On oublie fréquemment les mandats des fédérations sportives. À force de croire que leur développement passe forcément par le succès de ces élites, on passe à coté de leurs véritables missions. D’ailleurs dans une société qui a vu son taux d’obèse chez les jeunes doubler en trente ans (13%), Triathlon Québec a décidé de devenir un acteur pour contrer ce phénomène. Pour preuve, pas moins de 15 000 élèves ont pu prendre part à un triathlon scolaire cette année.
On s’est entretenu avec Benoit-Hugo St-Pierre, président de Triathlon Québec pour en savoir plus sur le développement de notre sport dans la belle province.
L’arrivée d’Ironman au Québec a vraiment changé la donne, non?
En effet, il y a eu un excellent timing.
Ironman risquait de monopoliser l’attention, est-ce que l’on peut dire que cela a finalement eu un effet positif sur les autres organisations?
On peut le voir de l’ordre du risque, mais j’aime toujours mieux voir les choses de l’ordre des opportunités…une occasion incroyable de faire connaître notre sport et de positionner le Québec comme un leader. Connaissant Dominic Piché depuis quelques années, je savais qu’il développerait un évènement de grande qualité. Nous devions dès le départ être complémentaires dans nos stratégies de développement. Nous l’avons tout de suite invité avec Marc Roy à notre rencontre de réflexion annuelle en 2010 pour croiser celles-ci. C’est à ce moment que nous avons décidé d’investir les revenus générés par les évènements de Mont-Tremblant dans les sphères initiation et récréation de Triathlon Québec; un maillon plus faible à l’époque. Nous avons embauché une ressource de coordination (Isabelle Creusot) pour assurer le développement et la qualité du programme scolaire, en collaboration avec MERRELL, en plus que de rehausser la notoriété et soutenir la qualité des plus petits évènements qui sont des incontournables pour initier les nouveaux adeptes. C’est à ce moment qu’est née la série « D3couverte » qui a même un excellent potentiel de tourisme sportif pour les régions plus éloignées (Gaspésie, Charlevoix, Côte-Nord, etc.).
Sur Trimes, j’ai déjà exprimé mes craintes que la clientèle d’ironman fasse de l’ombre à la jeunesse. L’image véhiculée par les ironmans n’est pas toujours invitante… en contrepartie, triathlon Québec s’est lancé dans le triathlon scolaire, peux-tu nous parler de ce projet?
Je peux comprendre et respecte les craintes de TRIMES face à Ironman, mais on peut aussi le voir comme un levier pour développer la jeunesse. L’Ironman est un des défis ultimes qu’offre notre sport, tout comme les Jeux olympiques peuvent l’être. Ce type d’organisation (Ironman/CIO) s’occupe de vendre le rêve.
Notre travail est de véhiculer des messages et offrir un environnement de qualité pour que les jeunes savourent chaque moment du processus qui leur permettra de vivre le rêve qu’ils auront choisi.
Malheureusement, trop de jeunes au Québec abandonnent le sport parce que le processus est trop spécifique. « Ce n’est pas en tirant sur une carotte qu’elle poussera plus vite, mais en prenant bien soin de répondre à ces besoins au bon moment de sa croissance ». Le programme scolaire que nous offrons depuis quelques années est dans le but d’amener les jeunes à simplement s’impliquer dans un processus pour réaliser un défi… un défi qui leur fera comprendre que le «TRI est un défi pour la vie». Nager, faire du vélo, courir, faire de la raquette, patiner, skier sont des sports de locomotion que tout le monde a déjà ou peut pratiquer dans son quotidien. Le triathlon ou autres enchaînement sont les défis qui poussent les gens, ici les jeunes, à se mettre en action pour le reste de leur vie. Par la suite, les champions sont faciles à identifier, ils ont toujours faim et courent après la carotte. (rire)
J’imagine que vous êtes très fier de ce projet…
Fier, oui, de voir maintenant 15 000 jeunes franchir le fil d’arrivée en 2015…mais il reste encore beaucoup de travail à faire. Je suis surtout très fier d’avoir convaincu Christian Triquet d’embarquer dans cette aventure en 2005 en lui disant… Le slogan de votre compagnie colle à la vision que j’ai d’un programme scolaire en triathlon « LET’S GO OUTSIDE » de là est né, un partenariat de valeur depuis maintenant presque 10 ans. Maintenant, « VIVRE À FOND » me parle autant et je ne remercierai jamais assez Christian qui est maintenant un ami.
As-tu l’impression que cela a changé la perception des jeunes face à ce sport ? Je fais peut-être une généralité, mais pouvons-nous attendre à voir des jeunes arriver dans le sport sans que le parent soit déjà triathlète?
Je crois que les jeunes voient, tout simplement, que c’est possible de réussir un défi adapté à leurs besoins et capacités. Je crois qu’il n’y a pas un parent qui peut rester indifférent face à leur enfant qui a réussi un triathlon. C’est à ce moment, que je crois bien humblement, qu’une zone influence vers une mise en action s’installe…
Tu as récemment fait ton propre challenge, le défi pour la vie, peux-tu nous parler?
Ce Défi est justement pour me permettre de communiquer ce que notre sport a le potentiel de générer comme retombé chez les jeunes si nous leur permettons de franchir le fil d’arrivée. Ce Défi n’est vraiment pas pour me mettre à l’avant-scène, mais s’adresse plus spécifiquement à tous ceux et celles qui ont déjà franchi ce fameux fil d’arrivée. De plus, nous avons la chance d’avoir accès à un levier financier du gouvernement du Québec (Placement sport) qui multiplie chaque don de plus de 25$ de 240%. Chaque don est directement investi dans notre programme scolaire pour permettre à de plus en plus de jeunes de franchir le fil d’arrivée et d’entrée dans un processus de mise en action et ainsi développer et maintenir de saines habitudes de vie et peut-être, s’il le désire avoir accès à un environnement de qualité qui lui permettra d’atteindre leurs rêves…
Tu travailles justement à Québec en Forme, j’imagine que la cause est d’autant plus importante pour toi, est-ce qu’il y a vraiment des raisons de s’inquiéter?
J’aimerais ne pas être alarmiste, mais oui, il y a lieu de s’inquiéter! « Le Bulletin de l’activité physique chez les jeunes de ParticipACTION aborde la thématique du jeu libre extérieur dans son édition 2015. Les constats qui en sont tirés sont pour le moins alarmants. Seulement 9 % des jeunes Canadiens âgés de 5 à 17 ans font les 60 minutes d’activité physique intense dont ils ont besoin chaque jour (Note globale de D-). Chez les 5 à 11 ans, uniquement 14 % satisfont les recommandations. Pour les 12 à 17 ans, le pourcentage chute à 5 %. » Source : Blogue Québec en Forme. Une des solutions est d’augmenter le temps de jeux extérieur. Je crois que les sports que nous proposons dans notre boîte à outils en triathlon dans notre programme scolaire vont en ce sens, et ce 365 jours par année, car il s’agit bien d’habitudes de vie De plus, comme adulte, comme parent, il faut être des modèles pour eux…voilà une autre raison qui m’a poussé à faire le défi entre Gaspé et Tremblant. Comme dirait mon ami Pierre Lavoie, il faut arrêter de parler et il faut agir…et je suis un gars d’action. (rire)
Le plus étonnant dans tout cela est que le gouvernement provincial ne semble pas très actif. Sachant que les fédérations devraient se faire imposer une réduction dans leur budget…
Encore une fois, il y a des risques et des enjeux, mais il faut saisir les opportunités et c’est ce que nous tentons de faire en innovant le plus possible avec ce qui est disponible.
Il existe tout de même le programme du gouvernement du Québec qui bonifie les dons… Si je comprends bien, c’est un peu idiot de ne pas donner.
Il n’y a personne d’idiot. Les gens sont sollicités de partout et je peux comprendre qu’ils hésitent ou ne donnent pas, mais je crois qu’ils passent à côté de quelque chose qui peut générer beaucoup pour la santé et le développement des jeunes. Je peux leur assurer qu’ils peuvent compter sur une équipe dynamique à TQ pour livrer la marchandise.
Ces dernières années, la fédération semble avoir accéléré son développement, non?
Je suis impliqué à la fédération depuis les années 2000 (environ 15 ans, avec une petite pause en 2009) et je peux t’avouer que ça n’a jamais été aussi excitant que présentement. Il y a un bon momentum et nous avons une équipe engagée qui fait un excellent travail. Nous avons une équipe extraordinaire.
Note : Triathlon Québec a été élue fédération de l’année en 2014
Question que je ne t’ai jamais vraiment posée, peux-tu rapidement nous expliquer comment tu es devenu président de triathlon Québec?
Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai débuté mon implication en 2000 comme administrateur au CA au développement des jeunes. J’étais sortant du Baccalauréat en EPS et je venais de fonder le club TRIMÉGO de Trois-Rivières. C’est à partir de ce moment que j’ai créé le tout premier sport-études au Canada qui est devenu le premier centre régional d’entraînement reconnu par TRICAN et TQ en 2004. Il y avait 18 athlètes juniors permanents d’un peu partout au Québec qui s’y entraînait annuellement. L’objectif n’étant pas d’obliger les athlètes à venir à Trois-Rivières. Nous avons développé une programmation annuelle de camps et services pour les athlètes et entraîneurs de l’équipe du Québec, maintenant coordonnées par Francis Sarrasin-Larochelle qui était un athlète à ce moment, et ce, pour mobiliser les gens impliqués dans l’excellence. Comme je te l’ai déjà dit, j’ai encore les premiers temps d’Amélie (Kretz – gagnante d’une coupe du monde ITU en membre de l’équipe canadienne) et Alexis (Lepage – Top 10 mondial U23 en 2014, membre de l’équipe canadienne) sur leur premier test de 1000m sur la track à 12-13 ans, par la suite, la naissance de mes jumelles a changé beaucoup de chose en 2007, je trouvais très difficile de quitter la maison pour l’étranger et les projets se multipliaient avec le Québec, mais aussi avec TRiCAN et une double tâche à la direction générale de TQ par intérim… j’en avais plein les souliers… En 2009, j’ai eu une offre de Québec en Forme qui me permettait d’être plus à la maison et d’avoir une vie plus équilibrée. C’est à ce moment que j’ai pris une pause de quelques mois de triathlon. C’est en novembre 2010, que Lucie Roy m’a invité à diner pour me demander de prendre la présidence par intérim, car elle devait quitter pour le développement du nouveau centre aquatique à Drummondville. Après réflexion, j’ai dit oui, mais avec la vision que notre sport passe à un autre niveau …;-)
On l’a oublié, mais il y a déjà eu un âge d’or pour le triathlon québécois, entre les coupes du monde à Drummondvllle et même les championnats du monde ITU à Montréal… je me demande souvent ou ces gens sont passés…
Ils sont là pour la plupart ou pas très loin, mais toujours actifs. Les organisateurs de course sont toujours là (Danny à Montréal et Lucie est encore bénévole à Drummondville). Pour les coachs, Charles couturier est maintenant à UdeM et sur le CA de TQ, Alain Deraspe développe le X-TERRA et est toujours impliqué comme entraîneur personnel, Alex Sereno s’implique sur les camps de l’Équipe du Québec, Alain Labarre et Philippe Bertrand sont toujours actif, mais présents différemment et beaucoup d’autres que j’oublie sont toujours actifs dans d’autres sports d’endurances. Au niveau des athlètes, Charles Perreault, Isabelle Gagnon (ma conjointe), et Annie Gervais sont des irréductibles. Kathy Tremblay qui fait un retour en course à pied. Sébastien Laflamme garde la forme avec sa famille comme médecin en Australie et je vois toujours Jocelyn Gascon-Giroux annuellement au triathlon de Verdun, ainsi qu’un gars comme Mathieu Dubé qui fait encore des PB sur demi-marathon.
Dans les plus jeunes, Mathieu Bilodeau est qualifié pour Rio au 50km marche olympique et Marianne Hogan a été la vedette du cross country sur la côte ouest Américaine des 5 dernières années pour San Diego University. J’en oublie beaucoup, mais je suis en contact avec plusieurs et ce qui est plaisant de voir c’est qu’ils sont tous de beaux modèles pour la société québécoise et leur famille (toujours actif et impliqués) je crois que c’est le profil du triathlète Ça va prendre des retrouvailles bientôt!
Moi, je me rappelle surtout que quand Trimes a commencé, on adorait tirer sur la fédération québécoise (rire)… et je dois avouer que vous avez toujours répondu présent.
Mais je crois que tu as rapidement vu comment on voulait travailler hahahaha!
C’est drôle, mais récemment, je me disais justement qu’on entendait plus les détracteurs de la fédération, est-ce que je me trompe?
Détracteurs… Je n’en connais pas! (rire)
Durant ces dernières années, on a aussi vu l’émergence d’une nouvelle génération chez les élites, comment expliques-tu cela?
Je crois que cette nouvelle génération est le fruit du travail de tous, surtout les entraîneurs et les clubs, qui ont accepté de travailler ensemble pour mettre en place un environnement de performance qui répond aux besoins des athlètes où ils sont rendus dans leur développement. Je suis très fier des performances de nos athlètes et du travail accompli. Nous les soutenons du mieux que nous pouvons, mais je suis conscient qu’il y a encore beaucoup de travail à faire. Nous sommes sur la bonne voie et d’ici 2020 cet environnement ne fera que s’améliorer!
À quoi doit-on espérer pour le futur de triathlon Québec?
Une version 4.0…;-) …pour inspirer les gens à la pratique et jouer un rôle de leader et de référence dans le milieu du sport!
Est-ce que tu voudrais ajouter quelques choses?
Merci de donner, car le TRI, c’est un DÉFI POUR LA VIE!!
Pour en savoir plus sur le programme un défi pour la vie ou faire un don, rendez-vous ici.