Edito > La french touch du triathlon?

On vient de vivre le week-end le plus excitant et important pour le triathlon français. Même si les athlètes de l’hexagone sont respectés par la communauté internationale, je vois cette victoire de Vincent Luis comme un coup d’État dans un monde triathlètique si dirigé par les Espagnols et les Anglais. Le texte de l’ITU pour présenter la course d’Hambourg m’avait fait sourire et représente parfaitement ce snobisme involontaire, The Spaniards heads up men’s race. Chez Trimes, on avait annoncé la couleur avec le champ libre pour les Français? On s’était convaincu que tout cela était juste une question de temps. Et même si on a toujours cette impression qu’Alistair en forme est toujours intouchable, on savait qu’une porte allait forcément s’ouvrir un jour.

Pour être franc, il restait cette fameuse barrière psychologique à franchir. Lorsque 3-4  athlètes dominent (Gomez, Mola et les Brownlees) à ce point le sport triple depuis les deux derniers cycles olympiques, croire dans ses chances frise presque de la folie. Luis vient enfin de démontrer qu’il était possible de les battre.

C’est justement l’aspect impératif du sport de haut niveau. Une croyance en soi sans limites où le rationnel peut rapidement devenir son meilleur ennemi. Une confiance qui doit se bâtir, brique après brique et qui peut pourtant s’écrouler à tout moment en voulant trop en faire.

Oui, Vincent Luis vient enfin d’offrir la première victoire en série mondiale à la France. Médiatiquement, il est facile de mettre sa personnalité en avant, mais contrairement aux autres nations, on peut parler d’une victoire collective. D’ailleurs, le sacre mondial au relais  est l’illustration parfaite d’une nouvelle génération et d’un système.

Lorsqu’on voit 4 Français intégrer une échappée de 12, cela n’est pas le fruit d’un hasard.

L’exception Française. 

On a l’habitude de critiquer ou plutôt de questionner certaines décisions de la FFtri. La semaine dernière, certains y voyaient une injustice chez les juniors féminines. Honnêtement, les critères sont les critères. Tant que la FFtri défini des règles du jeu et les respectent, et même s’il est facile de trouver un argumentaire pour s’opposer à eux, on ne peut qu’accepter leurs décisions.

Si cette politique a sans aucun doute des effets négatifs sur certains athlètes, elle a aussi ses points bénéfiques. Le haut niveau n’est pas inclusif, il est cruel et il faut accepter ses règles pour rester dans la partie.

Ayant la chance d’avoir des discussions avec plusieurs fédérations, la France est l’exception à la règle, c’est la seule qui ose ne pas utiliser tous ses spots.

D’ailleurs, j’ai souvent des discussions avec des anciens olympiens et membres de l’équipe de France, je les confronte fréquemment pour connaitre leurs opinions comme sur la non-sélection d’athlètes féminines pour le test event de Rio. C’est l’exemple parfait ou deux camps opposés peuvent se munir d’arguments forts et où les certitudes n’existent pas.

Contrairement aux croyances, ces anciens athlètes se sont toujours rangés du côté de la fédération. Cela m’a pris du temps, mais j’ai tout simplement compris qu’il existait un état d’esprit typiquement français où l’athlète ne se permettait pas de se défiler en se trouvant des excuses.

Ce tweet de la Fédération allemande m’a justement fait sourire.

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Elle évoque le manque de chance avec en sous entendu qu’ils méritaient leur place sur le podium.

Mais cela n’existe pas réellement. En triathlon, ce sont justement les plus forts qui contrôlent tous les aspects des courses. Si tu es piégé à une bouée où que cela n’a pas roulé dans ton groupe, c’est tout simplement parce que tu n’es pas assez fort pour être devant.

Laura Lindemann fait tomber Vicky Holland en ne gardant pas la ligne lorsqu’elle descend du vélo. La pénalité pour un casque non attaché après la sortie de la natation. C’est le résultat d’une athlète qui a paniqué parce qu’elle avait peur de perdre son groupe.

Mon confrère allemand me disait justement à quel point il en avait assez de cette mentalité. On voit passer fréquemment des comptes rendus d’athlètes qui tentent de nous expliquer que sans ce petit pépin (physiques, malchances), ils seraient les meilleurs. Ils ont franchi cette ligne où l’apprentissage face à des échecs n’est plus optimal puisque l’athlète se défile face à certaines vérités.

Alors oui, la politique fédérale française est reconnue pour sa relative cruauté, mais elle est aussi en train de forger des athlètes qui savent qu’il n’y pas de place pour les excuses. Ils sont tous incroyablement durs envers eux et refuse de se défiler. L’environnement exige le meilleur de ses athlètes et c’est par la lucidité de leur réponse que réside leur succès. Il n’y a pas de secret.

Sachant qu’on a présentement 4 athlètes au top de la hiérarchie dans 4 environments d’entrainement différents. On ne peut pas dire que le succès français réside par une méthode particulière de s’entrainer.

Alors oui, je crois bien qu’il existe un savoir-faire français, il est justement dans la manière d’aborder le sport de haut niveau. Et si les athlètes tricolores sont capables d’apprécier le succès des autres membres de l’équipe de France, c’est justement parce qu’ils savent que tout dépend uniquement d’eux.

 

1 commentaire
  1. C’est très vrai, la politique de la FFTri envers le repérage des jeunes et leur travail sur l’excellence tient la route. Ca me rappelle l’époque où Jean Todt était directeur F1 chez Ferrari et où les ingénieurs connaissaient jusqu’au système de ravitaillement essence qui tomba une fois en panne et fût immédiatement réparé par Ferrari. Il n’y a pas de place à l’improvisation.
    Et il est aussi très vrai que les athlètes allemands se trouvent trop souvent des excuses,

    Cela dit, je pense que la FFTri a encore beaucoup de pain sur la planche concernant le passage sur longue distance. L’entraineur de Frodeno est Dan Lorang, en plus de sont taf d’entraineur DTU. Pour un athlète de haut niveau Francais, c’est soit tu utilises en fin de carrière courte distance ton droit à la reconversion professionelle, soit tu passes sur le long et perd cet avantage… Raelert, et Frodeno sont tous les 2 olypiens.