différentes sur les mois de février à mai. Nous accueillons 300 personnes (triathlètes avec leurs familles). Nous sommes déjà complets à 95%… pour ceux qui souhaitent savoir les places encore disponibles, rdv sur notre page Facebook: https://www.facebook.com/gaelmainard.gmtriorg?fref=ts
On ne se le cachera pas, tu as toujours aidé trimes, est-ce qu’on peut s’avoir pourquoi?
J’aime lire ton site au ton assez critique… même si je pense qu’à l’avenir, je risque de me faire égratigner un peu plus souvent.
Mais si j’ai aidé Trimes, il ne faut pas se le cacher, c’est que j’y ai trouvé mon compte en faisant de la publicité avec un bon rapport qualité/prix.
Je souhaite à Trimes de durer longtemps, d’avoir plus de lecteurs fidèles et surtout de trouver de nombreux publicitaires pour qu’il perdure dans le temps.
Et à tes fidèles lecteurs … rendez-vous où vous savez 🙂 … Anything is possible!
« Le prix des courses labellisées est élevé et c’est normal, nous
fournissons aux athlètes des services en retour, de grosses
infrastructures, une prestation de qualité, centrés sur eux et l’effort
incroyable qu’ils vont réaliser »
De mon point de vue, ce n’est plus çà le vrai luxe. Le vrai luxe désormais dans notre sport, c’est de disputer des épreuves honnêtes, courues à la régulière avec un nombre de partants limité ou avec des vagues de départ suffisamment espacées pour éviter le fléau moderne de ce sport : le drafting généralisé.
Dans ce cas, challenge Vichy n’était pas une épreuve luxueuse car assujettie au drafting généralisé.
A voir si avec le label ironman ça changera quelque chose… mais quand on regarde les images de Kona, j’ai comme un doute.