Toi et moi, on a comme une relation d’un adolescent avec ses parents. Est-ce qu’on est si impertinent et si ingrat?
On a peut-être juste des idéaux et on voudrait voir les choses évoluer dans la bonne direction. Tu as probablement raison, on devrait accepter l’inertie, c’est un peu comme l’huile de palme dans le Nutella pour sauver 5 sous, on peut critiquer le messager d’exposer ce fait sur l’avant de la scène, dire qu’elle met des emplois en danger, mais dans le fond, comment une marque qui se qualifie comme un aliment donnant de l’énergie à nos enfants peut t’en passer une petite vite et être protégé…
Non, mais sérieusement, est-ce que l’on peut encore rêver un peu et avoir quelques idéaux? Est-ce qu’on a gardé ce droit de lancer des débats sur la place publique. La non sélection des françaises pour le test event de Rio est un exemple parfait.
Est-ce que la politique de la fédération est valable? Oui. Est-ce qu’il est légitime de se questionner là-dessus?Moi, lorsque j’ai vu des confrères dire que c’était une sélection logique, je me suis demandé si je n’étais pas tout simplement trop sensible. Oui. Cela demeure tout de même un sujet où le silence serait terrible. Pourquoi? Parce qu’il validerait une situation, qui se doit d’évoluer? Contrairement à ce que certains peuvent penser, j’ai fait mon travail, questionner des anciens olympiens, des cadres techniques de plusieurs fédérations. Je pense avoir fait preuve d’un discours nuancé. En Haute performance, il n’y a jamais qu’une seule vérité. Mais encore une fois, j’ai toujours la conviction qu’il est impossible d’avoir des certitudes et que tout le monde se doit de faire preuve d’ouverture et apprendre à écouter les autres.
Je passe du coq à l’âne, mais regarde ce qu’il se passe avec la FIFA, un président qui est la depuis 20 ans et qui n’a même pas l’intention de passer le relais. Des soi-disant dissidents qui sont tellement en désaccord qu’ils ont aussi plébiscité le Quatar. Le fameux pays où les ouvriers fraichement débarqués du Népal n’auront pas besoin de se prendre un billet de retour… Et rien ne change.
Tout cela pour dire, qu’il existe actuellement un « sport monarchie ». Il y a le peuple (sportif) et la royauté (dirigeant). Ces présidents qui prennent le pouvoir et qui veulent ne jamais perdre les avantages du pouvoir. Un exemple parfait, dans la zone VIP de la coupe du monde de football féminine, le costard est obligatoire, interdiction d’afficher ses couleurs. En gros, on ne se mélange pas au peuple… Cela me rappelle une autre époque. Ironman développe aussi ce concept. Alors que le sport devrait être universel, on développe des castes.
On va éviter de s’étendre sur notre fameux prince du Bahrain qui a décidé de s’offrir tous les meilleurs pros et courses, mais la tendance est là. Certains ont des privilèges…
Dans la réalité, ces fameux mandats de ces dirigeants devraient être très courts. Juste le temps de remplir une mission avec le but ultime de faire progresser le sport, évidemment que cela est très demandant et c’est justement pour cela qu’une mission prolongée est inconcevable.
Et le triathlon alors? Est-ce qu’on pourrait aussi devenir une fédération (internationale) si conne où ses dirigeants pourraient être aussi si déconnectés des réalités. Je ne sais pas où plutôt, je ne suis pas prêt à me prononcer la dessus. D’ailleurs, dans la logique actuelle, on pourrait tout simplement me dire que n’étant pas impliqué et ne connaissant pas toutes les données, il m’est impossible de me prononcer.
Mais lorsque j’entends qu’il faut un budget entre 1.1 et 1.4 million pour tenir une WTS, qu’une destination comme Auckland ou Chicago n’est pas en mesure de garder sa course, je me dis qu’on a tout simplement perdu la tête. Tu imagines ce que cela représente un million… Dans le contexte actuel, qui voudra prendre le risque à part les pétro-monarchies? Exactement comme les Jeux Olympiques, on est tellement tombé dans la folie des grandeurs que ces événements qu’on accumule les hôtes reconnus pour ne pas respecter les droits de l’homme. La fameuse universalité du sport…
Oui le budget en dépense pour les membres du CIO est probablement nettement plus important que celui de la lutte antidopage… Question de priorité, non?
On revient au triathlon.
Il en demeure la problématique que les étapes de la série mondiale ne permettent pas aux villes d’obtenir un retour sur l’investissement convenable n’est pas nouveau. Malheureusement, rien ne semble démontrer que des actions ont été prises pour changer la donne.
En ce moment, on peut se questionner, est-ce que l’ITU est vraiment en évolution? Est-ce que sa survie ne tient pas à la présentation du sport triple aux Jeux olympiques?
Qu’elles sont les progrès depuis l’introduction de la série mondiale? Est-ce que le sport est devenu plus médiatique? La réponse est probablement non, et ce qui nous tue, c’est de voir qu’ils n’ont aucun compte à rendre.
Rassurez-vous, tous ces dirigeants auront leur tente VIP et leur cocktail à la prochaine Grande Finale pendant que certains athlètes élites seront totalement endettés par manque de support. Somme-nous si loin de la FIFA? Peut être bien que oui, peut être bien que non…
Mais, reste que l’on a ce droit de se questionner. Sans faire mon Noam Chomsky, sommes nous tombé dans un néolibéralisme du sport où nous avons juste cette illusion de comprendre les faits.
Est-ce qu’on peut à nouveau nous vendre du rêve avec des projets un peu fous comme l’a été Kitzbuhel. Est-ce que les diffusions peuvent aussi se peaufiner? Tu imagines, en 2016, c’est Stockholm, une course au bord de la mer qui proposera le plus de dénivelés. D’ailleurs, j’en profite pour dire qu’on est plusieurs journalistes internationaux à questionner l’ITU si le test event de Rio sera webdiffusé… Sans réponse, comme si personne voudrait être annonciateur d’une mauvaise nouvelle et qu »il faudra vite cacher tout cela sous le tapis bleu.
À plus petite échelle, Trimes a peut-être tiré trop fort ou pas sur une récente course, c’est effectivement un risque qui peut être considéré comme facile pour nous. On passera facilement pour les méchants parce qu’on n’a pas le réflexe de souligner les courses qui marchent aussi et c’est vrai. On aimerait faire dans le positif. Mais dans cet épisode, on a surtout blessé des gens qui sans aucun doute, ont trimé très fort pour cet événement et qui ne méritent pas de prendre l’intégralité du blame.
L’insuccès d’une équipe de foot n’est pas le produit d’un coach mais bien d’une structure.
Reste que ces critiques ne sont pas contre des individus, mais restent nécessaires parce qu’elles permettent de rappeler un idéal. On peut qualifier nos paroles négatives comme un geste facile, mais personnellement, j’ai toujours trouvé ce processus très difficile puisqu’il implique un engagement. Nous aussi, on s’expose à la critique, et nous aussi, on se questionne avant d’écrire.
Je n’ai aucun doute qu’il y aura une réaction pour corriger certains manqués et oui, Trimes sera les premiers à applaudir. C’est déjà arrivé avec une course au Québec. Elle est passée d’une course où les athlètes se perdaient à la course référence au pays.
Tout cela pour dire que l’on veut un sport en évolution, on est peut-être maladroit, mais on veut continuer d’y croire. Et oui, on ne mange pas de Nutella.
On ne veut pas d’un circuit en statu quo qui répète un savoir-faire année après année. Tout en étant conscient de l’incroyable travail de la fédération et des clubs pour en arriver là, il faut aussi se rappeler de certains scénarios comme Beauvais ou encore plus récemment, St Quentin en Yvelines. Sans progrès, un jour tu te réveilleras et face à un produit stagnant, les communautés ne pourront plus suivre.
Ce n’est pas les prises de vue d’un drone qui vont susciter l’intérêt d’un nouveau public. Les GPs viennent de perdre leur télédiffuseur, est-ce qu’un reportage de 15 minutes qui nous parlent uniquement des grosses équipes permettra à vendre le sport? Dans mon jargon, on parle d’un discours d’initié.
Maintenant, est-ce que l’on veut vraiment voir une évolution? Être un sport vivant et dégager une impression de dynamisme? Ça, c’est à vous d’y répondre.