Dans le jeu des pronostiques pour Kona 2015, avec la récente performance de Jan Frodeno à Frankfort, il est tout simplement impossible de ne pas l’élire comme le grand favori. Dans cette dernière décennie, à l’exception d’un Marino Vanhoenacker ou d’un Andreas Raelert, on n’a rarement ressenti ce sentiment, de voir un athlète complet et sans faiblesse gagner. Dans le cas de Jan Frodeno, l’aspect le plus exceptionnel est qu’il a réussi cette performance dans la chaleur.
Avec le triathlon, on peut toujours jouer au sceptique, les Ironmans où les meilleurs athlètes sont véritablement à leur top sont rares et c’est pour cela que Kona est le centre du monde triathlétique. Dans cette victoire, est-ce que Sebastian Kienle et Frederik Van Lierde affichaient vraiment un niveau de compétitivité équivalent à celui qui leur a permis de devenir champion du monde. Les deux ont réalisé de moins bons temps qu’en 2014. Dans les faits, ils rentrent en T2 dans des temps très similaires à ceux de 2014. Ils courent tout simplement 7 minutes plus lentement leur marathon. Cet écart est facilement explicable par les 37C observés durant la course à pied. Pour confirmer cette hypothèse, Jan Frodeno courrait aussi 7 minutes plus rapidement à la dernière édition. Tout s’aligne.
Sur le point stratégique, il ne fait aucun doute qu’en se rendant à l’évidence qu’ils n’étaient pas en mesure de revenir sur le champion olympique de Beijing, ils ont posé le vélo sans véritablement croire en leur chance de gagner. Cela s’est terminé à la fierté.
Avec une natation en 46 minutes, un vélo en 4:08, l’avance, un marathon en 2:41 lui aurait permis de casser la barre mythique de 7:40. Ce qui est fascinant dans la performance de Frodeno, c’est qu’il bat le record de 3 minutes de Sebastien Kienle de 2014. D’ailleurs, l’actuel champion du monde a répété le même temps cette année.
Malgré un marathon de 2:50 pour Frodeno, ce qui peut paraitre relativement lent, mais ,très convenable vu la température du jour. Jan vient de battre de 5 minutes le record de Sebastian Kienle. Si vous additionnez le facteur température à ce temps, c’est une éternité.
À l’image d’un Brownlee en ITU, on vient tout simplement de voir la création d’un athlète capable de faire la différence sur les 3 sports. À ses deux derniers Ironman, des crevaisons s’étaient invitées. On n’avait pas les éléments pour juger son talent à deux roues.
Après Kona, Jan nous disait justement que sa philosophie avait changé. Maintenant, je m’entraine pour être le meilleur que je peux être. Avant, je m’entrainais pour battre quelqu’un ou pour être à leur niveau. C’est une différence primordiale, qui se passe d’explication.
Très discret, Dan Lorang, le coach actuel des Allemands en ITU et de Frodeno connait un début de carrière fulgurante. Ce scientifique du sport tombera dans le triathlon par accident, destiné au cyclisme, il fera ses premières armes avec l’équipe féminine de Cervélo. Durant la fin de ses études, il fera la connaissance de Anne Haug (athlète ITU) et fera ses débuts dans le sport avec elle. Lorang montera rapidement les marches dans le système allemand. Ses athlètes le définissent comme un coach très méticuleux, rationnel, scientifique et surtout très humain. C’est durant la transition de Jan Frodeno en longue distance qu’ils ont débutés leur collaboration.
Certains s’étonnent du niveau de performance de Jan Frodeno, mais c’est aussi la première fois qu’un champion olympique fait la transition en Ironman. Pour arriver à ce niveau, il est impossible de douter son éthique de travail.
Et maintenant? Le message est lancé, la performance de Frodeno à Frankfort impose déjà un scénario de course pour Kona où il faudra un certain culot pour prétendre à la victoire.