Dans le haut niveau, il n’est pas rare de voir des athlètes perdre le contrôle de leur carrière. Auteur d’une magnifique 4e place aux JOs de Londres, ce résultat sera pourtant difficile à accepter. On savait que David allait écrire d’autres belles pages, mais il fallait encore le faire, après presque 2 ans d’essais, il vient de confirmer son retour avec une 4e place au Test Event de Rio. On s’est entretenu avec lui pour en savoir plus sur un autre point tournant dans sa carrière.
J’imagine que c’est un grand soulagement tout cela. Dans les 4 dernières semaines (bundesliga, FGP, titres européens en individuel et Relais), tout semble s’être placé pour toi, mais les malchances se sont accumulées, repoussant ton véritable retour. J’imagine que tu dois encore plus savourer cette 4e place.
Oui clairement, j’ai eu des passages difficiles ces derniers temps. Au mois de mai dernier j’étais assez loin de penser que je participerai à ce Test Event alors y réaliser un critère fédéral et demeurer en ballottage favorable pour une place aux Jeux l’année prochaine me va bien.
C’était bien là l’objectif de mon année. Il m’aura fallu retrouver le sens de la marche, dès lors les choses se sont remises en place. Mon entourage y à été pour beaucoup.
Pour ce résultat, tu as dû aller le chercher de très loin puisque tu poses le vélo à presque 2 minutes de la tête en T2, j’imagine que tu es passé dans toutes les gammes des émotions…
Oui effectivement je suis allé chercher loin pour ce résultat, mentalement je n’ai jamais rien lâché. C’était plutôt mal embarqué après le vélo, et des soucis à T2 n’ont fait qu’aggraver le scénario pour partir très loin (+1’53) vers la 40/50e place. Je suis donc parti à ma main sans me soucier de la qualification, en restant concentré sur moi même.
Doucement je suis revenu dans la course pour finalement finir assez fort et venir coiffer 5 gars dans le dernier 500 et faire le critère. Je ne pouvais pas espérer mieux.
D’ailleurs, c’était pas très sympa pour ta femme et ton père de leur faire ça.
Ils me connaissent bien et savent que mes histoires peuvent souvent être rocambolesques.
Peux-tu nous parler de ton entourage actuel, c’est particulier, mais ton père, Joel Hauss et ton ami Laurent Vidal sont tes coachs. Peux-tu nous parler du fonctionnement?
Depuis le mois de mars dernier, à Mooloolaba en fait, nous fonctionnons tous les 3. Laurent était alors de référent fédéral pour cette épreuve et son contact m’a tout bonnement permis de remporter la course, je sortais d’un DSQ à Abou Dhabi avec le moral au plus bas. Je me suis de suite mieux senti à ses côtés, il m’a remis d’aplomb et l’histoire était lancée… Nous nous connaissons depuis la catégorie « Minine » donc des 14-15 ans et avons toujours eu une philosophie de travail très rapprochée. Son expérience et son recul m’apportent beaucoup. D’un point de vue fonctionnel, je dirais que c’est Laurent qui sort les plans d’entraînement en accord avec Joel. Et mon père gère donc toute la partie prépa physique/musculaire.
Dans ce cycle olympique, tu es cette fois-là, « papa ». J’imagine que cela change beaucoup de choses…
Ma vision du sport et du triathlon a changé, la naissance de mon fils m’a vraiment apporté quelque chose de positif. Plus qu’une plus-value, cela donne un sens supplémentaire à ma pratique, à mon histoire, à mon parcours. J’étais au bord de l’arrêt de carrière il n’y a pas si longtemps. Alors ce que j’accomplis, je le fais désormais pour moi, dans le plus grand plaisir et comme si que je n’avais plus rien à perdre. Tout ce qui m’arrive, c’est du bonus. Je suis heureux et comblé, cela me rend donc très serein et plus fort… c’est la force de l’expérience. C’est sur ce point que j’ai pu aller chercher le critère fédéral à Rio.
Parle-nous de Rio, quels sont les impressions sur ce parcours?
Ce parcours met en valeur les athlètes complets, on ne peut pas s’y cacher. La natation en pleine mer, avec les vagues, le courant rend la partie délicate. Tu ne peux pas rester dans les pieds à attendre la sortie de l’eau, les positions changent sans arrêt, il faut sans cesse être aux aguets. Le vélo, de par la chaleur et la bosse, si courte soit-elle use les organismes, un peu courte, pour réellement faire des cassures, elle entame chaque athlète en les poussant à la faute. Et puis, la course à pied avec ses 4 tours en ligne droite aller-retour n’offre aucun répit et demande une implication de chaque instant afin de ne jamais relâcher l’allure, il faut un gros moteur et avoir le volume nécessaire pour aller au bout
Est-ce que le climat joue un rôle important selon toi?
Personnellement, je n’ai pas trouvé qu’il faisait chaud, moins qu’à Genève par exemple, mais pour les moins habitués c’est un paramètre important qu’il faut savoir gérer pendant, mais aussi avant la course.
Durant la natation, tu te fais piéger et perds par ce fait l’opportunité de partir avec le groupe de tête. Peux-tu nous décrire comme cela se passe ? Le parcours semble particulier avec sa première bouée à 500m et son demi-tour en boucle sur 500m?
Je prends un bon départ avec beaucoup de très bons nageurs sur ma gauche, mais sur la 1ere bouée, nous passons à une dizaine d’athlètes en 2e rideau et au lieu d’avancer, nous luttons chacun les uns contre les autres. Je crois que l’écart se fait là. Les vagues rendent difficiles toutes perspectives d’écart, il devient difficile de rester dans l’allure de gros nageurs.
Et le vélo? Est-ce que l’entente est bonne tout de même? Ou tu finis tout simplement par attendre ton heure?
Le groupe se forme assez rapidement, l’écart grimpe vite à 30 secondes. Nous sommes trop nombreux pour maintenir une allure régulière. La bosse se faisait très vite, mais dès la descente, l’allure s’essoufflait. L’ascendant psychologique a vite basculé en faveur des échappés et malgré les chutes, cela s’est terminé à près d’une minute et 45 secondes.
En course à pied, tu sembles rapidement trouver tes sensations, on a l’impression que c’est surtout dans le dernier tour au ton retour impossible se concrétise?
J’ai eu un départ très poussif sur cette dernière épreuve. Je me suis retrouvé dans les 2 chutes à T2 avec Justus puis un mexicain et cela m’a fait partir entre la 40e et la 50e place, très loin du groupe de chasse, à plus de 10 secondes. Je suis donc parti à mon allure sans me soucier des autres et de la qualification. À ce moment-là, cela me paraissait irréalisable. Je suis resté concentré sur moi même, sur ma foulée à gérer mon effort et progressivement, je suis revenu dans le coup…20e au 1er tour, 14e à mi-chemin et 10e à l’abord du dernier tour avec un écart qui se réduisait considérablement.
Je n’ai pas laissé passer ma chance d’aller chercher ce top 6 en attaquant dans le dernier 500 et doublant respectivement, les 2 Polyanski, Mola, Brownlee et Royle. Je n’ai rien lâché et cru jusqu’au bout à mon rêve de qualification, qui je dois le dire, était bien mal embarqué.
Cette 4e place ne te garantit pas la sélection puisqu’il est encore possible de remplir le critère à Chicago. Est-ce que cela signifie que tu dois encore défendre ta place à la Grande Finale?
Seul Vincent Luis réalise le 1er critère, alors il faudra attendre la grande finale pour s’assurer le dossard dès cette année. Je serai de la partie et j’aurai donc mon mot à dire. Cela dit, je préfère être dans ma situation! On ne m’enlèvera pas ce résultat brésilien. Cela va m’apporter beaucoup de confiance et de sérénité pour l’avenir. C’est un avantage certain.
Évidemment, avec ce résultat, le devoir est accompli, mais on a tout de même l’impression que tu peux aspirer a mieux.
Je reviens d’assez loin et il n’y a pas si longtemps je me demandais ce que je faisais là. Ma saison était clairement axée sur ce rendez-vous, je suis monté en pression tout Juin-Juillet. Je sais me préparer pour la course d’un jour et être là le Jour J. je n’avais aucun doute quant à ma possibilité de me qualifier dès cette année. L’année prochaine sera différente, car seules les 3 premières places seront importantes. Il me reste 1 an pour travailler comme on doit le faire. Je me contente de cela aujourd’hui et le savoure amplement, je serai au rendez-vous l’année prochaine.
Est-ce que tu penses qu’aux JOs, la dynamique de course pourrait être très différente?
La donne sera forcement différente, car il y aura 20 athlètes en moins et de par la représentativité des pays encore 10/15 athlètes se contenteront d’être là alors il y aura plus d’espace et pourquoi pas plus de petits groupes pour faire le spectacle, mais qu’on se le dise les meilleurs seront devants et imprégneront un rythme d’enfer. On a vu que pour intégrer le top 10, cela demande force et expérience. Cela risque d’être encore le cas l’année prochaine.
Quelle est la suite pour toi?
Mon programme, on commence par un retour à la Réunion pour participer aux Jeux des Iles de l’océan Indien sur le 5000 piste jeudi soir. Ensuite quelques jours de repos en famille avant de rentrer pour le Gp d’Embrun et la WTS de Stockholm. Et puis un dernier petit stage pour préparer la finale de Chicago pour finir la saison sur le Gp de Nice.
voilà! Saut, je dois embarquer!