Depuis quelques années, la France a pris la bonne habitude de squatter le podium des championnats junior de triathlon. Cette saison, c’est Léo Bergère qui est allé chercher une medaille de Bronze. L’héritier d’un nouveau savoir faire? On s’est entretenu avec lui pour faire le point de son bilan sur cette année et de ces changements pour la suite.
2015 a été une saison particulière pour toi…
J’ai beaucoup appris de ma saison 2015. Je suis maintenant plus à l’écoute de mon corps et je n’hésite pas à prendre du repos quand il le faut. J’ai effectivement été embêté au cours du mois de février dernier au tendon d’Achille et je n’ai pas pris le temps de le soigner ce qui m’a coûté le début de saison. J’ai pu arriver bien préparé sur le premier objectif à Genève et poursuivre normalement la suite de la saison.
Après ton virus durant les championnats du monde junior à Edmonton (2014), j’imagine que l’enchainement des malchances a commencé à peser.
Ça a été une grande frustration de ne pas pouvoir courir à mon niveau sur l’objectif de l’année. Mais je savais où j’en étais à l’entrainement et sur les compétitions tout au long de la saison donc mon état d’esprit est resté le même.
Dans cet apprentissage avec les titres en junior de Dorian Coninx (2013) et de Raphael Montoya (2014), j’imagine que cela a un impact sur ton développement, je veux dire par cela que ça vient logiquement mettre les attentes plus hautes…
Évidemment avec Raphaël, Dorian et même Simon en 2013 on savait que les Français étaient attendus sur la boîte, mais ça ne rajoute pas de pression supplémentaire. Bizarrement, c’est une des courses où j’ai été le moins stressé avant le départ, sûrement parce que j’avais vraiment confiance en moi ce jour-là.
Dans la dernière saison junior, c’est aussi une transition…
Un junior 2e année devrait être capable de passer des distance olympique correcte et ça passe par plus de volume à l’entrainement, mais ça s’est fait dans la continuité de l’année précédente.
Lors des championnats de France, tu te feras doubler dans les derniers mètres par Maxime Hueber, il sera auteur d’un très gros retour à pied. Tu avais pourtant animé la course dans les 2 premières disciplines. Cela laisse une trace, non?
On joue au chat et à la souris avec Maxime depuis qu’on est minime. Tant mieux si la course s’est jouée à peu de choses, on a dû tous les deux s’arracher jusqu’à la ligne. Je me suis fait plaisir sur cette course en prenant plus de risque que d’habitude avec une attitude offensive. Je pense que c’est cette attitude qui m’a permis de faire une médaille à Chicago.
On le dit souvent, il y a l’effet Grand Prix et en plus, dans ton cas, il y a eu les Jeux européens…
Oui, ma première année de Grand Prix avec Saint Jean de Mont m’a permis de prendre part à des courses à grosse densité sans la pression qu’on peut avoir sur une course itu. J’ai surtout fait le plein de confiance à Dunkerque et à Quiberon en validant deux bonnes courses à pied. Les Jeux européens ont été plutôt réussis dans l’ensemble même si je m’en veux toujours de ne pas avoir pris le bon wagon à vélo.
Généralement, le passage en élite est souvent compliqué pour les juniors puisque l’athlète ne peut plus cacher une faiblesse, tu sembles déjà être soucieux d’avoir un profil d’athlète complet.
Oui, mais j’ai une vraie progression à avoir en natation pour pouvoir »jouer » cette année. Ensuite, mon niveau vélo est suffisant pour ne pas subir une course élite même si l’écart avec les meilleurs est encore important. J’ai bien passé les premières courses à pied sur distance olympique, mais il faudra courir mieux que ça l’an prochain. En clair pas de grosses faiblesses, mais un niveau global à élever pour pouvoir passer la marche en sortant de la catégorie junior
Chicago était sans conteste ton objectif de l’année. Après l’orage, l’organisation a transformé la course en duathlon, vu les circonstances… tu te disais…
On est resté un moment sans savoir ce qu’il allait se passer. Je me suis dit que dans tous les cas cela restait le Championnat du monde et que l’objectif restait le même, simplement que la manière d’y parvenir allait peut être être différente de ce que j’avais prévu.
Tu finiras finalement 3e avec un scénario différent, pour une fois tu n’es plus chassé, mais tu seras celui qui fera la remonté. J’imagine que tu es très satisfait de ce résultat?
J’ai géré ma course correctement sans faire d’effort inutile sur la première càp avant de mettre le rythme dès le début du vélo pour écrémer le groupe. Le parcours étant glissant et sinueux je savais que certains chuteraient ou perdraient le contact du groupe dans les virages si on mettait la pression devant. À la pose du vélo, tout le monde était bien entamé physiquement et on a retrouvé à l’avant ceux qui avaient subi le moins le vélo. J’ai pris un risque en attaquant à plus d’un kilomètre de la ligne et j’ai été trop juste. Je suis vraiment heureux d’avoir pu aller chercher une médaille sur un championnat du monde junior, mais j’ai quand même le regret d’être sorti de ma course environ 300m avant l’arrivée en pensant à la victoire, je me suis déconcentré et c’est à ce moment que j’ai flanché. Ça n’aurait probablement rien changé au résultat final, mais ç’a été ma grosse erreur de la course.
Malheureusement, le passage en duathlon modifie un peu la donne, l’actuel champion du monde brésilien n’est pas reconnu comme un excellent nageur. As-tu l’impression d’avoir une médaille avec un astérisque?
Oui, ça fausse un peu le classement, mais je pense être à ma place sur ce championnat. De toute façon, même avec la natation la course aurait suivi la même dynamique avec un vélo très usant et une course à pied avec ce qu’il reste. Je pense que les mêmes auraient été devant à peu de chose près.
Crédit > Tomek Charkiewicz Après la course, tu confirmeras ton départ de Boulouris pour rejoindre le groupe de Raphael Mailharou avec Dorian Coninx et Margot Garabedian. Peux-tu nous parler les raisons de ce choix?
J’ai effectivement décidé de rejoindre le groupe de Raphaël Mailharrou sur Échirolles après 3ans passés au Pôle de Boulouris. J’ai bien évolué en trois ans et je dois mes progrès à un encadrement de qualité au sein de la structure. J’ai aussi pu passer mon bac dans de bonnes conditions grâce aux aménagements scolaires du CREPS. Malheureusement, je ne trouvais plus mon équilibre social lors de ma première année en STAPS à Nice en étant éloigné de la fac. En m’installant sur Échirolles je me suis rapproché de mes parents qui sont à moins d’une heure. Je savais aussi qu’avec Raphaël, Margot, Dorian et le reste du groupe on travaillait dans la même direction. Les changements sont nombreux avec un climat différent notamment, j’ai eu besoin d’une période pour prendre mes repères, mais jusqu’à présent je ne regrette pas mon choix.
Raphael a une philosophie d’entrainement basé sur le volume, est-ce que c’est aussi le cas avec toi?
Raphaël a cette réputation, les semaines sont usantes, mais c’est un passage obligatoire pour accéder au niveau supérieur. Son entrainement est en permanence adapté en fonction du dialogue qu’il a avec nous, les échanges sont nombreux et même si je ne communique pas encore assez je prends conscience de l’importance que cela peut avoir.
Qu’elle est ton interaction avec Dorian, est-ce qu’il fait office de modèle pour toi?
Quand j’ai pensé à rejoindre le groupe l’an dernier, Dorian a été le premier à qui j’en ai parlé, car même si on n’est pas en concurrence direct je voulais m’assurer que ça ne lui posait pas de problème. Il m’a très bien accueilli et je pense qu’on y trouve tous les deux notre compte. En plus, on est dans le même groupe à la fac ce qui nous rend (un peu plus) sérieux dans le travail scolaire. De son côté, il partage son expérience du haut niveau comme le faisait Aurélien à Boulouris et ça ne me fait que progresser.
L’ITU devenant de plus en plus compétitif, l’athlète doit rapidement faire des choix tôt dans sa carrière, comment cela se passe pour toi, est-ce que tu réussis à concilier études et sport?
J’ai passé ma première année en STAPS à Nice en allant en cours une matinée par semaine. Ça ne m’a pas convenu d’avoir aussi peu de présence en cours. Cette année je passe ma L2 en deux ans en allant en cours trois fois par semaine. Les moments avec d’autres personnes extérieures aux triathlons me paraissent importants. Pour l’instant j’arrive à m’entraîner comme je le veux sans être gêné par les cours, peut être que je mettrai mes études entre parenthèses à la fin de ma licence si je vois que les deux ne sont plus compatibles.
2016 sera ta première année en U23. Est-ce que tu t’es déjà fixé des objectifs précis? Quel aspect considères-tu que tu dois le plus travailler?
Cette année je veux en priorité combler mes lacunes dans l’eau, et poursuivre ma progression en vélo et en course à pied. Les résultats viendront logiquement si j’ai rempli ces objectifs. Je place les mondes u23 en objectif n°1.
As-tu l’impression d’être encore très loin des meilleures élites?
J’ai des lacunes en natation qui m’ont me pénaliseront si je ne progresse pas. Ensuite, mon niveau à pied est encore loin de ce que font les élites, mais la progression suit son cours. Les étapes qui me séparent des meilleures élites sont encore nombreuses et je préfère les prendre une par une. La route est encore longue, mais tellement excitante !
Que devons-nous te souhaiter pour les prochaines années?
De la réussite bien sûr, mais aussi d’être toujours aussi bien entouré pour me permettre de faire ce que j’aime. J’en profite d’ailleurs pour remercier les personnes qui m’accompagnent au quotient pour me mettre dans les meilleures conditions possible. (Mention spéciale à mes parents!) Merci aussi à Trimes de m’avoir donné la parole, et de me faire passer quelques séances de home-trainer grâce à vos articles!