La récente sélection pour le test event a généralement été bien reçue chez nos confrères. Dans notre cas, ce fut un ouragan. Xavier et moi (Alex) avons eu une très longue discussion. On a pensé à mettre nos propos sur papier.
A Rio, cette année, il n’y aura aucune française au départ.
Xavier : Rio, le test event des J.O, la dernière occasion pour s’étalonner, tester le parcours et éventuellement essayer de prendre une option sur une qualification olympique. Rio, la seule course de l’année pour laquelle chaque nation dispose de six dossards…Rio, sans doute l’évènement numéro un cette saison pour tous les athlètes courant sur le circuit mondial, épreuves WTS compris…
Alex : Cela demeure un choix fidèle à la politique actuelle, malheureusement, c’est effectivement la course la plus attendue de l’année. Sans faire l’avocat du diable, dans le passé, on a vu des médaillés ne pas prendre part au test event. Les portes ne sont toutes pas fermées. On fait aussi face à une nouvelle génération très jeune et il faut se rappeler qu’il n’y a encore jamais eu de médaillé de moins de 23 ans. Dans ce débat, je crois surtout qu’il est impossible d’avoir des certitudes. Même si ces décisions peuvent prendre une direction positive, moi, j’ai surtout peur que cela placent éventuellement les athlètes dans le doute sur leur futur. Mais, avant de critiquer, il faut avouer que les DTNs ne reçoivent jamais de compliments, c’est une travail très ingrat où ils sont constamment critiqués. Leurs buts sont tout de même de tirer le maximum de son collectif et généralement, on ne connaît pas tous les détails et dans quelques cas, les athlètes ne sont pas non irréprochables… Dans mes communications, j’ai eu cette impression que les athlètes ont compris ces décisions parce qu’il n’y avait pas de suprise. Il y a quelques choses de positif de voir que nos élites ne sont pas dans une dynamique à se chercher des excuses.
Les Françaises absentes des tops 10 mondiaux, cause de leur non-sélection ou symptôme d’une politique défavorable ?
Xavier : Les résultats de Françaises sur les WTS ne sont pas très brillants depuis pas mal de temps déjà, ç’est un fait. On ne peut pas le nier.
Mais pourrait-il en être autrement ? De toute évidence, la politique actuelle n’impose pas une présence régulière sur la série mondiale. Dans ce cadre, est-il possible de prendre confiance et de « s’installer » en WTS. Depuis deux saisons, la France est probablement la nation qui a laissé le plus de dossards inutilisés et même sur coupe du monde, certaines ont eu à s’acquitter de l’ensemble des frais pour aller concourir et se jauger face au haut niveau. De fait, là encore, peu de Françaises aux départs… Peu de résultats probants et donc, peu de points pour le drapeau tricolore…
Alex : En fait, je pense qu’il est très important de regarder ce qui se fait ailleurs. On fait face à deux scénarios. On peut trouver des filles qui sont régulières sur le circuit et qui ne donnent aucun signe de progression, je pense à certaines filles qui terminent aux premières places en natation et qu’on ne voit plus rendu à la course à pied. À l’inverse, on peut aussi voir une Katie Hursey qui a eu une première saison très difficile et qui n’a pourtant jamais quitté le podium en 2015. Face à ses difficultés à vélo, est-ce que certains DTNs auraient jeté l’éponge.
On est nombreux à se demander pourquoi les Américaines sont si dominantes actuellement, mais contrairement à la majorité des autres fédérations, les athlètes américaines sont des projets à long terme. L’USAT accepte de prendre des risques parce qu’elle en a les moyens.
Je ne crois pas qu’il faut rentrer dans une logique où le succès est inévitablement le résultat d’un talent et que les insuccès d’une nation vient tout simplement parce qu’on n’est pas tombé sur la perle rare. Avant tout, il faut placer un athlète dans un environnement répondant à ses besoins…
Xavier : Je sais qu’il n’y a rien de pire que de travailler et de s’entraîner dans l’incertitude le sentiment de l’urgence, la politique de celle-ci n’est pas facilitante pour son propre développement. Un athlète de haut niveau a besoin de sentir qu’une structure croit en lui, et même au-delà, croit en la possibilité que des filles puissent progresser pour devenir performantes sur un événement aussi capital que les J.O.
Alex : Tout est une question de définition du haut niveau. La FFtri doit répondre aux demandes du ministère. Les athlètes du haut niveau savent que personne ne le fera de cadeau. Mais la question demeure pertinente. Est-ce que l’environnement actuel répond véritablement aux besoins des filles. Même si la formule marche chez les hommes, est-ce que cela signifie qu’elle doit être identique pour les femmes? Le statut des athlètes du haut niveau est très précaire. Un athlète d’avenir doit la majorité de son support à son club. De plus, il faut savoir qu’on est très loin de le parité. Les femmes sont donc nettement plus sous pression et il est logique qu’elles se découragent plus rapidement. Où est passé la génération entre Péon, Harrison et Charayron?
Xavier : Moi, j’avais des doutes, mais avec cette décision, tout semble indiquer qu’aucune femme ne pourrait être sélectionnée pour les J.O si aucune d’elles ne démontre qu’elle a le potentiel pour être médaillable à Rio. La priorité est donc placée sur les hommes. On a aussi le sentiment que si les résultats ne viennent pas tout de suite, avec un droit à l’erreur très limité, vous êtes rapidement mis de côté. Dans ces conditions, il est très difficile de performer sur ce genre de courses où tous les détails comptent et où la confiance et la sérénité sont essentielles pour être capables de supporter la pression.
Alex : Oui, et la grande question est justement de savoir pourquoi on n’a pas une relève constante. On voit fréquemment cette problématique dans d’autres fédérations. Lorsqu’un athlète est dominant, il n’y a pas cette urgence à développer et à investir dans de nouveaux athlètes. La Grande-Bretagne ou l’Espagne pourraient tomber dans le panneau, pourtant, on a vu les Britanniques sélectionner ses athlètes sur une coupe d’Europe. Cela permet à ses athlètes de rester dans le processus et même si elle pourrait compter uniquement sur les Brownlees.
Ce que je trouve particulièrement intéressant dans ce débat, c’est que les DTNs sont jugés sur les médailles, mais on devrait surtout se demander s’ils ont réussi à rassembler des conditions gagnantes pour générer un flux constant de nouveaux talents et de s’assurer qu’ils auront les opportunités de s’investir jusqu’à la recherche de leur plein potentiel. Malheureusement, si on ne voit pas un changement de mission, c’est tout simplement parce que les politiciens ne comprennent pas cela. On reste dans le sport propagande ou il faut gagner des médailles. On dévalorise les athlètes qui ne montent pas sur la boite. Certains vont jusqu’à parler d’une carrière en échec pour un athlète qui est régulièrement dans le Top 15 en série mondiale…
Xavier : D’aucuns diront que cette stratégie, qui a fait ses preuves notamment en natation, permet de faire ressortir les athlètes qui ont réellement une classe mondiale et de potentiels médaillés… Je pense pour ma part que la complexité du triathlon change fortement la donne. Il faut du temps et de l’expérience et il faut aussi se casser les dents plus d’une fois sur ces genres de courses pour ensuite les digérer et réussir à y performer et faire son trou… C’est une réalité chez les hommes comme chez les filles.
Alex : Encore là, je crois qu’il faut probablement adapter ta politique avec ton bassin d’athlètes. Pour la natation, un athlète émergent ne fait pas fasse aux défis financiers des triathlètes. Un nageur re-rentrera dans un système avec un temps. Pour un triathlète, c’est complètement différent, il doit faire un investissement financier afin de réussir à prendre part à une course compétitive. Les courses deviennent synonymes de prèt financier. Il ne fait aucune que si le résultat n’est pas, l’athlète pense avoir laissé tomber tous ses partenaires. Cela vient forcément créer une pression additionnelle. Après, c’est effectivement la dure réalité du haut-niveau et certains athlètes réussissent quand même.
Xavier : Oui, et sans vouloir faire de la provocation gratuite, je pense que la stratégie fédérale avec les filles depuis déjà pas mal de temps n’a servi ni à leur éclosion ni à leur développement et que le manque de résultats de nos athlètes féminines en est le symptôme.
Le problème, de mon point de vue, n’est pas le manque de potentiel et de talent, mais une mauvaise gestion tant sur le plan humain que stratégique de nos meilleurs athlètes.
Alex : Mais tout cela est un problème généralisé à l’ITU, à l’exception des athlètes qui montent sur les podiums, il y a un sentiment d’urgence à faire des résultats. On entend rarement des fédérations partager leur confiance dans de le développement des athlètes. Tout le monde se basse sur la précocité des Jonathan Brownlee. On veut que les juniors soient tout de suite performant sur distance olympique. Encore là, à l’exception de la fédération américaine, il y a un sentiment d’urgence. Il suffit de suivre des cas comme Alan Webb ou Lukas Verzbicas.
On sait scientifiquement que certains athlètes ont besoin de plus de temps pour atteindre leur potentiel. Ce qui est particulièrement intéressant chez les Américaines (femmes), c’est qu’elles arrivent justement très tard sur le circuit. En venant de la course à pied au niveau universitaire, elles ont pu se développer sans cette pression constante de perdre leur support. Généralement, en Amérique du Nord, les athlètes recoivent sont financées mensuellement, elles n’ont pas à trouver un partenaire privé qui lui offrira un emploi presque fictif. Elles arrivent en ITU en se disant que c’est un extra dans leur carrière sportive. Il y a probablement quelque chose à méditer là-dessus.
D’ailleurs, si on renverse la situation (à la Francaise), on pourrait actuellement dire que les Américains, les belges, les italiens, les polonais, ne devraient aligner aucun athlète au Rio Test Event, pourtant ces nations progressent, Toth, Van Riel, sont des athlètes qui progressent. Cela n’a aucun sens.
En même temps, au Canada, on a eu une situation intéressante, même si deux femmes avaient les standards IAAF pour les Jeux olympiques, la fédération canadienne a refusé de les envoyer aux J.O. L’année d’après, ces deux athlètes ont cassé le record canadien vieux de 30 ans… Plus personne ne critique depuis leur politique.
Xavier : Pour finir, on va nous dire que cette décision permet justement de ne pas « fermer » l’équipe féminine. Que d’une certaine manière, aucune présélection n’est faite et que toutes les filles capables d’être fortes en fin de saison ou en début de saison 2016 pourront tirer leur épingle du jeu… Certes, mais le signal est quand même fort lorsqu’on connaît l’importance de poser les jalons sur une course de cette dimension. D’ailleurs, les 4 sélectionnés chez les garçons sont clairement les plus fort en ce début 2015 même si on aurait sans doute apprécié là aussi de voir un athlète en progression constante comme Simon Viain, sur le parcours exigeant des J.O à un an de l’échéance olympique.
Il y a un vieux dicton qui dit : « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage…». J’ai l’impression que les possibilités pour nos filles vont se réduisent comme une peau de chagrin dans les mois à venir… Cela permettra sans doute de justifier les éventuels manques de résultats de nos féminines… Mais n’oublions pas la complexité d’une performance de haut niveau où le contexte a une influence essentielle.
Alex : Il ne faut tout de même pas tomber dans un certain fatalisme. Il ne fait aucun doute que la fédération veut voir un retournement de situation en 2016. Ils prennent tout de même une situation qui est courageuse et qui mérite d’être respectée. Moi, je crois tout de même qui si ces décisions étaient si faciles, toutes les fédérations nationales agiraient toutes de la même facon. Sur le terrain, elles ont toutes des cheminements très différents.
Dans tous les cas, la reflection doit se porter sur les conséquences et les problématiques trop fidèles au sport féminin. J’ai la crainte qu’il soit encore dévalorisé.
Dans cette dynamique, les femmes ne pourront pas obtenir de meilleur support du privé. À chaque olympiade, on se rend compte que les nations hôtes obtiennent plus de succès tout simplement parce qu’elles investissent plus. La grande partie du problème est justement dans les ressources financières. Est-ce que celles des autres fédérations sont moins limitées que les nôtres ? C’est probablement la vraie base du problème et juger certaines actions devient alors fortuit.
Et c’est pas fini… d’autres sélections si elles vont dans ce sens vont plomber le vivier.
On est en train de reproduire les mêmes erreurs qu’il y a quelques années avec Lorblanchet. A ne vouloir que des finalistes, on dégoute de jeunes athlètes se prendre le risque de s’investir dans le haut niveau. Aujourd’hui, vu la politique de la fédé, le choix est vite fait à 18 ans entre faire du triathlon et des études…
Alex dit: « Moi, je crois tout de même qui si ces décisions étaient si faciles,
toutes les fédérations nationales agiraient toutes de la même facon. Sur
le terrain, elles ont toutes des cheminements très différents »
Heureusement que toute les fédé n’agissent pas comme la France !!! car y aurait peu de partant au départ des course lol
LOL! t’as pas tort, mais bon, la FFtri est très critiquée alors que les personnes ne s’attardent pas a voir les politiques des autres. Il faut attention avant de juger, parce que même si certaines décisions sont sujet a debat, il faut voir l’ensemble de l’oeuvre. La France a le meilleur systeme au point de vue club et championnat. C’est elle qui a généré le plus de champions mondiaux chez les jeunes. Faut aussi rendre a cesar. Mais oui, est-ce que le succès des hommes a un impact sur les femmes….
Politique ? Les anglais, qui ne sont pas les derniers aux resultats, ont fait des choix à la fois d’ouverture et à la fois strict…
Quant à la capacité de générer des champions mondiaux jeunes, le compliment doit d’abord aller aux clubs de natation, et secondairement à la fftri qui a su attirer les « moyens bons ». Mais physiquement parlant, aucun modele n’est donné en france.
Tu as tout de meme des athletes qui viennent du triathlon comme Montoya. Après, la réussite francaise vient justement du cadre très sélectiif qui pousse les jeunes a s’investir le plus rapidement dans une carriere de haut niveau.
Le problème, c’est qu’entre pousser et dégoûter, il n’y a parfois qu’un tout petit pas. Il ne faudrait pas le franchir avec la poignée de jeunes filles très prometteuses que l’on a aujourd’hui en France.
Tu as demandé aux intéressées si ça les dérange?
je n’ai pas l’impression.
Vous me semblez donner beaucoup d’importance à l aléa sportif et à la magie !
Il s’entraine ou Montoya ?? Ah oui, pole espoir NIce Natation…
Merci pour ce sujet. Depuis l’annonce de la sélection Française pour Rio test event, je suis malade!
6 dossards possibles et seulement 4 chez les hommes avec le vivier Français que l’on connait (ils sont plus de 8 avec un potentiel énorme dans le projet olympique, en punir le moins possible auraient été mieux!
Pire, aucune inscription chez les filles à ce jour….?! Notre fédé est elle en déficit financier malgré le nombre grandissant du nombre de licenciés en France? C’est à se le demander quand on fait le bilan sportif de nos filles sur le mondial d’Edmonton 2014 ou déjà notre délégation ne prenait pas part au relais… Que de potentiels avec nos jeunes : Cassandre B, Audrey M, Margot G, Leonie P, sans oublier nos seniors Emmie C et Alexandra CF sur le championnat de France à Nice. Cette dernière a quand même passé l’hiver dans l’hemisphère sud à 2 pas de plusieurs départs de WTS…sans pour autant avoir un dossard.
Nous avons pourtant un DTN qui connait le haut niveau et sans doute les bonheurs et frustrations qui vont avec. Il y a sans doute beaucoup d’éléments qu’un simple éducateur – entraineur et bénévole passionné ne maitrise pas, c’est un fait et une réalité que je respecte malgré tout. Reste que c’est dur à accepter pour nos athlètes de haut niveau. Nous aimons tous le sport et connaissons ou imaginons les sacrifices humains et financiers d’une pratique de haut niveau. De ce fait, il va falloir que nos élites filles s’accrochent à ce rêve olympique sans pouvoir vraiment défendre leur chance de 3 dossards. Combien en restera t’il à la fin?
Combien en restera-t-il à la fin ? Plus beaucoup si on continue à ne pas envoyer de fille sur les courses internationales.
Et puis si – comme j’en ai bien peur – on ne veut sélectionner que des finalistes potentielles en 2016, on enverra personne… à moins que l’on considère avoir des chances dans le relais mais là, il faut alors défendre deux slots… et ça commence dès maintenant !
Il n’y a pas de relais a Rio, probablement début à Tokyo.
J’avais zappé l’info. Dans ce cas, la ligne de la FFTri est claire. Aucune fille n’a le niveau pour terminer dans les 8 premières à Rio… donc on ne sélectionnera personne. La jurisprudence Fauquet – qui prévaut maintenant en France quelle que soit la discipline – fera effet… en espérant que ce qui fonctionne en natation fonctionne également en triathlon.