Édito > À écrire sans péril, on trompe sans gloire.

Cela fait plusieurs jours que The Real Starky, le fameux compte satirique sur Twitter qui s’est donné comme mission de faire bouger les médias américains en triathlon fait dans l’attaque frontale contre Slowtwitch. Récemment, ce dernier s’est mis tout seul dans le trouble en demandant à une athlète pro si elle avait pensé à l’avortement quand elle s’est rendue compte qu’elle était enceinte. The Real Starky a donc exploité la faille. En clamant les erreurs des autres, il instaure un climat qui ressemble à de l’intimidation. Cause noble, traitement sensationnaliste, égal malaise.

C’est une ligne que Trimes a probablement flirté dans le passé quand on était jeune et naïf. Est-ce que pointer du doigt est un acte nécessaire? Il y a toujours une façon de traiter un sujet avec des nuances, pour en dégager une critique argumentée. La polémique est intéressante uniquement si on démontre maitriser un sujet.

Le lecteur est roi, n’est-ce pas? Il devrait être capable de faire la différence entre un magazine qui veut communiquer (décrire les différents phénomènes dans le sport) ou publier machinalement (contenu pour attirer les annonceurs) des numéros qui poussent à la consommation.

Depuis plusieurs mois,  on me parle en particulier d’un magazine. Il y a eu la fameuse réponse de Jose Jeuland et les éditos sur Ironman Vichy et surtout celui sur Aurélien Lescure.

Cet athlète a décidé de représenter la Turquie dans les prochaines années. Dans le magazine en question on peut lire, son choix sera sans doute très critiqué. Je fais partie de ceux qui ont du mal à admettre que l’on puisse changer de nationalité pour participer coûte que coûte à des grandes compétitions mondiales. Ce n’est pas mon concept du sport de haut niveau, dit l’éditeur…

Cette publication qui a fait preuve d’un manque de jugement dans son traitement de l’affaire José Jeuland en omettant de le confronter face aux faits du rapport de l’AMA, vient cette fois-ci se prononcer contre le choix de Aurélien Lescure sans relativiser les faits.

À la base, on ne comprend pas cette nouvelle habitude d’interviewer des acteurs et de les critiquer dans des éditos. Déjà Gael Mainard en avait fait les frais. On lui a reproché d’être passé de Challenge à Ironman. Trimes n’a jamais été tendre avec Ironman, on peut par contre comprendre l’intention. La raison est simple, les courses Ironman sont nettement plus populaires que Challenge et malgré tous les efforts de Gael, la popularité de sa course n’était pas en concordance avec les efforts investis. Comment résister lorsque c’est ton revenu qui est en jeux?

Je change totalement de sujet, mais j’ai regardé le film Birdman cette semaine. L’histoire est très intéressante parce qu’elle parle d’un acteur célèbre qui veut se lancer dans le théâtre d’auteur. Il doit faire faire au jugement d’une critique de théâtre qui le plantera simplement parce qu’il ne vient pas du milieu…

En fait, c’est mon angoisse perpétuelle dans le traitement médiatique avec les élites. Il est  tellement facile de les juger alors que nous, nous sommes des athlètes amateurs n’ayant  jamais pris le risque de tout sacrifier pour devenir un élite.

J’avais récemment une discussion avec un Directeur HP, il me disait son malaise face aux Jeux olympiques, parce que même si cela allait écrire quelques belles histoires, cela allait aussi créer beaucoup de rancune. Le sport de haute performance créé probablement plus de dommages que de bien et cela vient justement de notre jugement.

Ce qui est particulier dans le cas d’Aurélien Lescure, c’est qu’on le voit obligatoirement comme un divorce avec la FFtri. Selon l’opinion, il devrait tout simplement y avoir un coupable. Pour ce magazine, c’est clairement Aurélien. Comme ci cet athlète détournait le système pour arriver à ses fins. Lescure doit aussi prendre cette décision pour vivre de son sport et obtenir un retour sur son investissement.

La mission de la FFtri est d’obtenir des médailles olympiques. Elle a un budget en conséquence et doit investir dans un nombre X d’athlètes. Même si Aurélien Lescure est un excellent athlète, certains ont déjà prouvé qu’ils pouvaient monter sur un podium la WTS. Ils offrent plus de garanties. Comme on l’a déjà mentionné chez Trimes, on aurait aimé que la fédération le laisse prendre part à des WTS puisque son classement lui permettait.

Mais avant de juger la FFtri, il faut aussi admettre que cette ligne dure permet d’obtenir d’excellents résultats et place les élites dans un certain état d’esprit. La France dispose de 8 athlètes capables de faire des tops 10 en WTS.

Mais à la défense d’Aurélien Lescure, il est justement victime de cette densité française, il ne fait aucun doute qu’il obtiendrait un départ s’il représentait une autre grande nation du triathlon (AUS, GB, USA, ESP).

Arrêter une carrière internationale parce qu’on a la mauvaise nationalité? Est il si facile d’accepter que des athlètes plus faibles que soi aient leur place? Et toi qui juges, quels sont  les risques que tu as pris dernièrement?

Juger sans faire la part des choses et appeler au débat, c’est ça le journalisme? ou on trompe tout simplement le lectorat par manque d’engagement sur un sujet.