Championne du monde Junior en 2009, premier podium en série mondiale à Madrid l’année suivante. Les espoirs étaient très grands chez Emmie Charayron. Depuis sa participation aux Jeux Olympiques où elle terminera 18e, elle sera plus en retrait. À l’approche de la prochaine olympiade, elle a décidé de faire des importants changements pour retrouver son rôle d’athlète redoutée en série mondiale. Trimes s’est entretenu avec elle pour connaître la suite de son histoire. C’est une athlète qui a prouvé dans le passé sa force sur des parcours vallonnés (Madrid), cela tombe puisque cela ressemble au futur parcours olympique de Rio… À suivre!
Tu as récemment décidé de rejoindre Laurent Vidal, comment cette opportunité s’est-elle présentée à toi…
Ma pratique du triathlon surprenait lorsque je m’entraînais avec mon père. Il n’y avait pas que la performance au cœur de ce projet, il y avait également l’enrichissement de l’âme. Mais que pèse l’âme dans la balance des juges de la performance ? Vu de l’extérieur, notre projet n’avançait plus. Certainement que notre environnement a influencé notre décision. Lorsqu’avec mon père nous avons pris notre décision, il nous a fallu trouver une nouvelle structure qui répondrait à mes besoins, mes attentes, à mes qualités et mes défauts.
Plusieurs structures s’ouvraient à moi. J’ai appelé Laurent un matin pour lui demander conseil, lui qui a commencé avec son beau-père comme entraîneur. Au début de nos échanges, ni l’un ni l’autre n’envisageait cela, 45 minutes plus tard (tout le monde sait que Laurent est bavard) nous savions que nous voulions collaborer. Laurent m’a écoutée et s’est ouvert à moi sans rien attendre en retour, sans calcul. Trop irrationnel ? Poétique ? C’est de cela que j’ai toujours eu besoin.
C’est d’ailleurs ton père qui t’entrainait avant, j’imagine que c’est un pas encore plus grand à faire pour toi en partant t’entrainer plusieurs mois en Nouvelle Zélande…
Cette distance-là n’est pas réellement un obstacle. Avec Skype on fait des miracles. Tout le monde, mes parents en particulier, ont l’occasion de partager avec moi un petit-déjeuner. On échange énormément, les liens restent forts. Cela aurait été dommage de vivre à proximité et d’être incapables de communiquer.
Comment cela se passe, on imagine que ta manière de t’entrainer a été chamboulée…
Les contraintes ne sont pas les mêmes. À Messimy, mon père conservait son poste dans l’enseignement, l’entraînement s’articulait donc nécessairement en fonction de cela. Ça complexifiait la planification, mais nous ne pouvions (n’y voulions) faire autrement. Nous faisions face à l’adversité, on apportait à notre projet un côté romanesque. À l’intersaison, on diversifiait les activités (escalade, ski de fond, tennis de table).
Désormais avec Laurent, l’entraînement est centré sur le triathlon. L’entraînement constitue le squelette de la journée, des semaines, de l’année. Sans autres contraintes que l’entraînement, on arrive finalement à se dégager plus de temps libre dans la semaine. On est plutôt mobile, toute notre vie doit rentrer dans une valise, et ça, ce n’est pas simple pour une fille !
L’entraînement en groupe est nouveau pour moi, mais ne me faisait pas peur. Avec le peu de recul que j’en ai, j’y trouve mon compte et apprends à évoluer en son sein. J’apprends à faire la part des choses entre l’entraînement et la compétition.
Peux-tu nous parler de ton environnement d’entrainement, est-ce que tu retournerais faire ta préparation hivernale en France?
J’ai rejoint Andrea et Alex sur l’entraînement dans le sud de la France. J’ai pris un appartement à 300m de chez Laurent et Andrea, guère plus de chez Alex, pratique pour les départs vélos et course à pied. Laurent et Andrea préparent chaque année leur début de saison en Nouvelle-Zélande, chez Andrea. L’été austral n’était pas pour moi un critère de choix d’entraîneur ni une conviction que ce serait meilleur pour moi. D’autres entraîneurs, comme mon père, profitent de l’hiver pour une préparation foncière à l’aide du ski de fond par exemple. Chaque entraîneur adapte avec ce qu’il a à sa disposition et en fonction de sa créativité.
Avec Andréa Hewitt et Alexandra, vous semblez avoir développé une belle complicité, est-ce que je me trompe? Cela doit sortir d’une certaine solitude…
On s’entend très bien, on rit beaucoup. On partage les joies et les coups de moins bien dans l’entraînement. Quand on voit une fille qui est en difficulté dans l’entraînement, on comprend qu’on n’est pas la seule à éprouver cela. Il ne faut pas oublier Laurent qui insuffle beaucoup d’énergie positive dans la vie du groupe.
Parler de sortir de sa solitude serait faire injure à mon père et ma mère. Nous partageons tout, nos joies comme nos souffrances, eux vivaient mes souffrances comme parents, ce qui est encore plus fort émotionnellement. Cette complicité-là reste la plus belle.
J’imagine que t’entrainer avec Andrea qui est reconnue comme l’athlète la plus régulière du circuit te permet d’apprendre beaucoup ? En même temps, il doit y avoir une certaine entraide. Andrea peut t’aider en natation tandis que tu peux l’aider en course à pied.
C’est très favorable de nous entraîner toutes les trois. On travaille ensemble pour que chacune apporte au groupe à un moment donné. Andrea reste notre exemple. Dans les trois disciplines, je dois m’adapter à une nouvelle façon de m’entraîner. Andrea n’est pas arrivée où elle est en un claquement de doigts.
Déjà en 2014, tu évoquais ton envie de retrouver du plaisir dans le sport, comment expliques-tu avoir perdu ta motivation dans le passé? As-tu l’impression que tu te mettais ou qu’on te mettait trop de pression ?
Je ne m’étais jamais focalisée sur les attentes extérieures. Avec mon père, on a commencé le triathlon comme un jeu, comme un enfant sèmerait une graine. On avait confiance en nos capacités à réussir. On souhaitait plus que tout réussir ensemble. On a réussi. Ensemble. La graine a germé en un bel arbre qui a produit ses fruits. On a continué notre exploration du triathlon. Les attentes intérieures, extérieures devenaient de plus en plus grandes. Si la motivation m’avait quittée un jour, j’aurai arrêté. Je l’ai toujours sentie en moi. Pour produire à nouveau, il fallait tailler la branche sur laquelle on était assis. C’était un risque que l’arbre meure, mais le pari que bourgeonneraient de nouvelles pousses.
Généralement, un athlète se donne des objectifs pour sa prochaine saison, quelle athlète souhaites-tu être en 2015?
Je veux être capable de reproduire ce que je fais à l’entraînement. La clé pour moi, c’est de sortir de l’eau dans le premier groupe.
Je vais plus courir cette année que les précédentes. L’enchaînement des courses dédramatisera un éventuel résultat en deçà.
As-tu déjà une idée de ta planification pour cette année? Est-ce que l’obtention du dossard olympique sera ta priorité?
Le test event de Rio et la grande finale WTS à Chicago, voilà les deux gros objectifs cette saison.
Si l’objectif est d’être régulière au très haut niveau, il n’y aura pas de question à se poser pour un dossard.
Est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose?
Merci à toi