La liste des pros engagés sur les courses du Ironman sont de plus en plus longues. Lors de ces événements, des nouveaux noms émergent. Lors de l’épreuve de Luxembourg, c’est un Francais, à savoir Thomas Leboucher qui s’est démarqué. On s’est entretenu avec lui pour en savoir plus sur son cheminement et sur la signification de ce résultat.
Ton récent résultat au Luxembourg en a étonné plusieurs parce que c’est ton premier résultat marquant sur ce circuit. Cela fait pourtant un moment que tu roules ta bosse. Est-ce que tu peux te présenter ?
“Oui en effet c’est mon premier top 5 sur le circuit. Comme tu dis bien, ça fait un bon bout de temps que je roule ma bosse en triathlon. Cela fait un peu plus de 15 ans que je pratique cette discipline, j’ai commencé au MSA Triathlon (Mont-Saint-Aignan : Normandie dont je suis originaire) en m’impliquant chaque année un peu plus et en évoluant sur le plan régional (Champion de Normandie S, M, L) et national : 8e au France Tri U23. S’en est suivi un passage à l’ ESMGO Triathlon (Gonfreville l’Orcher) pour la D1, D2 de triathlon et D1 duathlon.
Je dois avouer qu’avec mon profil moyen nageur (4’45 au 400nl / 18’45 au 1500nl à l’époque…) et bon rouleur, je n’ai jamais vraiment réussi à m’exprimer sur ce circuit (trop loin sorti d’eau et trop généreux à vélo) sauf en duathlon ou je m’en sortais correctement sans casser la baraque, un bon 3e homme. Après ça, je suis logiquement revenu dans mon club de cœur à MSA Tri pour une orientation sur le long et donner un coup de main en D3. Mes meilleurs résultats durant cette période sont 2e du Chtri’man 226, 13e sur les France Tri LD Élite, 3e AG 30-34 au Championnat du monde LD Tri de Belfort et un bon nombre de podiums et victoires sur les courses régionales ! J’évoluais également sur Ironman et 70.3 en groupe d’âge sans jamais vraiment réussir à tirer mon épingle du jeu !
Depuis l’an dernier, nous avons changé de région avec ma compagne et nous avons choisi d’ habiter en Savoie (Aix-les-Bains). J’ai stoppé mon boulot de maître nageur pour m’investir à 100% dans le tri… il faut dire que la région s’y prête très bien en plus ! En arrivant ici, j’ai intégré la Team Argon 18 France pour une nouvelle saison groupe d’âge, mais avec une idée bien arrêtée dans la tête !….
Mais, comment tu expliques ton passage tardif et envies de passer pro sur le circuit Ironman ?
“L’idée était donc d’aller vraiment jusqu’au bout de ma passion et de courir en pro sur ce circuit. Étant investi au max à l’entrainement, j’avais à cœur de tenter l’expérience et me faire surtout plaisir, car la configuration de course en pro me motive plus que celle en groupe d’âge pour laquelle je n’ai jamais vraiment réussi à prendre du plaisir ! J’aime la bataille, la confrontation directe et non la course contre le chrono. J’ai besoin d’une émulation et un départ mass-start, les vagues ou Rolling Start en AG ne me convenaient pas.
Ma compagne y est aussi pour beaucoup, car elle a su me remotiver par moment et m’encourager à fond dans ce projet!
Voilà à 35 ans c’était le moment ou jamais pour moi de franchir le cap sous les couleurs de la Team HOKA Triathlon France.”
Mais j’imagine que cela est synonyme de sacrifice…
“Non non pas du tout ! J’ai toujours pris soin de bien garder un équilibre familial, professionnel, etc. comme je disais avant, depuis qu’on est ensemble, ma chérie a toujours été à fond avec moi et j’essaye de rester le plus possible à l’écoute pour adapter le triathlon à notre train de vie !
Professionnellement, j’ai gardé une petite activité de coach triathlon pour Aix-les-Bains et Chambéry Triathlon afin d’arrondir les fins de mois, car on va dire que je survis du triathlon en ce moment. PRO est un bien grand mot à mon sens lol, mais bon je m’éclate et c’est le principal, je pense !
Ton coach n’est nul autre que Nick Hémet, qui accompagne aussi un athlète comme Antony Costes, est-ce que cela vous permet d’avoir une certaine interaction et complicité entre pros ?
“Oui tout à fait, Nick me coache depuis 3 ans maintenant ! Par moment nous arrivons à nous rencontrer avec Anto (stage par ex) et partager ensemble de bons moments à l’entrainement ou ailleurs. Via le groupe X-pier de Nick, il y a pas mal d’interaction et complicité, mais avec tout le groupe, chacun à sa manière, à son niveau et son approche du triathlon ! Tout cela est toujours source d’inspiration et motivation. »
Tu ressortais d’une certaine désillusion après Aix (crevaison), dans quelle énergie t’es-tu présenté pour le Luxembourg ?
“C’est vrai, bon coup derrière la tête après Aix même si je n’étais encore bien prêt, cela m’avait un peu tendu on va dire…. Du coup le week-end suivant je suis allé me vider la tête et les jambes sur le Tri M du Tricastin (que je remporte) puis j’ai fait dans la foulée le 70.3 Barcelone (18e et 2e Français avec une belle gestion) et le 70.3 Rapperswil (12e et 1er Français, plus dans la douleur, car dans la continuité du training pour le Luxembourg justement). J’étais donc 100% prêt et frais pour ce top 5 rêvé au Luxembourg ! »
Quelle était ta réaction lors de l’annonce du passage en duathlon ? Je crois que la natation n’est pas ton point fort, non ?
“Dans un premier temps déçu, car je suis triathlète, j’aime faire un triathlon et je m’entraîne pour ! Dans un deuxième temps, je dois dire que comme la natation est en effet mon point faible, c’était une bonne opportunité pour moi d’être devant dès le début alors que d’habitude, je trime pour essayer de revenir…”
La course, d’après ce que j’ai compris, dans le premier 5k, tu étais dans ceux qui dictaient le rythme… c’est courageux, non?
“Oui tout à fait j’étais plus ou moins devant, mais non pas courageux, j’étais bien et confiant. Les meilleurs se neutralisaient et le rythme (+/- 3’20) était tout à fait dans mes cordes (mon record perso 10km : 31’58) j’ai même pris sur moi pour ne pas faire exploser le pack lol Nick m’aurait tapé sur les doigts ?. »
Quand tu prends le vélo, tu te dis ?
“ C’est le jour mon gars! Go, vigilant, soit concentré sur ce que tu dois faire!”
Parle-nous de l’effort, j’imagine que la gestion de l’effort est plus influencée par tes adversaires que tes possibilités…
“La gestion de l’effort est juste complètement différente de ce que j’avais l’habitude de faire quand t’es plus ou moins solo derrière pour revenir. Là, nous étions un beau groupe et il fallait s’adapter à cela… rester devant était du suicide pour la suite et derrière, la distance réglementaire me faisait souvent faire le yoyo dans ma gestion watt et FC, c’était un peu déstabilisant et éprouvant, mais j’ai adoré cette lutte malgré les distances dans le groupe qui n’étaient pas du tout respectées !!! Inadmissible et je pense qu’il y a encore un gros boulot à faire pour faire respecter ça ☹. »
Quand tu arrives en T2, tu te dis ?
“Ne lâche rien, prends des risques, applique-toi sur tous les détails. P….. tu sais courir entre 1h11-12 sur semi-sec tu vas bien le sortir ce 1h17 !!!”
J’imagine que la course à pied a été assez intense… parce qu’une petit défaillance et hop…
“C’est clair, c’est parti vite donc j’ai douté un peu, puis je suis revenu, mais à mi-course j’ai perdu 2 places et j’ai su être régulier pour revenir et stabiliser la 5e place. J’ai été même à un moment à 25 secondes du troisième!!! Tout cela m’a permis de courir comme ça…pour la place !! Cerise sur le gâteau, alors que j’étais plus que dans le dur à la fin, j’ai repris le 4e qui était à la dérive. Donc oui intense, car relancer à ce moment alors que tu crois que c’est fini et que tu vas te relâcher ça fait très mal, mais que c’est BON!!!
Est-ce que l’on peut dire que cette 4e place est comme un palier de franchi pour toi ?
“Oui bien sûr maintenant je sais qu’en posant devant je suis capable de réussir. Mais attention, là il n’y avait pas de natation donc je dois rester objectif et travailler dur mon point faible pour rééditer cela !”
Quelle est la suite désormais ? Est-ce que ton ambition est revue à la hausse ?
“Dans 15 jours, je fais le Tri Ld de Guéret en training pour l’Ironman Maastricht fin juillet. N’ayant vraiment jamais réussi un IM à la hauteur de mes attentes, je vais prendre celui-là pour poser des bases propres pour la suite. Je reviendrai sur 70.3 ensuite (Wiesbaden) avec de belles ambitions si j’arrive à gagner la minute qui me manque dans l’eau. »