On se questionne fréquemment sur l’importance des études dans le développement d’un athlète élite, Felix Duchampt a pourtant fait le choix de partir États-Unis ces 4 dernières années afin d’étudier. Diplômes en poche et fraichement de retour pour de bon en France, Trimes s’est entretenu avec lui pour en savoir plus sur son expérience et son avenir. En 2014, il avait gagné la coupe d’Europe d’Istanbul.
Tu as quitté les États Unis il y a quelques jours puisque tu viens d’obtenir ton Master en Communication. J’imagine que cela doit être un moment spécial pour toi.
Félix Duchampt : Effectivement ce fut un moment très spécial. J’ai passé 4 années de ma vie à Charlotte en Caroline du Nord. J’ai rencontré des personnes incroyables. Je me suis fait de supers amis, notamment au sein de mes équipes de natation et d’athlétisme. J’ai appris l’anglais. J’ai obtenu deux diplômes, un bachelor et donc un master, tout en pouvant relativement bien continuer à m’entrainer. J’ai découvert une autre culture et ça m’a vraiment ouvert l’esprit. Il est clair que j’avais un petit pincement au cœur en partant, mais j’ai hâte de voir ce qui va se proposer à moi maintenant.
Peux tu nous expliquer comment cette opportunité s’était présenté en toi?
FD : Après le lycée, je suis parti en STAPS, où j’ai obtenu une licence mention « entrainement » et certains diplômes / brevets annexes. Mais j’avais envie de faire autre chose, de découvrir quelque chose de nouveau tout en continuant à m’entrainer. Je me suis rapidement orienté vers les Etats-Unis puisque je savais que concilier sport et études était envisageable là-bas, bien plus facilement qu’en France. J’avais quelques copains qui étaient partis avant moi qui m’ont un peu aidé. Le triathlon n’étant pas un sport reconnu universitairement aux USA ( et donc ne pouvant pas obtenir de bourse dans ce sport), je suis parti pour l’athlétisme. J’ai eu beaucoup de chance puisqu’en 2010, année de mon départ, une équipe de natation s’est créée dans mon université, ce qui m’a permis de continuer à m’entrainer pour le triathlon.
Avec du recul, as-tu l’impression qu’en faisant ce choix tu sacrifiais ta carrière sportive pour tes études?
FD : Non, je ne parlerai jamais de « sacrifice ». J’ai vécu une expérience extraordinaire qui me servira même en triathlon et plus généralement dans la vie. J’ai quand même progressé dans les trois disciplines depuis mon départ. De plus, j’étais et suis toujours conscient de mon niveau en triathlon et, même si j’avais plutôt bien réussi chez les jeunes au niveau national voire international, à cette epoque je ne pouvais pas vivre du triathlon et me devais de continuer mes études pour m’assurer un avenir. Après, il est clair que, malgré des conditions très bonnes dont j’ai bénéficié pour concilier sport et études, j’étais un étudiant comme un autre là-bas. De nombreuses heures de cours que je ne pouvais pas rater et beaucoup de travail à la maison. Si tu veux avoir une journée type, j’étais debout à 5h30 pour aller nager, et je me couchais rarement avant 11h30 / minuit. Je pense que j’ai pu m’entrainer plutôt correctement, cependant, il m’a manqué l’aspect récupération : les journées étaient blindées, ce qui m’a d’ailleurs valu quelques blessures, et je peux te dire que je sens déjà la différence en 2 semaines ici.
Peux tu nous parler de ton expérience en NCAA?
FD : La NCAA est en gros la fédération du sport universitaire aux Etats-Unis. C’est l’élément moteur dans la réussite sportive américaine. De nombreux médaillés olympiques peuvent être reconnaissant de cette fédération. La NCAA permet aux étudiants d’obtenir des bourses pour représenter leurs universités au niveau sportif. Vu le prix des études là-bas, ce n’est pas négligeable ! De plus, les sportifs sont la vitrine de l’université, et donc plutôt bien vus, ce qui n’est pas forcément le cas en France. Pour ma part, c’était natation, cross-country et piste indoor & outdoor. Tout est hyper bien organisé, par semestre. En général deux mois de compétitions de « réglage », puis deux mois de compétitions qui « comptent » : les « conference », « regionals » et « nationals ». Encore une fois, c’était une expérience extraordinaire et la NCAA m’a permis de venir aux USA mais également de voyager aux quatre coins de ce pays !
Cela rien à voir avec le sport, mais comment vivais-tu le fait d’avoir deux cultures?
FD : Cela m’a beaucoup aidé! Il est clair que ça m’a fait grandir de découvrir quelque chose de nouveau, dans tous les domaines. Cela m’a ouvert les yeux sur le monde. Les Etats-Unis sont un pays très développé comme la France, mais il y a au final peu de ressemblance entre les deux nations. Le simple fait d’être français m’a aussi permis je pense de rencontrer plus de monde puisque j’étais «différent». Les américains sont accueillants, ouverts et généreux et j’ai eu de la chance de rencontrer des personnes qui m’ont beaucoup aidé. Pour rapporter un peu la question au triathlon, j’ai pu découvrir de nouvelles méthodes d’entrainement et rencontrer d’autres athlètes et coaches, je pense avoir plus de cordes à mon arc, et cela me permet de prendre un peu de chaque expérience et d’adapter mes propres entrainements aujourd’hui pour essayer d’être le plus performant possible en compétition.
On entends beaucoup parler de la NCAA en ce moment avec le succès des amércaines en ITU puisqu’elles se sont toutes développés en focusant sur un sport durant leurs études. As tu l’impression que ces années à te concentrer sur ta course à pieds aura le même bénéfice sur toi?
FD : Si je pouvais avoir une carrière à la Jorgensen je signerai de suite! Plus sérieusement, il est clair que la NCAA permet aux jeunes de continuer leurs sports, alors qu’en France il y en a beaucoup qui arrêtent après le bac. Alors certes, c’est un pays avec beaucoup plus d’habitants que la France, mais ce système leur permet d’optimiser leur réservoir d’athlètes et de dénicher plus de jeunes talentueux!
J’ai beaucoup progressé en course à pied durant ces 4 années. Je suis parti en courant 8’37 sur 3000 ou 14’55 sur 5000m. Depuis, j’ai couru 8’11 sur 3000m, qui plus est sur une piste plate de 200m où la force centrifuge te sort à chaque virage, et 14’19 sur 5000m, un temps qui aurait pu être nettement amélioré si je ne m’étais pas fait une déchirure au mollet cette année durant ma tentative de courir aux alentours des 14’00.
Comment cela se passait pour toi, est-ce qu’on te laissait t’entrainer dans les autres sports?
FD : J’ai eu de la chance de voir la création d’une équipe de natation l’année ou je suis arrivé. Avant de le savoir, je pensais courir beaucoup plus et nager rouler de temps en temps. Mais cela a changé la donne, et j’ai pu m’entrainer en natation dans de supers conditions et apprendre beaucoup des coachs et autres nageurs. Je n’avais jamais vu une culture de la gagne aussi importante. En 2010, l’équipe était créée. Cette année, nous avons gagné les « nationals » de Division 2. Nous nous entrainions aussi avec la SwimMac Elite, et j’ai eu souvent l’occasion de nager avec des champions tels que Ryan Lochte, Cullen Jones ou Kristy Coventry. A un moment, j’avais failli transférer dans une université de Division 1. Mais j’ai rapidement compris que l’environnement ne serait pas aussi bon pour la pratique du triathlon. En tant qu’athlète, interdiction de nager. Cette rigueur m’a fait rester à Charlotte, et je suis content aujourd’hui d’avoir choisi la Division 2.
As tu l’impression qu’on t’ait oublié en France?
FD : Non je ne pense pas que l’on m’ait oublié. Je n’ai peut être pas progressé autant que le demande le niveau international du moment et la densité française. Mais lors de mes deux premières années aux Etats-Unis, j’ai été sélectionné à plusieurs reprises en équipe de France U23 de triathlon et duathlon. Ensuite, depuis mon passage chez les « Elites », le niveau requis est devenu plus élevé. Je suis aussi revenu tous les étés pour disputer des triathlons (GP D1 ou D2, coupes d’Europe et du Monde). Alors certes, je pense que certaines de mes performances en cross-country ou sur piste n’ont pas été remarquées et appréciées à leurs justes valeurs, mais je ne pense pas avoir été oublié non plus.
Tu es certainement, l’un des meilleurs coureurs à pieds en France, j’imagine que tu es bien placé pour savoir que tout est une question de natation.
FD : Le triathlon est clairement fait de 3 sports. Alors oui c’est une question de natation, je me suis fait piéger bien trop de fois pour te contredire. Mais ceux qui pensent qu’ils peuvent s’en sortir à haut niveau sans se préoccuper plus que ça du vélo se trompent. Même s’il est plus difficile d’éliminer quelqu’un en vélo qu’en natation, celui qui ne sera pas « bon » en vélo perdra bien trop de plumes pour courir vite derrière.
Comment cela va se passer dans les prochains mois…
FD : Je ne suis pas encore 100% sur de mon avenir. Je vais me « donner une chance » cet été pour sur puisque je ne ferai rien d’autre. Je vais courir sur les manches de Grand Prix Division 2 avec mon club de Montluçon ainsi que sur coupe d’Europe et du Monde. J’espère pouvoir faire cela sur quelques années. L’envie est là mais cela dépendra bien sur aussi des résultats, opportunités et possibilités d’avenir.
Même si tu as pris du retard sur les autres, avec ton diplôme en poche, j’imagine que cela te permet d’entrevoir la suite avec plus de confiance.
FD : Je ne pense pas avoir pris du « retard ». Encore une fois, je le prends comme une corde de plus à mon arc. Il est certain que je n’ai pu m’entrainer, et surtout récupérer autant que d’autres qui ne font que du triathlon, mais j’ai quand même appris énormément aux USA, et emmagasiné beaucoup d’expérience, que ce soit sportivement ou humainement. Cela payera à un moment ou à un autre, même en triathlon. Du côté professionnel, c’est vrai qu’avec un master, le fait de parler couramment français et anglais et correctement espagnol, et d’avoir un passé de sportif m’aideront j’espère à m’en sortir.
Les duchampt sont assez nombreux à faire du triathlon à un haut niveau, peux tu nous parler comment cela est arrive?
FD : Effectivement, ma sœur et mon frère se sont également investis beaucoup dans le triathlon depuis leurs débuts. Nous avons eu la chance que nos parents nous aient toujours soutenus dans nos choix et engagements, mentalement, matériellement et financièrement, ce qui a facilité la chose. Mon père a toujours fait beaucoup de sport, notamment du hockey et du ski fond à plus ou moins haut niveau, et nous a inculqué cette passion pour l’effort. Ma mère nous a aussi beaucoup aidé, et nous a toujours permis d’évoluer dans de bonnes conditions, ne serait-ce que pour les déplacements à la piscine ou en compétitions plus jeunes par exemple. C’est donc un peu la culture familiale. Nous avons touché à tout étant petit : hockey sur glace, tennis de table, judo, handball… Durant mon cursus scolaire, j’ai eu aussi par mes professeurs d’EPS des choix d’activités un peu hors du commun, comme la course d’orientation ou le baseball! Nous avons eu le choix! Mais c’est vrai que le fait d’avoir 3 sports en 1 nous a plu je suppose. C’est beaucoup moins monotone. De plus, en Auvergne et plus précisément à Clermont, le terrain de jeu est idéal! Mon seul petit regret pourrait être de ne pas avoir nagé plus plus jeune, mais bon impossible de revenir en arrière, on fait avec!