Ancien vice-champion d’Europe, Yannick Bourseaux subira un grave accident lors d’un entrainement. Malgré un bras partiellement partialement paralysé, il n’arrêtera jamais le sport. 14 mois après son accident, il remportera son premier titre mondial handisport. Dans le projet paralympiques, il se consacrera au biathlon. Avec l’entrée du triathlon pour les Jeux paralympiques de Rio, Yannick a décidé de se re-consacrer au sport qu’il avait découvert à l’age de 14 ans. Trimes s’est entretenu avec lui pour parler et mieux comprendre les problématiques du sport handisport.
Ton handicap est la conséquence d’une chute à vélo. Même si dans tes mots, tu dis l’avoir bien accepté parce que tu sais que cela aurait pu être pire, as-tu l’impression que le sport t’a permis de mieux l’accepter?
Oui, il est clair que le sport et le handisport plus particulièrement m’ont permis de mieux accepter mon handicap, de poursuivre l’investissement dans l’entraînement qui était le mien en étant valide. Avec le handisport, j’ai pu me lancer de nouveaux challenges et continuer à entrevoir la victoire dans des épreuves!
Cela peut te paraitre étrange ce que je vais te dire, mais à Edmonton, en regardant la course des paratriathlètes, je me disais que les vraies valeurs du sport étaient encore présentes là. Tout le monde semblait heureux et vous vous battiez clairement pour dépasser vos limites. As-tu aussi cette impression que votre approche du sport est différente? Encore plus essentiel?
Je ne sais pas, je pense que tout athlète de Haut-Niveau valide cherche également à repousser ses limites et aime le caractère originel de son sport sinon il ne parvient pas au sommet.
Certes, dans le monde valide, parfois les athlètes ne se rendent pas compte de la chance qu’ils ont de pouvoir faire ce qu’ils font… Tandis que dans le handisport, je pense que tous les athlètes sont foncièrement heureux de pouvoir être au départ d’une course.
Comment se sont effectués tes débuts dans le sport handisport, j’imagine que c’était un nouveau milieu pour toi ?
Je me suis retrouvé dans un milieu qui m’était jusque-là étranger, mais j’ai rapidement pris mes marques. À mes débuts dans le handisport en 2005, j’ai mis le triathlon entre parenthèses et j’ai choisi d’autres disciplines : le ski de fond et le biathlon. Comme ça, j’étais complètement dans la nouveauté et je pouvais facilement faire abstraction du passé. J’ai fait connaissance avec des gens formidables, tant au niveau de l’encadrement que parmi les sportifs. J’ai pu retrouver ce que j’avais connu dans le monde valide en termes de dépassement de soi et de recherche de performances. Je me suis vite pris au jeu et je me suis senti à mon aise dans le milieu. En 2013, le projet paralympique a vu le jour à la FFTri et je me suis de nouveau pris au jeu du triple effort!
Tu continues à faire des compétitions contre des valides, avec ton niveau de performance, j’imagine que cela permet de sensibiliser les valides au sport handisport?
J’adore faire des compétitions avec les valides, c’était le cas en ski de fond et biathlon et c’est encore plus le cas en triathlon! C’est un bon moyen pour moi de me préparer aux courses handisport et de mesurer mon niveau de forme. Le fait que j’arrive à jouer devant malgré mon handicap interpelle sûrement les compétiteurs et permet peut-être, s’il en était besoin, de donner de la crédibilité aux performances des athlètes handicapés. Et puis, handicapé ou valide, on est sportif avant tout lorsque l’on est au départ d’une course!
L’ITU a défini 5 catégories (hommes et femmes) et s’est fait imposer 3 catégories par sexe pour Rio. As-tu le sentiment qu’il peut y avoir une certaine injustice parce que certains athlètes ont des handicaps plus légers?
Les classifications sont au centre de la pratique handisport de Haut-Niveau. C’est un enjeu principal lorsque l’on est dans la recherche de performance. Excepté chez les déficients visuels, il n’y a pas de pondération de temps au sein des catégories de handicaps en triathlon. Alors, même si au sein de chaque catégorie sont regroupés des athlètes ayant à priori des capacités physiques équivalentes pour pratiquer le triathlon, il y a forcément des injustices. Depuis 10 ans que je suis dans le handisport, je me suis fait à ce fonctionnement et je l’ai accepté. Si on prend l’exemple de ma catégorie, la PT4, rien qu’en termes de temps passé aux transitions il y a des injustices puisque les amputés tibiaux qui utilisent des prothèses perdent du temps à T1 et T2 comparé aux amputés des membres supérieurs. Et si on prend mon cas personnel, je pense que mon handicap est plus pénalisant pour faire du triathlon que pour un amputé de l’avant-bras ou une personne ayant une malformation d’un bras. Mais bon, les règles actuelles sont ainsi et il faut les accepter.
As-tu eu une crainte que ta catégorie ne soit pas incluse aux Paralympiques?
Même si au moment où j’ai décidé de m’investir à 100% dans le paratriathlon je n’avais aucune garantie quant à la présence des « PT4 » aux Jeux, je n’ai pas craint que la catégorie ne soit pas retenue. Comme nous sommes nombreux chez les PT4, que tous les continents sont représentés et qu’il y a une densité dans la catégorie, je n’aurais pas compris que nous ne soyons pas aux Jeux.
Quelle est la procédure pour vous affecter à une catégorie?
Le testing va déterminer notre classification dans une catégorie. Le testing, c’est une évaluation des capacités physiques de chaque sportif. On passe devant une commission composée d’un médecin et d’un technicien qui établit un « scoring » en fonction des mouvements que l’on est capable ou incapable de faire, et de la force que l’on peut y mettre (score de 0 à 5 points pour chaque mouvement). En fonction de son score, on est affecté dans une catégorie. Le testing est ensuite validé par une observation de chaque athlète en situation de course.
Peux-tu nous décrire ta classification ?
Comme je viens de la dire précédemment, je suis dans la catégorie « PT4 ». Cette catégorie regroupe les sportifs qui ont un scoring compris entre 495 et 557 points (VS 600 points pour un valide). On y retrouve des amputés en dessous du coude, ou des personnes ayant une malformation du bras, ou ayant une malformation d’un membre inférieur (pied-bot par exemple), ou ayant une amputation en dessous du genou ou encore des personnes comme moi ayant une paralysie partielle du bras. La catégorie PT4, c’est en fait celle où l’on trouve les athlètes les moins handicapés qui sont éligibles pour faire du paratriathlon.
Avec l’inclusion du triathlon aux paralympiques, les fédérations sont vraiment plus impliquées et cela a attiré des nouveaux talents, as-tu ce sentiment que le sport a beaucoup évolué?
Il est clair que l’inclusion du triathlon aux JP a grandement fait bouger les choses, le niveau a fait plus qu’augmenter ces dernières années et il s’est densifié. Pour être devant en paratriathlon, il faut s’investir à fond dans l’entraînement sinon on ne peut pas jouer. De nouveaux talents sont venus au triathlon et l’on voit beaucoup de sportifs qui ont déjà performé au niveau paralympique dans un des 3 sports qui compose le triathlon tenter une carrière en paratriathlon.
D’ailleurs, la FFtri semble très active…
Non, c’est exact! Depuis 2013, les paratriathlètes de Haut-Niveau sont suivis par la FFTri au même titre que les athlètes Elite. Nous signons chaque année une convention avec la FFTri qui fixe nos droits et nos devoirs. Nous bénéficions d’un encadrement dédié avec un programme de stages. Sur les compétitions internationales, nous formons qu’une seule et même délégation avec les Élites et les juniors. Nous appartenons à la même famille, nous apprenons chacun au contact des autres et c’est hyper enrichissant, tant d’un point de vue sportif que d’un point de vue humain.
À Edmonton, tu as couru blessé et même si tu n’as pas terminé la course, les performances de Schulz, Daniel et Hammer étaient vraiment impressionnantes. D’ailleurs pour démontrer le niveau compétitif, Stefan Daniel est le champion cadet canadien en cross. J’imagine que pour toi, c’est très stimulant puisque le niveau est dense et élevé.
Edmonton est un mauvais souvenir… J’ai mal géré une blessure durant l’été et cette mauvaise gestion ne m’a pas permis de franchir la ligne d’arrivée. À ne plus refaire!
Mais si j’ai retrouvé la motivation qui était la mienne lorsque j’étais junior, c’est effectivement parce qu’il y a une réelle bagarre pour être devant en PT4. Aux Europe l’année dernière, ça s’est joué au sprint entre Martin Schulz et moi tout comme sur le WPE de Besançon. Certes, j’ai perdu les 2 fois, mais c’est pour ne plus perdre à nouveau que je prends chaque jour le chemin de l’entraînement. Et quand je vois que Daniel est champion canadien cadet de cross cet hiver, je me dis qu’il me faudra poser le vélo devant lui…
Tu as d’ailleurs renoué avec la victoire à ITU Buffalo City (AFS)… J’imagine que c’était important pour toi de renouer avec la victoire…
Oui, j’étais content de gagner à Buffalo City même si tous les meilleurs n’étaient pas là. Je suis surtout content, car je n’ai pas souffert du tendon d’Achille durant la course et parce que j’ai pu valider en natation et à vélo le travail effectué cet hiver.
As tu l’impression que les organisateurs de courses se sentent concernés par les paras? Dans ton cas, ton handicap est léger, mais l’accessibilité semble compliquée pour certains.
Je pense que la majeur partie des organisateurs se sent concernée par les paratriathlètes et est prête à nous accueillir avec enthousiasme. D’ailleurs, toutes les épreuves de la FFTri sont ouvertes aux paratriathlètes. Après se pose la question de l’accessibilité des parcours et des aires de transitions à tous les handicaps, ce qui peut être compliquée, voire impossible, dans certains cas malgré toute la volonté qu’un organisateur pourra avoir. Si en France un organisateur veut rendre son épreuve accessible, il peut faire appel à sa ligue régionale qui a en son sein un « référent paratriathlon » qui est là pour le conseiller.
Peux-tu nous parler du processus pour les Jeux olympiques ? L’ITU a mis en place un circuit de coupe du monde, est-ce que tu dois prendre régulièrement part aux compétitions pour t’assurer un dossard?
Effectivement, l’ITU a mis en place un circuit Coupe du Monde, les World Paratriathlon Event. Ces courses, tout comme les championnats continentaux et le Championnat du monde permettent de marquer des points pour le ranking mondial. Notre nombre de points est le résultat de l’addition de nos 3 meilleurs scores sur les 12 derniers mois, sachant qu’une victoire sur un WPE rapporte 300, un championnat continental 450 et un championnat du monde 700. Ce ranking mondial nous permet ensuite de rentrer sur les start-lists des différentes courses.
Pour ce qui est de la qualification olympique, la période débutera le 1er juillet 2015 et s’achèvera le 30 juin 2016. Le ranking Olympique se fera à l’addition des 3 meilleurs scores sur cette période sachant que le vainqueur des Championnats du monde à Chicago en septembre prochain ouvrira automatiquement un dossard pour son pays. Le nombre de places pour les Jeux est limité puisqu’il y aura 30 paratriathlètes femmes et 30 hommes à Rio, toutes catégories confondues.
Ta force est dans le vélo, j’imagine que tu espères avoir un parcours sélectif, est-ce que cela sera le cas?
C’est vrai que le vélo est mon point fort, mais je ne souhaite pas pour autant avoir un parcours vallonné à Rio et ça tombe bien puisqu’à la différence des valides, nous resterons à priori sur le front de mer. Sur un parcours vallonné, si les descentes ne sont pas techniques, tu ne peux pas faire d’écart dans ces portions tandis que sur le plat, tu peux faire la différence tout au long du parcours. Un bon « pacing » durant les 20km du parcours sera pour moi la clef d’une belle course à Rio!
Quel sera ton objectif là-bas?
Mon objectif à Rio, ce sera de faire la course la plus aboutie de ma carrière de paratriathlète. Si je parviens à le faire, je pense que je devrais être sur le podium et pas loin de la gagne…
As-tu déjà pensé à l’après-Rio?
Oui, même si je suis pour l’instant focalisé sur Rio! Je sais que je ne suis plus tout jeune et que ma capacité à performer risque de diminuer, mais si l’envie demeure, je n’exclus aucun scénario. Bjoerndalen a été champion olympique à 40 ans sur sprint en biathlon, ce qui illustre parfaitement le fait qu’il est encore possible de performer dans les sports à dominante aérobie au-delà de 40 ans ce qui est sûr, c’est que je continuerai le sport et que je participerai à Hawaï, en me qualifiant dans mon âge-group et en visant une place d’honneur chez les 40-44 ans!
Est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose?
Merci à Trimes qui est pour moi le site de référence en triathlon de m’avoir ouvert ses colonnes!