Cet article a été initialement publié en octobre 2011.
La natation – Bête noire ou ami réconfortant?
Dans ce merveilleux sport qu’est le triathlon, la natation représente pour certains une bête noire menaçante, pour d’autres un vieil ami réconfortant. Cela dépend en bonne partie de notre expérience passée de la natation. Car contrairement aux sports cyclistes et de la course à pieds, débuter en bas âge en natation est un atout important. Essentiel? Peut-être pas.
Comme entraîneur, je m’intéresse particulièrement à ce phénomène, soit celui de tenter de permettre à des non nageurs d’être le moins possible pénalisés par le fait d’avoir découvert la natation à l’âge adulte. Pour y parvenir, il est important d’identifier les différences qui existent entre le « vrai » et le « faux » nageur. Les différences entre celui qui nage comme un poisson, conséquence d’avoir débuté en bas âge et l’adulte non nageur, qui de son propre chef se compare plus souvent à une roche qu’à un poisson.
Nager vite avant de nager long
Au cours des dernières années, une de ces différences en particulier a su attirer mon attention. Il s’agit de la composante « vitesse pure ». En effet, s’il existe un dénominateur commun à la grande majorité des nageurs ayant débuté en bas âge, au niveau compétitif je veux dire, c’est que la plupart d’entre eux ont appris à nager vite, avant d’apprendre à nager long. En effet, pour ceux parmi vous qui l’ignorent, on enseigne la bonne technique aux petits « bouts de chou » qui font partie d’un club de compétition, mais ensuite on applique cette technique sur des distances courtes, en insistant progressivement sur le rythme, la vitesse.
De même, il est très répandu de commettre des nageurs expérimentés, spécialistes de la longue distance dans des séries de sprints, indépendamment de l’âge ou du niveau. En fait, au risque d’en faire rêver plusieurs parmi vous, à un niveau élite en natation, même les purs sprinters (spécialistes du 50/100m) peuvent facilement réaliser le 1500m en deçà de 20min, et ce, sans vraiment se commettre dans un programme propre aux nageurs de distance. La raison est simple, en natation, il existe une relation très forte, voir quasi linéaire entre les performances sur courte distance et celles sur de plus longues distances.
Fournir des hypothèses pouvant expliquer la force de cette relation va au-delà de l’objectif de cet article. Aussi je me contenterai d’exprimer mathématiquement cette relation. Mais d’abord, voici un brin d’histoire.
Évolution à travers les années du concept SDI
Dans les années 70, un chercheur du nom de Pete Reigel accouchait d’une formule intéressante récupérée quelques années plus tard par le très célèbre coach de course à pieds Jack Daniels, Ph.D. Environ 15ans plus tard, un autre chercheur, bien plus près de nous celui-là, du nom de Jean-Marie de Koninck, Ph.D parvenait à la même conclusion, dans un format amélioré, que l’auteur baptisait le Concept SDI. Exprimée dans sa plus simple expression, cette formule qui vise à faciliter les prédictions de performances va comme suit :
TP = TC * (DTP / DC) ^ FD
TP = Temps à prédire
TC = Temps connu
DTP = Distance pour le temps à prédire
DC = Distance pour le temps connu
FD = Facteur de fatigue
Par exemple, pour parvenir à prédire la performance sur 1900m à partir d’un temps au 100m de 1min16sec, la formule serait appliquée comme suit :
Temps au 1900 = 76 (secondes) * (1900/100) ^ 1.06 = 28min43sec.
En conclusion
En clair, ce que ces travaux impliquent, c’est que plus rapide nous pouvons devenir sur 100m, plus rapide nous pouvons nous attendre à devenir sur de plus longues distances. Les implications pour un triathlète débutant la natation à l’âge adulte sont assez simples : Après avoir acquis une technique décente, on peut récolter de réels bénéfices à passer par le même processus à travers lesquels la plupart des jeunes nageurs sont impliqués, soit celui d’apprendre à nager vite.
Il convient également d’ajouter que le moment de l’année tout désigné pour travailler le sprint en natation c’est pendant l’automne/hiver. En effet, afin de pouvoir se préparer à la spécificité de la nage de longue distance, il est préférable d’allonger les distances et diminuer l’intensité à l’approche de la saison de compétition.
Par Charles G. Couturier, entraîneur en natation et triathlon à l’Université de Montréal
Ref: Reigel Original Concept
http://www.runscore.com/coursemeasurement/Articles/TechTips.pdf
Ref: De Koninck’s SDI as documented by Alejandro Martinez (Spanish)
http://www.amtriathlon.com/2007/01/prediccin-del-rendimiento-en-natacin_29.html
« La raison est simple, en natation, il existe une relation très forte, voir quasi linéaire entre les performances sur courte distance et celles sur de plus longues distances.
Fournir des hypothèses pouvant expliquer la force de cette relation va au-delà de l’objectif de cet article. Aussi je me contenterai d’exprimer mathématiquement cette relation. Mais d’abord, voici un brin d’histoire. »
Humm, matière à réflexion…
Dans ma tête, je dois dire que je suis convainc et non en meme temps :
-Tout d’abord, je ne suis pas très convaincu car, physiologiquement, au niveau du muscle, ça devrait être des filières énergétiques différentes
-En meme temps, j’ai toujours admiré les nageurs pour leurs capacités à s’entrainer +++ de fois par semaine. J’imagine que s’ils s’entrainent pour des sprints, aux nombres de fois qu’ils s’entrainent par semaine, ils doivent développer une certaine endurance!
L’impact du sprint sur ce qui a trait à ton inquiétude, soit la composante physiologique, plus spécifiquement l’adaptation musculaire spécifique au geste de la nage appliquée à la longue distance, cet impact est simple: Sprinter, à condition que tu aies développé suffisamment tes appuis (ton efficacité) augmente la torque que tu es en mesure d’appliquer à chaque traction (composante force si on veut), de même que la puissance (composante vitesse).
Bien sûr, cette torque on en fait ce qu’on en veut plus tard dans la saison. La torque se traduit par la distance par traction (encore une fois à condition que la technique en général soit correcte). La puissance quant à elle se traduit par une plus grande vitesse de bras.
Sprinter, à condition de le faire sur une technique adéquate augmentrait ton potentiel pour l’amélioration en quelque sorte.
Ça fait du sens?
Donc :
Sprinter = augmentation de la torque et par le fait meme augm de la puissance
Ça je comprends.
Mais qu’en est-il des « sprints » répétitifs? C’est comme ça qu’on augmente l’endurance?
Dans un monde purement théorique, est-ce qu’on extrapoler ça dans la course? Car, oui, je suis convaincu que de faire des intervalles améliore mes temps sur la longue distance, mais je ne pense pas faire des 30 x 100m…
Quelque chose d’important dans ton article est le fait de développer la bonne technique. Sachant que la nage est tellement technique, je suis vraiment d’accord de pratiquer des plus courtes distances à forte intensité en axant vraiment sur la technique. Car, si c’est bien une chose que les nageurs critiques des triathlètes, c’est de nager tout croche.
Bonjour Eric, merci pour ta question.
Mon commentaire ici s’adresse autant à toi qu’à Marcel puisque vous avez tous 2 évoqué la comparaison entre l’impact bénéfique de l’entraînement à haute puissance en bike/run vs en natation.
Je suis d’accord avec vous 2 sur le fait que bien souvent, pour plusieurs personnes, le travail en haute intensité au bike/run a pour impact d’augmenter les performances sur plus longues distance. Ça se produit souvent en conséquence d’une meilleure technique de course résultant de ce genre de travail (à la course), de même qu’en conséquence d’une augmentation de puissance brute (en bike).
Par contre, le cas de la natation est vraiment différent, du moins pour les non nageurs.
La différence c’est la suivante. Si tu espère courir aussi vite que ton voisin, à cadence égale (disons 170 foulées / minute), tout ce que tu as à faire c’est de faire d’aussi longues foulées que lui, et le tour est joué (ou une combinaison différente mais tout de même équivalente).
Si tu veux rouler aussi vite que ton voisin, tout ce que tu as à faire c’est de tirer le même développement à la même cadence (ou une combinaison différente mais équivalente).
Same en natation. Si tu veux nager aussi vite que ton voisin, tout ce que tu **aurais** à faire c’est de tourner les bras aussi vite que lui tout en ayant la même distance par traction.
Or il est là le problème. Il est très peu vraisemblable qu’un non nageur puisse développer la même distance par traction qu’un bon nageur. La distance par traction en natation s’améliore (ou devrait s’améliorer) conséquamment à l’amélioration de la technique (économie, réduction de résistance frontale, sensation de l’eau, etc) mais **également** à une augmentation de la **torque** qu’on peut produire à chaque traction.
Si ton meilleur 100m done 1min20, il est fort probablement que la torque produite à chaque traction soit beaucoup plus petite en comparaison à un bon nageur qui nage le 100m en 1min pile.
Et finalement, comme la natation est un sport de glisse, les gains en « torque per stroke » sont beaucoup plus facilement transférable sur de plus longues distances. Le mot clé ici c’est « sport de glisse ».
Un exemple? Voici. Essayez ça les boys (ça prend un wetronome ou un tempo trainer par contre). Le clip suivant démontre mon style libre nagé à un rythme de bras très lent, précisément à 48 tractions/minute (tel que calculées avec le Wetronome). Le temps de nage résultant est 1min22sec. En tant qu’ancien nageur (même très très médiocre), je produit naturellement beaucoup plus de torque à chaque traction qu’un non nageur possédant une bonne technique. Et cette torque accrue me permet de nager plus vite à un haut rythme de bras (sprint) mais **également** de nager plus vite à un rythme de bras plus bas, exagérément lent en fait. Cela illustre très bien l’aspect *sport de glisse* de la natation. Une fois que tu possède cette torque, t’en fait ce que t’en veux.
http://www.youtube.com/watch?v=00c4lhZZbK8
Ref (Wetronome):http://www.swimsmooth.com/wetronome.html
C’est noté, sprints je ferai.
Excellent article.
Cool Marcel, quel est ton meilleur 100m en ce moment? Ou du moins, la dernière fois que tu l’as testé?
Et, quel est ton meilleur résultat sur 1500m?
(Cette question s’applique à tous, si vous voulez que je calcule votre SDI ainsi que votre prédiction sur 750/1500/1900/3800m basé sur l’SDI ainsi que le TFD)
Charles
Intéressant cet article Charles. Le comparatif peut etre fait avec le livre de Guy Thibault, selon lequel si tu veux courir à 85% de ta VAM, plus elle sera élevée et plus tu courera vite. Donc le but serait d’améliorer la VAM pour augmenter la vitesse.
Question: le facteur de fatigue est fixe, ou dépendant de chaque personne, du sport et des conditions? Dans ton exemple, tu utilise 1,06.
Très intéressante question Marcel, comme toujours.
Dans l’évolution de ce concept, la contribution de Pete Reigel fut de baser l’équation sur un facteur de fatigue fixe, établi selon des standards ramenés à une moyenne. Ce facteur comme tu le fais remarquer a été fixé à 1.06
Ceux qui sont familier avec le tableau des intensités VDOT de Jack Daniels, ce tableau est entièrement basé sur ce facteur.
Quelques 15ans plus tard, Jean-Marie DeKoninck a réinventé cette même formule, mais cette fois en privilégiant un facteur de fatigue individuel à chacun, facteur qu’il a baptisé le SDI, pour Sprint-Distance Index. J’aime parfois rebaptiser ce principe en Anaerobic/Aerobic balance car ce facteur, un peu à l’instar du modèle de puissance critique de Monod tente de faire la part entre Anaerobie et Aerobie.
Et ce facteur peut être obtenu en utilisant une formule toute simple qui va comme suit:
SDI = Log(T1/T2) / Log(D1/D2)
Où T = temps D = Distance. Donc ça accepte inputs différents.
Ensuite, tu peux remplacer le FD (1.06) par l’SDI. Ça permet des prédictions plus précises sur de plus courtes distances.
À la finale, j’utilise ce concept en mélangeant un peu les 2. Je m’explique. Plus tu sprint, plus ton SDI penchera vers le côté sprint. Ton SDI passera au dessus du 1.1. Pas du tout approprié pour un triathlete. Ensuite, le but du jeu c’est simplement de s’entraîner d’une façon à applanir le SDI pour le ramener à ce que je crois être un SDI idéal pour un triathlète, soit ce fameux 1.06 établi par l’auteur original, Pete Reigel.
Charles, ca vaut un autre article ca :p
Ouin désolé. C’est que tout ce sujet renferme bien plus que le simple contenu exposé dans l’article original. Je me suis dit y aura bien des petits smarts pour poser les questions permettant d’exposer d’avantage de matière en cours de route.
Eille!!! Il l’a ramené!!!
Un ami à moi, un Britanique a fait une petite page web qui fait ces calculs, en mettant côte à côte les 2 concepts (Reigel et DeKoninck). C’est bien le fun.
Choisissez la formule original (le premier lien). Entrez 2 épreuves avec les temps, ça vous calcul ce que devraient être d’autres distances selon votre facteur de fatigue (SDI) et également selon le facteur idéal baptisé ici Target Fatigue Decay (TFD).
http://arhy.org/files/estswimtimes.html
Peut aussi être utilisée pour computer des whatifs scenario (ie, à quoi ressemblerais-je si je parvenais à nager le 100m en 1min10 etc).
Et donc normalement, (répondre à l’inquiétude exprimée plus tôt par Éric), off season si tu sprint pas mal, ton SDI augmente. Mais ta vitesse pure aussi!!
Ensuite plus tard en saison, tu augmente l’endurance jusqu’à ce que l’SDI revienne à 1.06 et bingo. Tu t’es amélioré sur tout le spectre (sprint/distance).
Très intéressant cet article , je vais peut-être décollé cette année en natation,je comprend mieux maintenant pourquoi
je reste tjs à 1’50-55de moy sur 750m.
Mon seul et unique test sur 100m: 1’20s
J’ai pigé ,je dois pulvérisé ce tps pour espérer atteindre les
1’40s de moy qui me permettrai de faire un podium sur sprint.
merci.