Trimes tentera de donner la parole aux acteurs du sport. La réussite d’un athlète ou même d’un groupe passe par l’implication d’un décideur. Nicolas Pouleau est l’un de ceux-là. On s’est entretenu avec lui pour en savoir plus sur ses fonctions, mais aussi comment on atterrit dans le siège de directeur technique de Rouen Triathlon…
Le club de Rouen fêtera ses 30 ans cette année. Pour ta part, cela fait déjà 15 ans que tu es là… j’imagine que tu as vu une grande évolution dans le club, non ?
Et oui, déjà 30ans que le club de Rouen est actif dans le milieu du triathlon ! Une belle fête se prépare pour l’occasion !
J’ai effectivement pu constater une évolution de la structure depuis 15ans que je suis au sein du club (adhérent, athlète de l’équipe de Tri puis salarié !). Est-ce que c’est une grande évolution ? Sûrement, en 15 ans le triathlon en général a évolué, la structuration des clubs aussi, et nous avons suivi le mouvement !
Le nombre d’adhérents a doublé en 15 ans, le club s’est structuré, s’est professionnalisé progressivement, même si depuis 5 ans les choses se sont accélérées avec une stabilité dans l’encadrement grâce à des emplois à plein temps en CDI.
Je pense que le club (adhérents, bénévoles, dirigeants, salariés) a permis de faire avancer tous les secteurs du club (Jeunes, Adultes et équipes) pour arriver à faire du Rouen Tri un club bien complet actuellement.
Mais c’est sûr que pour moi, avec une vision d’ensemble depuis toutes ces années, si je reviens en arrière, je me rends compte que le club a bien grandi en 15 ans !
Mais au fil du temps, j’imagine que les attentes de vos membres ont évolué…
Oui, les adhérents ont des attentes différentes en terme d’entraînement, mais c’est aussi normal, quand le club grandit, se professionnalise, avec des entraineurs diplômés, l’athlète attend aussi de la qualité lorsqu’il vient s’entraîner. Le public a aussi évolué, le triathlon devient un sport « plus ouvert à tous », des personnes viennent dans le club pour découvrir le triathlon, leurs attentes sont différentes et l’on constate que nombreux d’entre eux ont de grosses attentes en natation notamment.
Bien que le triathlon soit un sport individuel, on s’aperçoit que le partage des séances communes est recherché avec au bout des objectifs de compétitions communes.
Comment ton aventure a démarré avec Rouen Triathlon ?
Mon entrée dans le sport ne s’est pas faite par ce club, j’ai d’abord passé de nombreuses années dans les bassins, dans un club de l’agglomération rouennaise avant de venir vers le triathlon. J’ai d’ailleurs commencé professionnellement par entraîner un club de natation.
Sportivement, j’ai été voir ailleurs pendant 2 saisons (Rennes en D1 et Saint-Avertin en D2), mais je suis pendant ces 2 années resté très proche du club, car je m’entraînais sur Rouen!
Et comment on finit par devenir directeur technique ?
J’ai d’abord pris en charge l’école de Triathlon et son développement, puis on m’a proposé de reprendre tout le club en temps qu’entraîneur principal. Les choses se sont enchainées avec dans un 1er temps la structuration des équipes de Duathlon puis avec l’arrêt de la gestion des équipes de Franky Batelier (qui a passé 2 saisons à manager l’équipe de D1 Triathlon), on m’a proposé de prendre la suite.
Avec l’arrivée du nouveau président (Sébastien CAUFOURIER, arrivé il y a un peu plus de 2 ans), celui-ci a souhaité structurer encore plus l’organigramme du club avec un poste de directeur technique au sein du club en me proposant cette fonction !
Est-ce que tu peux nous décrire les tâches ?
D’une façon générale, c’est de gérer la partie sportive du club. Mais pour moi, le poste de directeur technique et celui de manager des équipes sont 2 choses différentes !
Depuis que mon président m’a confié le poste de directeur technique, j’ai essayé de mettre en place une organisation au sein du staff technique du club, de réfléchir au développement du club et de proposer ensuite un projet associatif pour les années à venir.
Me voilà entouré d’une équipe de qualité où j’ai pour mission d’accompagner chacun dans la réalisation des différents projets du club qui lui ont été attribués.
Il faut à côté de cela gérer les organisations d’épreuve menées par le club, gérer le suivi avec les collectivités et les partenaires du club.
Concernant le poste de manager des équipes, le gros du travail tourne autour du recrutement, de la logistique des déplacements, d’échanger au cours de l’année avec les athlètes, de composer les équipes, et d’assurer le suivi des partenaires des équipes qui sont souvent différents des partenaires du club.
Voilà, des journées bien remplies, mais passionnantes !
En 2014, le club était retombé en D2, c’est toi qui as été en charge du projet pour la remontée. Tâche que tu réussiras au premier essai. Mais dans les faits, j’imagine qu’il a fallu revoir toute la philosophie du club…
Je pense qu’en 2013, nous arrivions au bout d’un cycle, avec un recrutement que je n’avais pas géré dans sa totalité, à cela s’est ajouté un peu de malchance durant la saison (des athlètes pas souvent disponibles, l’absence pour blessure toute la saison d’Arnaud CHIVOT)
Mais cette descente fut finalement un mal pour un bien, elle a permis de reconstruire, de poser des bases solides, sans oublier de permettre aussi à Arnaud CHIVOT de revenir à la compétition progressivement après une saison blanche et une grosse opération au pied.
Il est évident que j’ai pu mettre en place une philosophie et une stratégie dans le recrutement, mais notre année de D2 m’a surtout permis de bien préparer les suivantes.
Nous avons très vite assuré notre montée, on a pu anticiper sur le recrutement de la saison suivante. La finale de D2 est gagnée avec la totalité de l’équipe dans le Top 8 (4 Français dans l’équipe), ce qui montrait sur cette saison la dynamique du groupe.
Cela nous a aussi permis d’arriver sur la D1 avec de la confiance, avec des athlètes sérieux, jeunes et, mais aussi d’expérience, ce combiné nous a offert le luxe d’arriver sur la 3e étape de D1 à la 3e place égalité avec Poissy, c’est aussi la preuve que notre stratégie était plutôt bonne. Après on sait que tout peut aller vite, donc il faut toujours rester vigilant.
D’ailleurs, on ne se le cachera pas, certaines structures ont plus de moyens, est-ce que cela ne vient pas dénaturer le projet de la D1 parce que pour les clubs moins riches, il faut presque se contenter des places secondaires, non ?
Il y aura toujours des équipes avec des plus gros budgets que d’autres, c’est la loi du sport ! En 2015, notre budget était sûrement un des plus petits, mais nous avons réussi à faire une belle saison pour notre retour dans l’élite, il faut s’adapter à son budget et mettre en place une stratégie, des objectifs par rapport à celui-ci. Sans un ou des gros partenaires privés, il sera toujours difficile de mettre nos objectifs plus haut, maintenant ce n’est pas une fin en soi ! Et temps que l’ambiance dans le groupe est bonne, que nous sommes heureux de partager de bons moments de sport ensemble, ça ne me pose pas de problème de me contenter des places d’honneur !
Dans le projet sportif du club, l’objectif principal est de rester en D1, et si avec notre petit budget on peut créer la surprise, on ne va pas se gêner, la surprise serait d’être dans les 6 premières équipes ! La pression est sur les équipes qui ont un gros budget, car avoir un gros budget t’oblige à être dans le haut du tableau!!
2016 étant une année olympique, est-ce que cela a modifié votre manière d’appréhender la prochaine saison ?
Pas vraiment, puisque l’objectif a toujours été de faire un recrutement avec des jeunes, et la plupart des jeunes recrutés ne sont pas dans l’objectif olympique de 2016. Et je ne pense pas que l’année olympique soit la plus compliquée à gérer pour les clubs.
Vous avez d’ailleurs repêché des internationaux comme des Canadiens, ce sont des athlètes pour lesquels le projet GP FFtri reste une expérimentation. Est-ce que l’on peut dire qu’il y a une volonté d’aller chercher des talents jeunes avec des potentiels et donc de prendre certains risques ?
Je ne pense pas prendre de risques, je construis l’avenir avec des athlètes jeunes, ces athlètes ont déjà montré de belles choses au niveau international, ils sont habitués à des courses sur distance S.
Ce sont des risques qui restent mesurés, j’ai confiance en ces athlètes, je ne me dis pas forcément prendre un risque quand je réussis à les faire venir à Rouen, mais plutôt, d’avoir réalisé un bon recrutement !
À cette image, il y a le québécois Charles Paquet, tu dois savoir qu’au Québec, on très enthousiaste… mais comment cela s’est passé avec vous, comment l’as-tu découvert ? Est-ce que tu te bases surtout les championnats du monde pour faire des découvertes ?
Je pense que Charles à un très bon potentiel ! Cela fait déjà un moment que je regarde ces résultats. Il devrait être solide cette année chez les juniors ! D’une façon générale, je regarde l’ensemble des résultats des courses internationales, et quand je sens qu’un athlète fait des choses pas mal, je regarde plus précisément ces résultats… et comment le contacter ! Pour Charles le contact a été assez facile, car il est ami avec Gabriel Legault qui a déjà fait une saison avec nous. Charles devrait pouvoir courir avec nous cette année, j’espère qu’il pourra exprimer ces qualités au maximum sous les couleurs du Rouen Tri !
Même si la majorité de vos athlètes sont étrangers, as-tu l’impression que vos membres s’associent à eux ? Y a t il quand même des partages ? Je te dis cela parce que ce n’est pas rare d’entendre des membres de clubs qui n’ont aucune affinité avec leur équipe de D1 et se questionnent même sur leur financement…
On aura toujours des membres qui ne seront pas en phase avec les équipes Élites, qui ne comprennent pas le fonctionnement des équipes élites, qui pensent que leur cotisation passe dans ces équipes ! C’est pourtant toujours ce à quoi nous nous sommes opposés, nos équipes ne fonctionnent qu’avec les aides versées pour leur fonctionnement annuel!
Il est vrai que l’équipe de Triathlon est composée essentiellement d’étrangers, qu’il est difficile pour nos adhérents de les côtoyer, mais cela n’empêche pas que nombre d’entre eux aiment suivre leurs résultats au sein de l’équipe, et dès que nous pouvons faire partager des moments avec des adhérents, nous n’hésitons pas à le faire ! L’an passé, lors des Grands Prix d’Embrun de nombreux adhérents présent sur le site de la course sont venus partager avec l’équipe. Gabriel Legault a partagé une semaine à Rouen avec le club. Si mon budget était plus important pour les équipes, c’est surement ce type de partage que j’aimerais bien mettre en place, plutôt que de prendre des stars sur une course!
Mais dans votre effectif, Arnaud Chivot (7e au championnat national), Émile Blondel-Hermant, un ex-vice champion junior ou encore Côme Mercier (3e junior national en 2015), soit 3 jeunes, si je ne me trompe pas, sont formés au club. Pour eux et pour vous, le projet D1 reste primordial pour continuer leur carrière, non ?
Primordial pour eux, je ne sais pas si c’est le mot, primordial pour l’ensemble des jeunes qui intègrent l’équipe, et qui l’intègreront !
Mais pour revenir sur ces 3 athlètes, un seul d’entre eux est vraiment formé au club, c’est Côme Mercier, qui sera à l’avenir plus dans une démarche d’être une pièce importante de l’équipe de Duathlon que l’équipe de Triathlon (ses qualités dans l’eau ne permettant pas de jouer une vraie carte en Triathlon).
Maintenant ces 3 athlètes s’entraînent sur Rouen, ce qui crée une belle dynamique autour des cadets et juniors c’est une certitude !
Émile, entame sa 3e saison au sein du club, mais il a fait l’ensemble de sa formation en Bourgogne ! Il est dans le projet des équipes de Triathlon et Duathlon. Quant à Arnaud, doit-il être considéré comme un jeune à 28 ans ? En progression constante, il sera un élément important dans le groupe cette saison dans l’équipe de Tri. Au club depuis 5 ans, il est au club dans un double projet puisqu’il est salarié du club en temps qu’entraîneur dans la structure.
D’ailleurs, vous êtes aussi en D2 du côté des femmes, est-ce qu’il y a une volonté de monter prochainement en D1 ? Peux-tu nous parler rapidement de l’effectif ?
L’équipe fille va découvrir la D2 cette année, et il faut laisser le temps, le temps aussi au club de former des jeunes et de les voir s’exprimer en D2.
Il y 4 ans, nous avions environ 10 femmes au club, cette année on est au alentour des 50 femmes, cette dynamique se ressent au sein de nos équipes, puisque ce projet autour du développement de la féminisation au club nous a permis d’intégrer la D1 de Duathlon, et de gagner la finale D3 Triathlon.
Donc la montée en D1, on se posera la question en temps voulu, pour l’instant ce n’est pas l’objectif ! On va commencer par se faire plaisir sur la D2.
L’effectif sera composé des filles qui ont participé au projet de la montée, avec Juliette COLLE, sa sœur Hélène COLLE-CROMBEZ, Audrey GEOFFROY, Claire GROGNET . Elles seront épaulées par Mathilde MAGNIEZ qui arrive du club voisin de MSA, de Olga DMITRIEVA (Russe) qui était au club déjà cette année, et de Cécilia SANTAMARIA (jeune juniore Espagnol) qui devrait nous aider à assurer le milieu de tableau. On profitera aussi pour intégrer quelques jeunes du club.
De plus, avec vos équipes de duathlon, et votre école de triathlon 3 étoiles, on peut dire que vos journées doivent être bien remplies, non ?
Les journées sont et seront toujours bien remplies, mais c’est toujours avec plaisir…
Certes, il y a les équipes, et notre école de Tri, mais aussi l’ensemble de la section adulte, et nos organisations à gérer, donc les journées sont effectivement sans répit !
L’avantage c’est qu’il y a encore plein de choses à mettre en place, et quand tous les matins tu te lèves et que tu es motivé pour aller bosser pour le club, les journées peuvent être bien remplies, c’est que tu t’éclates !
Est-ce que tu veux ajouter quelques choses ?
Merci à toi pour ce moment de partage, et pour l’investissement que tu mets avec Trimes !