Seuls les triathlètes savent courir? Où juste une question de compétivité?

Dans le milieu, on se posait souvent la question. À force d’envoyer des triathlètes junior au Championnat du monde de cross, la fédération d’athlétisme va forcément finir par réagir? Par curiosité, on avait questionné l’une d’elles, elle nous avouait que cette institution, elle avait fait le choix de se contenter d’envoyer les meilleurs athlètes disponibles, point final. 

Mais le week-end dernier, les choses ont changé, on ne parle plus d’un espoir comme Maxime Hueber ou d’une junior Cassandre Beaugrand, mais bien d’un élite aux avants poste avec Vincent Luis.

Sa deuxième place au championnat national a finalement soulevé un questionnement dans le milieu compétitif de la course à pied. Le magazine VO2 s’est donc penché sur le sujet en publiant un article, faut-il être triathlète pour aller vite en course à pied. Dans cet article, il se demande si le parcours aurait avantagé l’international du sport triple, s’il s’était spécialement entrainé pour cette course, où s’il profitait tout simplement du cross training avec la natation et le vélo.

La première piste serait de savoir si les autres concurrents s’imposent le même volume d’entrainement, malheureusement l’auteur ne s’aventure pas clairement dans cette piste.

Il y aussi une question physiologique dans le développement de l’athlète. Sachant que l’athlète devra faire preuve de patiente pour atteindre son meilleur niveau, se limiter à la course à pied, soit un sport de contact est fréquemment synonyme de blessures. Un jeune athlète profitera donc de la natation et du cyclisme pour développer son endurance tout en limitant les risques. Un exemple parfait est l’américain Lukas Verzbikas. Lorsqu’il était adolescent, il s’est emparé de plusieurs records américains en High School tout en gagnat un titre de champion du monde de triathlon en Junior (Beijing 2013).

Dans les faits, un triathlète devrait être limité par une biomécanique déficiente. Un manque d’efficacité dans sa foulée. Il existait d’ailleurs une croyance que le vélo avait une influence néfaste sur le mouvement nécessaire en course à pied. Il y avait aussi cette peur de devenir trop musculaire…

Mais voilà…

Un élite en triathlon ITU s’imposent entre 25 à 40 heures d’entrainement. Ces dernières années, on a aussi vu le nombre de kilomètres hebdomadaire augmenter. On suspecte que les progrès de Javier Gomez sont le résultat d’une distance presque doublée depuis sa dernière olympiade. Le secret passe par le volume avant l’intensité. Est-ce que l’on retrouvait vraiment des coureurs dépassant les 150 kilomètre par semaine? Est-ce que les coureurs français courent véritablement plus que les meilleurs triathlètes français? 

Selon moi, la grande erreur dans l’article est de refuser la comparaison avec ce qu’il se fait de mieux à l’étranger. Il suffit de s’intéresser au réseau universitaire américain (NCAA) pour savoir que le niveau est déjà nettement supérieur.

Sur 10 000 m, durant le championnat de 2014, les 6 premiers ont couru en dessous 29:00. Ces résultats se limitent à des athlètes aux études et non aux coureurs professionnels. Ces athlètes doivent pourtant jumeler étude et entrainement. Le bassin est donc nettement plus large parce que les incitations sont bien présentes.

Autre exemple, l’actuel champion olympique, Alistair Brownlee a réussi un temps de 28:32 sur 10 000m en 2013. L’histoire est qu’il courait dans la série B. Si on le compare à son compatriote Mo Farah, avecson 27:14 lors des championnats du monde de Daegu, on peut dire qu’il existe un monde entre les deux. 

Évidemment, Vincent et Alistair sont deux excellents coureurs à pied et ils sont la démonstration que les triathlètes peuvent aspirer à être très compétitifs dans un seul sport. Il est d’ailleurs très difficile d’affirmer qu’ils pourraient courir plus vite en abandonnant les deux autres sports.  

Mais avant de rentrer dans un jeu de comparaison, il faut se questionner sur le pourquoi le niveau est plus dense dans certaines régions du monde. Non, ce n’est pas une histoire de génétique, mais bien une question de savoir et des perspectives offertes par un sport. La NCAA est un générateur de talent qui s’est convaincre puisque les meilleurs coureurs se font offrir des bourses d’études dans les meilleures universités américaines. La performance est sujet à un système. 

Pour un triathlète, un élite peut espérer vivre de son sport en profitant d’un circuit national (championnat des clubs), ou international (Ironman, ITU WTS). Il pourra voyager, espérer représenter sa nation aux Jeux olympiques. Le projet est alléchant. Vincent Luis profite du soutient de Red Bull, Nike, Specialized et le meilleur crossman, il a quoi?

On peut aussi renverser la situation. 

Il y a deux semaines, le monde du triathlon était dans la situation inverse. La victoire d’Océane Cassignol lors de l’Aquathlon de Vittel, une nageuse dirigée par Phillipe Lucas pouvait faire réfléchir. Elle ne s’est pas contentée d’être la plus rapide dans l’eau, elle l’a aussi faite sur la terre. Elle bat par l’occasion deux membres de l’équipe de France de triathlon. 

Dans cette logique, on pourrait aussi tirer des conclusions trop rapides en prétextant qu’il suffit de nager plus pour devenir meilleur dans les autres sports. La réalité est qu’elle vient d’un milieu encore plus compétitif et dense que le triathlon. Son volume d’entrainement est tout simplement supérieur à ce qui se fait en triathlon. 

L’athlète s’ajuste simplement à la demande et à son ambition. Vincent Luis aspire à devenir le meilleur triathlète au monde, est-ce le cas pour les meilleurs crossmans français? Est-ce que ces deux sports sont au même stade en terme de professionnalisme? 

À la fin, tout cela est une question d’environnement ou encore d’investissement dans un projet.

1 commentaire
  1. correction : La NCAA est un générateur de talent qui s’est convaincre puisque les meilleurs coureurs…la NCAA sait convaincre