Dans une série d’articles où je « fabriquais » un estimateur de temps Ironman par rapport à son temps 70.3, j’avais conclu que les vitesses les plus probables sur le vélo et la course à pied étaient :
- Rouler 2.52km/h plus lent sur le vélo pendant son Ironman par rapport à son 70.3 (écart de vitesse à vélo).
- Courir 31.7’’/km plus lent sur la course à pied pendant son Ironman par rapport à son 70.3 (écart d’allure de course).
J’avais aussi mentionné qu’un problème sur lequel il fallait se pencher était si ceux qui roulent à la vitesse en question étaient aussi ceux qui courraient à la vitesse la plus probable. Car vu qu’on prend la moyenne des vitesses sur le vélo, et la moyenne des allures en course à pied, il se pourrait que :
- Ceux qui courent à un écart d’allure de 31’7’’/km, ont un écart de vitesse à vélo plus grand que 2.52km/h (vélo prudent).
- Ceux qui ont un écart de vitesse à vélo de 2.52km/h ont un écart d’allure de course plus lent encore que 31.7’’/km.
Bref, le but de cet article est d’essayer de faire un lien entre la vitesse en vélo et la vitesse en course à pied. Cela permettra également de voir à quoi ressemble non pas la vitesse à vélo la plus probable qu’aura un athlète, mais la plus optimale. On va donc parler de stratégie.
Pour commencer, on place les performances des athlètes de mes articles précédents dans un graphe ‘Différence de vitesse vélo IM et 70.3’ versus ‘Différence d’allure de course IM et 70.3’. Pour rappel, je tire ces chiffres des performances des athlètes qui ont fait un Ironman et un 70.3 sur le même parcours la même année (Par exemple, Mt Tremblant, Chattanooga, Barcelone, etc….). On trace ensuite deux délimitations : l’écart de vitesse à vélo supposé idéal, 2.52km/h (ligne rouge), et l’écart d’allure idéal, 31.7’’/km (ligne verte). On a alors 4 zones :
- Ceux qui ont roulé trop vite, et donc couru trop lentement derrière (30.9%).
- Ceux qui ont roulé trop vite, mais tout de même réussi à courir vite (18.5%).
- Ceux qui ont été conservateurs sur le vélo, et donc qui ont pu courir vite derrière (38.4%).
- Ceux qui ont été conservateurs à vélo mais qui n’ont pas couru à leur niveau derrière (22.2%).
Ceux qu’on remarque, c’est qu’on a beaucoup de petits points autours de la ligne verte, donc ce chiffre selon lequel il faut courir son Ironman à une allure de 31.7 secondes du kilomètre plus lente est clairement une ligne de conduite que suivent les meilleurs sur la course à pied. On ne s’attardera pas sur cette valeur-là.
Pour la vitesse à vélo, en revanche, on a très peu de points autours de la ligne rouge. Le spectre des vitesses est aussi très étiré. Autrement, dit, il n’y a aucune ligne de conduite. Là par contre, il y a matière à discuter sur la vitesse à tenir à vélo.
Alors on pourrait faire un peu de statistique et regarder quel pourcentage parmi les trop rapides à vélo ont bien/ mal couru, ou quel pourcentage parmi les vélos conservateurs ont bien/mal couru…. Mais ça ne servirait à rien, car on ne sait pas si le gain fait en vélo est compensé ou pas par la perte en course à pied ou inversement. Il nous faut le gain total « vélo + course » pour voir si la stratégie a payé.
Ce qui est donc plus judicieux, c’est de calculer les gains à vélo en minutes (si l’athlète a roulé plus vite que vitesse 70.3-2.52km/h) ou perte (si l’athlète a roulé moins vite que vitesse 70.3-2.52km/h). Ensuite, on fait la même chose sur la course à pied par rapport à l’allure estimé idéale (allure 70.3 + 31.7’’/km), et on regarde le gain total (vélo + course à pied) de l’athlète.
Dans ce graphe les athlètes sous la ligne rouge sont ceux dont le gain final est inférieur au gain à la fin du vélo, donc qui ont été plus lent sur la course à pied (60.5%). Mais ceux qui ont eu une mauvaise stratégie globale sont ceux qui sont sous l’axe horizontal : gain total négatif (59.3%). Enfin, les 49.4% qui sont à droite ont un gain positif sur le vélo.
En résumé :
Ceux qui ont gagné du temps en vélo… | Ceux qui ont perdu du temps en vélo… | |
…et gagné du temps sur la course et affichent un gain au final. | ZONE 1 : 11.1% | ZONE 4 : 8.6% |
…et gagné du temps sur la course mais affiche une perte au final. | X | ZONE 5 : 19.8% |
…et perdu du temps sur la course et affichent un gain au final. | ZONE 2 : 21% | X |
…et perdu du temps sur la course et affichent une perte au final. | ZONE 3 : 17.3% | ZONE 6 : 22.2% |
Donc maintenant, on peut faire des statistiques intéressantes :
- Si vous allez plus vite que la moyenne (vitesse 70.3 – 2.52km/h) en vélo, vous avez 22.5% de chance de gagner encore du temps à pied, 42.5% de chance de perdre du temps à pied, mais de ne pas perdre l’intégralité de votre gain à vélo. Et 35% de voir votre gain du vélo fondre et d’afficher une perte de temps à l’arrivée. C’est une stratégie gagnante dans 65% des cas.
- Si vous allez moins vite que la moyenne en vélo, vous avez 17% de chance de gagner du temps à pied au point de rattraper votre retard et afficher un gain au final, 39.1% de chance de gagner du temps à pied mais de façon insuffisante pour rattraper le retard. Et 43.9% d’agrandir votre perte de temps commencée à vélo. C’est une stratégie gagnante dans 17% des cas.
Bien entendu, dans chaque cas, la probabilité de gagner du temps ou en perdre sur la course à pied dépend grandement de combien de km/h a été la survitesse à vélo. J’aurais très aimé pouvoir sortir ici un graphe de la probabilité de « péter » en course à pied, ou de courir sans perdre le temps acquis sur le vélo, mais il faudrait pas mal plus de données pour sortir une courbe qui ait de l’allure. Il faudra donc attendre encore quelques années et quelques dizaines de performances de plus.
Mais ce long et compliqué article sert finalement à dire que même si on observe qu’en moyenne, les pros roulent à vitesse 70.3 – 2.52km/h, ceux qui réussissent le mieux au final, compte tenu de la course à pied, roulaient plus vite. Donc clarifions :
- vitesse 70.3 – 2.52km/h est la vitesse la plus probable qu’aura un bon triathlète Ironman, compte tenu des observations empiriques d’un des précédents articles.
- La vitesse la plus optimale est plus rapide, et encore à déterminer.
En guise de conclusion, voilà un dernier graphe qui le gain total au final de l’athlète versus son écart de vitesse 70.3 – vitesse IM. Par exemple, l’athlète sur la flèche rouge a roulé sur son Ironman 1.39km/h plus lentement que sur son 70.3, et cette stratégie lui a fait gagner 29 minutes en vélo + course à pied.
Chose bizarre, les pros qui appuient le plus leur vélo (gauche du graphe) semblent être ceux qui ont la stratégie la plus payante. Chose certaine, rouler plus lentement que vitesse 70.3 – 3.5km/h est trop conservateur et fera perdre trop de temps (droite du graphe).
Ceux sur le haut du graphe (gain de temps au final) ont roulé en moyenne à vitesse 70.3 – 1.82 km/h. Ceux qui affichent au final une perte ont roulé en moyenne à vitesse 70.3 – 3.04 km/h.
La vitesse optimale sur le vélo ne serait donc pas vitesse 70.3 – 2.52 km/h, qui est seulement une moyenne observée, mais plutôt dans le coin de vitesse 70.3 – 1.82 km/h.