Eric Noël se fait trimer > Développer le meilleur circuit de triathlon amateur en Amérique du Nord

Chaque année les circuits de triathlon amateur et élite québécois apportent leurs lots de bonnes surprises : zones de transition façon ITU, contrôle antidopage, courses amateur avec sillonage… L’idée est de faire du circuit québécois le meilleur en Amérique du Nord. Il est déjà très certainement le plus novateur, et derrière ces idées se cache Eric Noël.

Eric, tu es maintenant Responsable technique des sphères compétition et excellence à Triathlon Québec depuis octobre 2012, et lors de ton arrivée on a vu des changements dans les courses québécoises. Peux-tu nous résumer ton rôle et les changements majeurs dont tu as été l’initiateur ?

Mon rôle et mes tâches sont très vastes, mais ça touche majoritairement le côté technique. Je m’occupe de la formation des officiels, de l’application des règlements, de la série Coupe du Québec et tout ce qui s’y rattache (choix des étapes, format, classement, pointage, visuel, etc.).

Je suis aussi en contact permanent avec les organisateurs de course pour offrir la meilleure expérience possible aux participants. Il faut dire que malgré quelques points à améliorer, on a un excellent circuit au Québec. Sur les événements, on voit seulement une petite partie de tout le travail qui est fait. C’est un gros travail d’équipe.

Pour la série Coupe du Québec (circuit amateur par étapes avec classement par point, NDLR), notre but premier était de relever le niveau des compétitions. On voulait que les meilleurs athlètes se retrouvent au départ de toutes les épreuves. Je crois qu’après trois ans, on a réussi ce défi. Pour y arriver, on a mis moins d’étapes et jumelé les distances sprint et olympique pour se rapprocher de ce que l’Union International de Triathlon (ITU) offre comme circuit.

On a aussi mis un peu de prestige avec des espaces réservées aux meneurs dans la zone de transition, du tapis bleu à l’arrivée et des trophées aux trois premiers au classement général, etc. On est tous un peu compétitif, et tout le monde doit pouvoir vivre son défi, que ce soit de remporter l’épreuve ou de traverser le fil d’arrivée.

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À quelles nouveautés peut-on s’attendre en 2016 ?

Cette année on met beaucoup l’accent sur la série D3couverte qui touche les sportifs récréatifs et les nouveaux en triathlon. Ils représentent 80% des participants au total. On vise également à rehausser le service et les avantages aux membres comme par exemple en proposant l’accès gratuit à la plage du parc Jean-Drapeau deux soirs par semaine.

Côté Coupe du Québec, après une grosse année de changements, on stabilise sa structure en y ajoutant tout de même quelques améliorations, comme :

  • Un projet anti-dopage, tant physique que mécanique. Ça fait deux ans qu’on a ce projet dans la mire et c’est cette année qu’on se lance. Il y aura donc une campagne anti-dopage chez les groupes d’âge qui comprendra de la sensibilisation et des tests sur des épreuves de la série Coupe du Québec. Certains vélos seront aussi vérifiés à l’entrée et dans la zone de transition pour prévenir le « dopage mécanique », la nouvelle mode.
  • L’instauration d’une escouade-vélo pour surveiller le sillonnage. On pense à inclure des athlètes dans le processus. Il n’y a personne de mieux placer que les athlètes pour reconnaitre le sillonnage et savoir quand un autre athlète prend avantage. Avoir trois ou quatre personnes de plus à vélo pour surveiller le sillonnage peut faire toute la différence car ils sont beaucoup plus efficaces que les motos. On l’a prouvé sur les événements Ironman Mont-Tremblant l’année dernière.

Il y aussi d’autres belles avancées qui s’en viennent, mais on aime réserver quelques surprises aux lecteurs de Trimes !

Et d’autres changements pour 2017 ?

Si tout se déroule bien, il y aura de gros changements en 2017 au niveau de la Coupe du Québec, qui pourrait même disparaître ou changer de nom. Notre but est de créer la meilleure série en Amérique du Nord. On a encore un peu de travail pour y arriver, mais la qualité de nos événements au Québec est exceptionnelle dans son ensemble.

Un comité regroupant athlètes, entraîneurs et organisateurs sera créé en mars pour échanger sur l’avenir de la Coupe du Québec et de son format futur. Les événements, le classement, les clubs, les lieux, la création de nouveaux événements… il y a énormément de possibilités et de discussions à y avoir.

On aimerait entre autres y ajouter une distance super-sprint en formule demi-finale/finale, une course par étape, d’autres sur distance sprint avec sillonnage et pourquoi pas la création d’un Norseman (Ironman se déroulant en Norvège sur un parcours très difficile dans des conditions très froides, NDLR) québécois. C’est possible.

Bref des idées, on en a. Il faut juste que la communauté du triathlon et les organisateurs embarquent. Le monde du Triathlon est assez petit au Québec, on peut rapidement en faire le tour. Il faut donc savoir se renouveler pour offrir au participant un défi à sa mesure, peu importe son niveau.

Finalement, est ce que le bilan après ces années a été positif, y a-t-il plus de fréquentation dans les courses, ou plus de fréquentation parmi les classes sociales, tranches d’âge ou sexe minoritaires ?

Le bilan de participation pour les événements est très positif. Tous les événements ont connu une nette hausse de participation en 2015 par rapport à 2014. Pour 2016 par contre, il n’y aura pas de hausse significative puisque tous les événements sont presqu’à pleine capacité.

Il faut aussi dire qu’un peu moins de 10% des membres de Triathlon Québec complète la Coupe du Québec annuellement. Au total, 335 membres Triathlon Québec (182 hommes et 153 femmes) ont participé à au moins trois étapes de la série. Ce sont donc 335 athlètes qui ont complété la Coupe du Québec et qui ont eu un classement en 2015.

Au total, ce sont 1520 membres Triathlon Québec (1008 hommes et 512 femmes) qui ont complété au moins une étape de la série Coupe du Québec en 2015. C’est donc 31,7% des membres qui ont complété la Coupe du Québec par rapport à ceux qui ont participé à au moins une étape de la série. On voit qu’il y a encore du chemin à faire du côté de la rétention. Mais c’est déjà tout de même très bon.

Vous pouvez lire cette page pour plus de détails sur ce qui s’en vient pour 2016 : http://triathlonquebec.objectif226.ca/explications-calendrier-coupe-du-quebec-2016/

Étape Événement Région Nombre participants 2015
TRI-1 Joliette Lanaudière 951
TRI-2 Drummondville Centre-du-Québec 1200
TRI-3 Gatineau Outaouais 1200
TRI-4 Magog Estrie 2500
TRI-5 Verdun Lac-St-Louis 1000
DU-1 Victoriaville Centre-du-Québec 908
DU-2 Saint-Lambert Rive-sud 700
DU-3 Terrebonne Lanaudière 600
DU-4 Duchesnay Capitale Nationale 630

Certaines personnes voyaient l’arrivée d’Ironman au Québec comme un élément qui allait développer le triathlon. Mais on voit aussi beaucoup de courses indépendantes dans le monde perdre leur clientèle et s’arrêter. Après quatre ans de présence de la WTC, jugerais tu que Ironman a joué un rôle positif ou négatif sur le triathlon québécois ? Ou est-ce que les athlètes Ironman et les athlètes des courses locales sont deux mondes séparés qui cohabitent ensembles ?

Ironman a joué un rôle positif pour le triathlon au Québec dans son ensemble. Il a fait connaître le triathlon à un plus large public. Malgré ça, Ironman reste une petite partie de notre sport et il faut lui accorder la même place que n’importe quelle autre distance de course. Ça répond à un certain besoin, mais ce n’est pas tout. Ça reste un simple triathlon.

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Au-delà de ton travail à Triathlon Québec, il existe d’autres initiatives de la fédération pour développer le triathlon ou tout simplement la santé au Québec...

Oui en effet, nous mettons beaucoup d’énergie pour faire bouger les jeunes d’âge primaire et secondaire via notre programme des triathlons scolaires. En 2015, c’est plus de 15 000 jeunes qui ont participé à un triathlon ou duathlon scolaire dans leur école. On en est très fiers.

On a de grandes visées pour ce programme dans l’avenir avec l’implantation du projet PR1MO. Il s’agit d’un guide aidant les écoles tant dans l’organisation de l’événement que dans la préparation des jeunes. On offre aussi un soutien complet et sans frais à ces écoles (logistique, matériel, cadeaux pour les jeunes, etc.).

On y croit tellement qu’on vient d’embaucher un coordonnateur dédié exclusivement à la sphère scolaire et à son volet philanthropique. Bref, ça risque de prendre beaucoup d’ampleur dans les années à venir.

Triathlon Québec, c’est aussi un levier pour lancer et supporter l’élite. Il y avait un manque cruel d’athlètes québécois sur la scène ITU ces dernières années. Mais en voyant des jeunes talents partir en Europe et faire leurs débuts prometteurs avec les meilleurs, est-ce qu’on se trompe ou 2015 a été un virage ?

C’est un travail de longue haleine. Mon collègue Francis Sarrasin-Larochelle fait un travail colossal et met en place une structure de développement pour mieux suivre les athlètes dès l’âge de 12 ans. C’est la première fois que Triathlon Québec supporte tant le développement. Il est certain que ça portera fruit dans le futur.

Les courses élites, ce n’est pas qu’en Europe que ça se passe, mais aussi au Québec, avec la formule Grand Prix. Est-ce que l’engouement a été à la hauteur de vos attentes ? On pense notamment à la course de distance olympique qui a été annulée faute d’inscriptions. Y a-t-il un nouveau plan pour former la jeune élite au passage sur la distance olympique ?

On est très satisfait de la série Grand Prix et de son taux de participation. Le but premier était d’offrir aux athlètes juniors et U23 un circuit de compétition qui permet d’acquérir les habiletés techniques et tactiques que l’on retrouve dans les compétitions de niveau supérieur. Les athlètes québécois pouvaient donc participer à des événements de qualité au Québec avec 5000$ en bourse, sans devoir se déplacer dans d’autres provinces. C’est donc mission accomplie. Mais il est sûr que rendus à un certain niveau, les élites doivent s’expatrier. La série Grand Prix leur sert de tremplin et c’est parfait ainsi.

Un problème à court terme sera lors de l’implantation du sillonnage chez les groupes d’âge. Il doit se faire progressivement et sur d’autres événements, pour ne pas cannibaliser la série Grand Prix.

Et d’un autre côté, Montréal a finalement réussi à avoir sa coupe du monde ITU. La lutte a été dure ?

On est très heureux du retour de l’ITU à Montréal ! La dernière fois c’était en 1999, dans le cadre du triathlon Esprit de Montréal. La bataille a été dure oui, mais elle s’est jouée plus au niveau national. Il y a aussi toujours beaucoup de politique dans ce milieu-là.

Il faut dire que le comité organisateur en place est solide et il travaille très fort pour offrir la meilleure expérience possible aux participants. De notre côté, nous ferons tout pour les supporter et les aider à se développer. Suite à la première édition, des améliorations pourront être apportées pour éventuellement devenir une World Triathlon Serie (WTS) en 2017 et pourquoi pas la grande finale en 2018 ou 2019. C’est très possible.

On parle souvent du modèle entraineur-athlète, mais c’est peut être aussi ton cas, car tu as été triathlète dans le passé. Pourquoi une carrière écourtée ? Certains observateurs m’ont confirmé quelques lacunes en natation…

Haha lacunes n’est pas le mot ! Je coulais comme une roche, avec un pince-nez en plus. Je ne me suis jamais entraîné en natation. Ma carrière de triathlète n’a donc duré qu’une seule saison. Le duathlon était plus mon truc. J’ai arrêté la compétition (duathlon et triathlon) lorsque je suis entré en poste chez Triathlon Québec.

Est-ce que cette carrière athlète a influencé ta vision lorsque tu es arrivé à Triathlon Québec ?

Certainement. Je crois que c’est primordial d’avoir la vision de l’athlète quand on souhaite développer une série et un sport. Tout doit tourner autour du participant, donc de l’athlète. Il faut donc être capable de se mettre dans sa peau. L’avoir vécu aide donc énormément pour identifier les besoins, savoir ce qui sera apprécié et détesté. Après, il faut savoir bien s’entourer pour mettre en place les idées pour offrir la meilleure expérience possible aux participants.

Depuis quelques années, tu te consacre à la course à pied avec une progression incroyable. Avec des temps de 2h32 sur marathon et 1h13 sur demi-marathon, on s’imagine que la course à pied est plus qu’un hobby dans ta vie…

La course est intégrée à ma vie comme le triathlon l’est pour plusieurs triathlètes. C’est le seul sport que je peux pratiquer qui ne prend pas trop de temps et mon horaire est très flexible, ce qui aide grandement à la conciliation travail-famille-sport.

Et peu importe les temps, je reste seulement un bon groupe d’âge, rien de plus. C’est important de se le rappeler, il ne faut pas se prendre la tête avec ça. Je suis à des années-lumière des temps olympiques. Je préfère de loin l’entraînement, sur la piste d’athlétisme à enchainer les intervalles en solitaire le matin. Elle est là la satisfaction. Le jour de course, on ne fait que faire ce qu’on a à faire, rien de plus.

J’y vais une année à la fois. Après je verrai. Un jour je reprendrai sûrement le vélo, mais probablement pas la natation !

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crédit photo : Cécile Gladel

En plus de ton travail à Triathlon Québec, tu t’impliques en organisant des courses gratuites (cross) et en gérant un club de course gratuit aussi. Cette vision de partage et de démocratisation du sport est une bouffée d’oxygène. Est-ce que tu essaies de contrecarrer la vision mercantile du sport que certains peuvent avoir ?

Disons que le club les Pélicans a une vision et une philosophie très différente de la « norme » en athlétisme au Québec. C’est un club gratuit et ouvert à tous les niveaux qui organise des séances d’intervalles et de pliométrie dans les parcs du quartier Rosemont, à Montréal, depuis 2010. Avec le temps on a aussi développé d’autres volets comme la piste, le scolaire, le yoga, la méditation et l’essentrics, toujours gratuit. La formule semble bonne puisqu’on rassemble plus d’une centaine de personnes chaque semaine. Mais ce dont je suis le plus fier, c’est le sentiment de communauté que le club a créé dans le quartier.

On organise aussi deux « Classiques rustiques » par année, une course à pied style cross-country où le seul frais d’inscription est un dessin de Pélican. Le but est de laisser sa montre au vestiaire et de courir aux sensations car en cross, il n’y a que ça qui compte. C’est important aussi de faire réaliser qu’on n’est pas obligé de payer 50$ pour courir un 5 km. On peut très bien aller dans un parc et sentir les mêmes sensations.

J’aime beaucoup la simplicité dans le sport, comme le Barklay Marathon, un modèle pour moi : pas de médaille, pas de chandail et pas de tape dans le dos. Les participants payent 1.60$ avec une ancienne plaque d’immatriculation. À cette course, les chances de réussite sont quasiment nulles. Pour avoir un grand succès, il faut que le taux d’échec soit très élevé, voire presqu’inévitable. J’aime cette philosophie. Les seules médailles qui comptent à mes yeux sont celles des olympiques. Je souffre peut-être d’un certain déséquilibre dans ce domaine.

Le triathlète évolue dans un environnement où tout doit être parfait, que ce soit les compétitions ou le matériel. La plupart sont souvent très pénibles exigeants. Est-ce que tu te sens souvent exposé aux critiques dans tes choix ?

Oui très souvent, mais parfois – juste parfois ! – les critiques sont fondées. Chaque changement et décision qu’on prends amène son lot de mécontentement. Je suis moi-même très exigeant donc je comprends très bien certaines critiques et j’en prends toujours bonne note. S’il y a une critique, c’est qu’un besoin n’a pas été comblé et dans chaque critique il y a quelque chose de positif à aller chercher. Mon rôle est d’identifier cette chose et de corriger pour le futur.

Pour finir, on ne peut pas partir sans souligner l’intérêt que garde l’ITU sur le Québec avec l’apparition des triathlons d’hiver. Quel est l’ambition de TQ dans ce domaine ? On voit beaucoup de courses TQ fleurir cet hiver…

Malheureusement on a eu un hiver très difficile côté météo. Plusieurs triathlons d’hiver ont donc été annulés. Malgré tout, on a eu à Québec la seule Coupe du Monde en triathlon d’hiver S3 où j’agissais en tant que délégué technique pour l’ITU. Il faut se rappeler que c’est l’équipe du Pentathlon des neiges et nous qui avons créé ce nouveau format et qui avons écrit les règlements, qui ont été par la suite approuvés par l’ITU. On peut facilement dire que nous avons développé l’expertise et que nous sommes le chef de file mondial dans le domaine.

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Cependant, pour réellement développer ce nouveau format (raquette-patin-ski de fond), il faut qu’il y ait une volonté de tous les acteurs. Tant qu’il n’y aura pas une masse critique de participants, les organisateurs ne seront pas motivés à organiser des événements. Il y a donc un gros questionnement et un énorme travail à faire pour développer l’hiver.

Évidemment notre ambition est qu’un jour, ça devienne un sport aux jeux olympiques d’hiver. Mais avant tout, on aimerait bien que ça devienne un sport amateur pratiqué par le plus grand nombre de personnes, de tous âges, comme le triathlon d’été.

Pour en savoir plus sur le triathlon au Québec, rendez-vous sur le site de la fédération Triathlon Québec : http://www.triathlonquebec.org/

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