Il est un peu plus de 18h30 lorsque je décide de rentrer enfin à la maison. Sous le Rock d’Embrun, je viens de voir passer mon amie Morgane qui va en finir avec sa journée titanesque dans moins de deux kilomètres. Elle a le sourire, elle a réussi un audacieux pari : celui de s’offrir un Embrunman avec trois mois de préparation pour ses trente ans…
La lumière est parfaite et je me cale assis pour quelques instants sur le bord de la route alors qu’un concurrent arrive. « Click », j’ai immortalisé le passage de cet inconnu dans son dernier tour du marathon avec mon téléphone portable. Comme ça, « au pif », c’est l’instant qui m’a dicté mon action…
Pour arriver chez moi, il me faut passer par les « Moulineaux… », un mur d’un kilomètre qui permet de rallier la vieille ville depuis la plaine du rock. C’est dur, car je suis crevé de ma journée et j’ai presque honte de marcher au milieu de tous ces concurrents qui, eux aussi souffrent dans cet enfer du marathon Embrunais qu’il faut gravir trois fois… Fatigué, je le suis assurément même si je n’ai fait, comme chaque année, « que » la grande boucle du parcours vélo en mode « imposteur » avec mes potes Dolu, Tom et Tonio. Alors je comprends facilement ce qui se passe devant mes yeux et le sentiment qui prédomine chez moi à cet instant, est juste un énorme respect pour tous ces athlètes.
En arrivant à la maison un peu plus haut, je sais que, réussie ou pas, la photo que j’ai prise tout à l’heure, je vais la mettre en grand sur ma chronique. C’est l’image d’un anonyme dans un moment où il devient exceptionnel… C’est un symbole qui « colle » selon moi à la perfection à cette course et qui lui donne du sens depuis un peu plus de trente ans. Une course, qui m’accompagne et rythme mes étés depuis que je suis tout petit et l’époque où je distribuais des éponges sur la digue ou triais les bonnets de bain et plaques de vélo « par paquet de dix » au printemps pour préparer le 15 aout…
Il faut y être pour le vivre et le comprendre. Embrun est une course à part où il n’y pas de place pour les stars et les faux semblants. Cette épreuve ne se mérite que si l’on sait rester humble. Cette épreuve ne se domine que si l’on accepte a un moment donné, forcément, d’être dans le dur.
Cette année, ce fut particulièrement âpre et compliqué tant il a fait chaud dans la vallée de la Durance. Et à chaque fois que la chaleur s’invite en août sur l’Embrunais, les planchistes et autres kyte-surfers sont ravis, car les vents thermiques soufflent plus fort que jamais… Pendant qu’ils décollent sur leurs « foils » à Boscodon Beach, le triathlètes, eux, se couchent et s’arc-boutent sur leurs montures pour enfin rentrer au port…
Cela rend les cinquante kilomètres de leur retour depuis Briançon absolument interminables et épuisants. Avant que Chalvet ne finisse alors de les achever ensuite, soit dans la montée, soit dans la piégeuse descente vers le parc à vélos, si par malheur ils manquent de lucidité à ce moment de la course.
Il reste alors un marathon…
Il y eut bien une course « d’homme à homme » à l’avant et elle fut belle. Étienne Diemunsch avait appris à ses dépens, lors de son 1er essai sur l’Embrumnman, qu’il vaut mieux ne pas partir trop vite en vélo au risque d’exploser littéralement par la suite… C’est ce que je croyais, mais en haut de l’Izoard, c’est bien lui, détaché, que je vais voir passer quelques encablures devant James Cunnama et Andrej Vistica. Le champion auvergnat est brave et n’a peur de rien… Je lui souhaite un jour de transformer l’’essai. Il a de bonnes probabilités d’y parvenir, car en finissant 6e, il s’en rapproche…
Cunnama, lui, a enfin dompté cette course qui le fuyait depuis plusieurs années. Patient et fort comme jamais, il a écrabouillé Vistica a peu prêt de la même manière que le barbu croate l’avait fait à ses dépens l’année dernière… La belle en 2017 risque d’être sympa…
Chez les filles, la course fut incroyablement disputée. C’est Carrie Lester qui arrache la palme deux minutes devant une épatante Charlotte Morel qui y aura joué les éclaireuses une grande partie de la journée. Je ne pensais pas Charlotte capable de « tenir » comme ça la course à pied de l’Embrunman. Bravo à elle, mais ne vous y trompez pas, Embrun a presque été la deuxième maison de Charlotte depuis quelques mois… On n’a rien sans rien !
Jeanne Collonge, elle, nous a fait une belle frayeur juste avant d’en conclure… « Jeannette » sait aller loin dans la souffrance et les efforts, mais cette fois s’en était trop et le corps à dit stop à quelques encablures de l’arrivée. La troisième fille, auteur d’un chrono lui aussi stratosphérique, je ne la connaissais pas… Alors bravo Camille, je ne sais pas « d’où tu sors », mais l’avenir t’appartient avec ce que tu as produit aujourd’hui…
Évidemment, le soir venu, j’ai regardé les résultats… Je voulais savoir qui j’avais shooté comme cela, au hasard. Il s’appelle Stephane et a terminé brillamment son Embrunman en un peu moins de 13 heures. Le breton de Plougoumelen fait « partie des bons » avec un chrono de cet acabit et une course équilibrée et maîtrisée… Je suis content qu’il soit de Plougoumelen, le hasard fait bien les choses, cette petite citée, il se trouve que je l’ai bien connue, j’y suis passée bien souvent à une époque en vélo ou en courant et elle reste encore aujourd’hui, comme cette merveilleuse région du golfe du Morbihan, cher à mon coeur…
Alors, Stephane, à toi, comme à tous les finishers de cet Embrunman 2016 : Chapeau bas, je t’envie un peu !
Kenavo !