Sur les médias sociaux, de nombreux athlètes soulignent le fait qu’ils sont récipiendaires du programme d’Ironman AWA (All World Athletes ), dans le cas de Quentin Kurc Boucau, il ne s’est pas contenté d’une couleur, mais bien de gagner son groupe d’âge (25-29). Trimes s’est entretenu avec lui pour en savoir plus sur son cheminement et de sa prise de risque pour en arriver là.
D’après ce que j’ai compris, tu as expérimenté une année avec un aménagement spécial…
En effet, depuis la fin de mes études, je travaille dans l’aéronautique, au sein de la société Snecma (Groupe SAFRAN). Je suis technicien responsable d’essai sur les moteurs civils en développement.
Très rapidement, ma hiérarchie a cru en mon projet sportif et m’a soutenu. Tout d’abord financièrement, en finançant entièrement ma saison 2014 (vélo, vêtements, nutrition, inscriptions, frais de déplacement). En début d’année dernière, j’ai demandé un temps partiel pour ne travailler que 2 ou 3 jours par semaine. Au même moment, mon entreprise a eu un surcroît d’activité et a décidé de mettre en place des équipes de travail pendant le week-end. J’ai donc accepté, en novembre 2014, de travailler le samedi et le dimanche pendant 1 an et 4 mois.
Mais cela sonne comme un cadeau empoisonné, parce que paradoxalement, cela pousse l’athlète à faire des sacrifices énormes sur sa vie sociale et son couple…
C’est la contrepartie…Ma femme et moi sommes jeunes mariés et nous apprécions passer du temps ensemble, bien plus que « de faire » du triathlon. Elle a un travail très prenant, cela signifiait donc de « ne pas ou peu » se voir pendant cette période.
C’est la même chose pour mon cercle d’amis. La semaine, je partais régulièrement en stage à Nice (où les équipes du Triathlon Store Nice m’accueillent toujours avec le sourire) ou vers Pierrelatte sur les terres d’Yvan Jarrige!
C’est vite fait: la semaine tu fais du tri et le week-end… tu bosses!
Ironiquement, cette liberté a du générer un autre type de stress, je veux dire par là, qu’avec tous ces sacrifices, les attentes sont plus hautes, tu ne veux pas faire tout cela pour rien…
J’étais certain que je ne subirais pas ce stress…et pourtant, ce fut l’inverse qui se produit. En décembre, après deux mois de pratique à temps plein, j’ai commencé à avoir de grosses difficultés à m’entraîner. Je n’arrivais pas à encaisser l’intensité et le volume, avec même des jours où il m’était impossible de sortir du lit. Au final, j’ai eu des ulcères partout dans l’estomac et l’oesophage, ce qui, à 26 ans, pour un mec qui ne boit pas et ne fume pas, est plutôt bizarre… C’était totalement dû au stress.
Sur un point physiologique, quelles leçons en tires-tu?
La première c’est qu’il est primordial d’avoir un coach pour avoir un tel projet lorsque l’on ne vient pas d’un milieu sportif.
J’ai tiré énormément de leçons, car nous avons dû prendre en compte beaucoup d’aspects pour mettre toutes les chances de mon côté. L’alimentation, le repos, la récupération : ce sont des données importantes, trop souvent négligées, et elles permettent de faire la différence.
En ce qui concerne le volume, je n’ai jamais fait de semaines à 40h de sport, mais la moyenne haute se situait aux alentours de 25/28 heures avec des semaines de régénération à 12/17 heures. Nous travaillions sur des semaines de 5 jours avec 2 jours de repos (samedi et dimanche). J’ai pu me rendre compte à quel point le repos faisait partie intégrante de l’entraînement, c’était même devenu une discipline supplémentaire souvent partagée avec le « geekage ».
Cette expérience était tout de même un choix, alors, pourquoi ne pas donner suite?
C’était une expérience d’un an qui m’a permis d’apprendre énormément sur ce dont j’étais capable. Il faut juste se préparer à « en chier » et ne pas voir ça comme : « génial, je quitte mon boulot, j’ai un an pour me marrer ». C’est tout sauf ça ! Tu souffres, tu te lèves tous les matins avec les jambes en béton, tu pleures, tu te sens nul parce que tes chiffres sont moins bien que ceux de l’an dernier.
Je ne veux pas continuer, car ce n’est pas ma vie, je n’aime pas ça. J’ai repris le travail il y a 4 jours en semaine et franchement je suis heureux.
Est-ce que cela a changé ta perception sur la carrière d’un pro?
Complètement. Ils sont tous dingues! Franchement, depuis cette saison, j’ai encore plus de respect pour les pros de notre sport. Les mecs retournent au charbon chaque année pour se mettre dans des états inimaginables et tenter de « perfer », tout en sachant que la situation des pros est toujours précaire.
Tu as d’ailleurs gagné le All World Athlète (AWA) Ironman dans ton groupe d’âge, qu’est-ce que cela fait parce que pour certains, c’est le rêve d’une vie…
Je suis très partagé sur ce sujet. Car ne pas reconnaitre ce titre aux yeux de beaucoup peut passer pour de la fausse modestie et, d’une certaine façon, il faut savoir accepter la fierté des autres. Donc gagner le AWA Ironman ne me fait pas grand-chose, si j’avais gagné ma catégorie à Hawaii, il n’aurait certainement pas eu la même saveur.
Mais toi, quel bilan fais-tu sur cette saison? As-tu des regrets sur Kona ?
J’ai passé un cap énorme dans les trois disciplines. De plus, mentalement, plus beaucoup de séances ne me font peur.
Sur le plan des résultats, j’ai participé à trois courses qualificatives : j’ai obtenu le slot pour Hawaii sur les trois courses, avec souvent des gros temps vélo.
Sur le plan humain, j’ai partagé beaucoup de bons moments avec mes sparing-partners : Vincent, Jo, Yvan, Yann…
À Kona, je ne fais pas la course espérée, c’est aussi la loi de l’Ironman. Tu peux arriver prêt comme jamais avec le meilleur matos au monde et passer à côté de la course. Comparativement, je fais une bien meilleure course en Afrique du Sud où je valide un marathon à mon niveau.
Avec un peu plus de recul sur ma préparation et après analyse avec mon coach, je sais aussi maintenant les petites erreurs dans ma préparation qui n’ont pas aidé à arriver dans un état propice pour faire une course à pied pleine là bas. Notamment, enchaîner 3 IM (AFS/ Franckfort / Hawaii) en un peu plus de 6 mois n’est pas évident, et on a surement pris un peu trop de risques au mois d’août à l’entraînement.
Mais tu es reconnu pour ton tempérament fonceur à vélo… Il en reste qu’un temps rapide à vélo se concrétise uniquement si tu cours derrière, non? Est-ce que des fois tu regrettes d’en donner autant à vélo, ou cela reste ta philosophie ?
Être solide à vélo c’est vraiment ce que j’aime, pas d’explication particulière juste : je trouve ça excitant.
Et puis je n’ai vraiment pas l’impression d’en donner trop, je fonctionne comme un soldat au combat sous la houlette de Jonathan Tryoen, mon coach, qui connait mon tempérament et mes motivations. Nous travaillons avec les outils type : capteur de puissance, FC et cadence pour optimiser au maximum la partie vélo. Les risques sont mesurés.
Pour terminer second de mon GA à Kona, il suffisait que je valide 3h15 au marathon, ce qui était réalisable.
Et en 2016, cela sera?
Du vélo, encore du vélo. L’objectif sera de dynamiter les courses en appuyant comme un con. J’adore ça !
Ce projet a pu être réalisé grâce au regroupement, Triathlon Store team Pro…
Le soutien du Triathlon Store via le Triathlon Store Team Pro ne peut pas se réduire qu’au soutien « matériel » (j’en profite pour remercier le TRIATHLON STORE et ses équipes Niçoises et Parisiennes, mais aussi Felt, ZeroD, SIDI, Giro, Mavic et Gu), c’est surtout, et essentiellement, un soutien psychologique et amical.
En effet (et bien que ce sport soit un sport individuel), la notion d’équipe et les valeurs qui lient tous les membres du team ont été primordiales dans cette belle aventure qui continue en 2016.
Ainsi, le support amical, sportif et affectif de Nadège, Jo, Vincent, Yann, Arnaud, Yvan, Fred et Alex (et maintenant de Ben et Nick) a été un atout majeur notamment dans les périodes de doutes : définitivement «à dix, ont est plus fort que tout seul » et s’entraîner en équipe est nettement plus kiffant.
À moins que je me trompe, mais la mission semble plus porter sur le récit des expériences et non juste les résultats, non?
La mission du Triathlon Store Team Pro (si on peut parler de « mission », au sens propre du terme), c’est de regrouper des amis au travers de la pratique du triathlon LD et de porter les leaders (qu’ils soient PRO ou GA) sur les plus hautes marches des podiums.
Comme dans tous les sports, la notion de performance prédomine. Toutefois, les valeurs humaines sont indissociables de notre groupe et il n’y a pas de « mercenaires » dans la team. La chasse aux slots devient donc secondaire (même si tout le monde rêve de ce Saint Graal). Pour preuve notre chef de file Alexandre Billard …
Le partage (donc le récit des expériences de chacun), l’amitié, la solidarité, l’abnégation et le dépassement de soi (quels que soient les niveaux des athlètes) prennent le pas sur le reste.