Team Bahrein Endurance – Tenants et aboutissants.

Novembre 2013, les deux frères Shaik Nasser bin Hamad Al Khalifa et Shaikh Khalid bin Hamad Al Khalifa, fils du roi du Bahrain prenaient le départ d’Ironman Florida. Impossible de manquer leurs arrivées avec leur propre Boeing 747. Impossible de ne pas les remarquer. Andrew Messick (CEO – Ironman) les suivra de près. À la cérémonie de clôture, tout un chapitre sera dédié au Bahrein et l’annonce sera faite, Ironman organisera prochainement une course au Bahrein. 

Plusieurs mois passeront et cette annonce ne se matérialisera jamais. À la grande surprise, le vent tournera et c’est finalement Challenge qui remportera l’honneur d’organiser un triathlon avec une envergure marquante pour le triathlon au Bahrein. Rapidement, les pubs inondent les médias du triathlon. Profitant d’une conjoncture spéciale où Ironman est vu comme arrogante face à ces pros, l’opportunité de courir au Bahrein pour une bourse totale de 500 000$ est vue comme une alternative intéressante et dissidente. 

Entre temps, aucune information n’explique pourquoi le Bahrein a préféré Challenge à Ironman? Est-ce que la WTC a tout simplement refusé certaines conditions comme le fait d’offrir une bourse plus généreuse qu’à ses propres championnats du monde? Une place trop en retrait?

Dans l’opération, les athlètes ne peuvent pas dire non à une course proposant une bourse 20 fois supérieure à ce qui est offert à un ironman 70.3 normal. Les pros acceptent tout simplement de jouer le jeu. Même si certains sont conscients de la conjoncture politique, ils savent très bien que leur domaine, c’est avant tout le sport. Face à des statuts précaires, aucun pro n’est en position favorable pour dire quoi que ce soit. On dira poliment que certains ont plus de retenue que d’autres.

À peine la fin de Challenge Bahrein, dans la précipitation, l’organisation allemande organisent la tenue du Triple Crown. Le système et les dates des autres événements sont inconnus. On sait simplement que le vainqueur pourrait gagner 1 million de dollars à la grande finale. Même si tout est nébuleux, les pros ne peuvent résister. 

Challenge Dubai se tiendra en début d’année. Remplaçant d’une certaine manière le défunt Triathlon Longue Distance International d’Abu Dhabi qui était déjà vu comme un renouveau pour le sport. En moins de 5 ans, IMG a préféré passer la main à l’ITU avec sa série mondiale. Challenge Dubai finira dans une certaine controverse puisque le gagnant, Terrenzo Bozzone se trompera de chemin et manquera environ 2 kilomètres. Au lieu de faire des vagues, ces athlètes dans l’erreur se feront ajouter une pénalité en temps. 

Entre temps, on aperçoit un logo étrange sur certaines tenues. Javier Gomez, champion du monde de 70.3 et ITU aborde déjà le logo du Bahrein. Cela peut paraitre d’autant plus étonnant puisque le fougueux espagnol est sous le financement de sa fédération. Voir le logo d’une autre nation pourrait interpeler. 

Rapidement, il ne fait aucun doute que Macca est le nouveau cadre d’une équipe pour représenter le Bahrein. Rapidement, les gros noms se confirment, Frodeno, Bozzone, Reed, Kienle. Celui qui aime choquer dans ses propos, Macca, devient alors le défenseur numéro de la monarchie du Bahrein et explique le fait que leur but est avant tout d’exposer leur jeunesse à des vies plus actives. Selon eux, le triathlon est la discipline parfaite pour jouer ce rôle. 

En fait, on rentre dans un discours de propagande totalement habituelle. Le sport de haut niveau est toujours récupéré par les pouvoirs politiques. L’histoire du Bahrein rejoint la réputation de ses voisins. Sur 14 membres de l’équipe olympiques à Londres, 1 seule était véritablement locale puisque toutes les autres étaient naturalisées. La seule victoire olympique du Bahrain était aux Jeux olympiques en 1500m, malheureusement, il sera contrôlé positif au CERA.

Dans les deux frères, le plus visible est justement Shaik Nasser bin Hamad Al Khalifa, il joue plusieurs rôles dont le président du comité olympique du Bahrein. C’est un homme controversé puisqu’il existe des allégations qu’il a torturé ses propres athlètes. La situation a surtout été tendue durant le printemps arabe (2011). Malgré les protestations, Nasser demeure libre de voyager, la semaine dernière, il était même accueilli par la Reine Elizabeth. 

Même si les faits sont probablement vérifiables, profitant d’une immunité (famille royale), seule la Grande-Bretagne a récemment décidé de lui retirer afin de lui lancer un message clair. Le Bahrein étant une puissance riche, les autres nations ont d’autres priorités. Seul le comité olympique international pourrait faire un geste, chose qu’elle n’a pas semblé bonne de faire durant les Jeux de Londres 2012. Donc sur papier, le Prince n’est pas un criminel. 

Les médias du triathlon ont les pros préfèrent ne pas se prononcer sur cette problématique et choisissent de dégager une image positive du Bahrein. Cette monarchie vient tout simplement injecter de l’argent nouveau. Un pro très respecté dira, j’y suis allé et je n’ai vu aucune personne se faire torturer… Nasser est une personne charmante. À sa défense, en aucun cas, un pro devrait être placé dans une situation géopolitique compliquée et qui ne le concerne pas. N’étant pas un locaux, il est impossible pour lui de juger de la pertinence des efforts d’une dissidence pour renverser le pouvoir actuel. 

La question demeure de savoir si les pros ne sont pas avant tout utilisés pour devenir l’instrument d’une dé-diabolisation. Dans l’opération, il ne faut pas être naïf. La vie d’un pro est de recevoir un salaire. Sa valeur est en fonction du retour sur l’investissement. Lorsqu’une marque de vélo s’affiche avec une championne, elle espère que cela lui permettra de vendre X vélos de plus.

Dans l’esprit du Bahrein Endurance Team, on est dans une dimension totalement à part. Même si le message peut sembler altruiste (rôle d’ambassadeur pour que les jeunes du Bahrein soient plus actifs), les pros reçoivent une compensation face aux dommages que cette association occasionnera. Tout à un prix et il ne fait aucun doute vu leur effectif, le budget était hors normes pour les triathlètes. Les conditions sont d’autant plus rêvées puisque les pros recevront un bonus à chaque fois qu’un athlète de l’équipe gagnera. On peut déjà se questionner si c’est véritablement des athlètes étrangers qui permettront aux enfants de faire du sport…

À l’image du cyclisme professionnel où le revenu des athlètes vient principalement de leurs structures et non des primes des courses, le Bahrein est probablement la seule structure actuelle capable d’offrir cela. 

Ces athlètes semblent d’ailleurs déjà embarqués dans une aventure qui les dépasse. En premier lieu, certains athlètes croyaient avant tout représenter un nouveau centre d’entrainements au Bahrein. Cela n’a finalement jamais matérialisé et ces élites sont bien en relation directes avec la monarchie et ne peuvent donc pas rejeter la dimension politique dans cette association.

Toujours la même histoire?

L’intérêt du Moyen-Orient pour le triathlon n’est pas nouveau, des courses ITU avaient déjà lieu dans les années 90 (Dubai). Le triathlon est toujours présent à Abu Dhabi. La sauce n’est jamais raté, mais elle ne prend jamais réellement non plus. Malheureusement, lorsque le sport triple se présente dans cette région, tout est toujours axé sur l’argent. 

Cela n’est pas non plus la première super équipe venant de cette région. Il suffit de penser à l’Équipe Dubai avec Stadler ou encore celle d’Abu Dhabi avec Al Sultan, Judie Swallow, Paul Ambrose…

L’équipe du Bahrein Endurance est dans une autre dimension. Avec Bozzone, Frodeno, Kienle, Gomez et Reed, ils ont tout simplement les 5 meilleurs athlètes en 70.3. Est-ce que cela pourrait mettre en danger l’intégrité du sport? Il y a un véritablement effort pour dominer totalement le sport et d’être constamment à l’avant de la scène. Certains pros sont déjà sur la défensive et y voient la clic à Macca. 

Se libérer de l’olympisme?

Il y a une certaine ironie à voir un président d’un comité olympique investir dans une distance ne l’étant pas. Cela peut s’expliquer rapidement puisqu’il peut s’affranchir des meilleurs triathlètes internationaux sans leur demander de changer de nationalité. Froidement, cela ressemble aux phénomènes actuels dans le football (clubs). Mais encore, dans ce cas, il ne faut pas oublier que l’argent investi est celui de la monarchie/peuple du Bahrein et non celui d’un riche investisseur venant du privé. Sans olympisme, leur champs d’action est illimité. Il n’existe aucun règlementation pour encadrer les équipes. D’ailleurs la nationalité est aussi une notion très vague chez ironman. 

À chacun son jugement?

Il est facile de condamner les athlètes pour avoir faits ces choix. Contrairement à ce que vous pouvez penser, la balle est dans leurs camps. C’est désormais à eux de prouver que cette association ne changera rien sur leurs comportements. Faire preuve d’arrogance face à certaines allégations n’est probablement la meilleure manière d’acheter la paix.

Les pros en Ironman savent très bien que le carrière peut rapidement se détraquer. Il suffit de penser à Pete Jacobs qui vient de vivre 3 saisons en dessous des attentes d’un champion du monde d’Ironman. L’entrainement est particulièrement usant, et on peut comprendre l’attraction face à une somme qui permet de se placer en sécurité pour une longue durée.

Est-ce qu’ils pourront réellement garder leur franc-parler et ne pas devenir le jouet d’un prince qui utilise justement ses participations à des courses comme outil pour plus de visibilité. Même si les détails restent confidentiels, la présence du Prince Nasser à Majorque 70.3 a été très remarquée. Il avait sa propre tente, ses propres règles, et ses pros pour l’accueillir à l’arrivée. 

Les champions qui marqueront notre époque ne sont pas simplement le fruit de performance, mais aussi par leurs propos. Le sport élite est sans aucun doute un cadre très complexe et incompris, il en demeure que la magie s’opère quand l’athlète dégage une impression de liberté sans borne. 

Il est certain que certains pros sont gagnants dans l’opération, mais est-ce que le triathlon pourrait rapidement devenir un sport sans esprit libre comme certains sports où l’argent est le sujet principal

Et l’avenir?

Le prince est question s’est récemment qualifié pour les champions du monde de 70.3 qui auront lieu en Autriche en septembre. Il y a une certaine ironie dans ce choix puisqu’il vient crédibiliser un évènement qui semblait être en concurrence avec sa propre course (Bahrein). Challenge a d’ailleurs quelques problèmes, la série Triple Crown n’a pas eu un effet rassembleur sur ses courses dans le reste du monde. Ils ont été forcés de retirer ou diminuer les bourses pour les courses nord-américaines. De plus, la deuxième étape du Triple Crown à Oman vient d’être annulée à cause d’une situation géopolitique trop compliquée. 

La présence du Prince au prochain Championnat du monde de 70.3 fera couler de l’encre. Notre curiosité est de savoir si cela suscitera un intérêt d’une presse plus spécialisée. Ironman se retrouvera donc avec la présence d’une ancienne connaissance trop grande pour être ignorée et qui pourrait mettre en danger la sécurité d’une course.

Est-ce qu’un individu peut devenir plus grand que le sport?

Faut-il croire que l’apport d’argent frais dans le triathlon est forcément bon pour lui? 

 

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