Les larmes de Gwen Jorgensen font plaisir à voir. L’Américaine est allée chercher son titre olympique au forceps et dans l’ultime kilomètre d’une course qu’elle aura su maîtriser dans la difficulté.
Une course étrange finalement où une heure trente plus tôt, je ne donnais pas cher de sa peau… Brett Sutton avait prévenu et j’ai bien failli y croire… Nicola Spirig a été énorme hier et cette 5e édition olympique n’aura été en définitive qu’un incroyable duel entre les deux championnes… Un duel entre la plus forte et la plus rapide…
À la sortie de l’eau, la très longiligne Américaine fait bien partie du groupe de tête. C’est une demi-surprise, car Gwen, on l’oublie trop souvent, excelle aussi en natation. Ce qui étonne beaucoup plus, c’est la performance de Nicola Spirig sur cette natation. La « super Suissesse » est déjà au contact, tout comme Andrea Hewitt et la très attendue Flora Duffy. À ce moment-là, je me dis que ça risque d’être compliqué pour Jorgensen d’éviter une échappée en vélo. Et le début du parcours me donne raison, car à l’avant, les filles n’amusent pas le terrain.
Dans ce contexte, quelques concurrentes encore bien placées à T1 explosent rapidement. Nos deux petites frenchies, bien trop tendres, font partie des premières victimes dès l’entame du 2e acte. Cassandre manque encore de watts sur deux roues c’est clair, mais Audrey, je l’ai vu voler dans les pentes abruptes du GP d’Embrun, bien plus dur que celles de Rio, il y a maintenant deux ans et elle n’avait rien à envier à l’époque à des filles qui vont animer le parcours à l’avant aujourd’hui… Frustrant, décevant…incompréhensible…
Finalement, le groupe de tête compte deux fois plus d’unités que son homologue masculin deux jours plus tôt. Dans ce genre de situation, c’est un peu toujours la même chose : certaines se planquent et tentent juste de sauver leur peau jusqu’à T2. Surtout, toutes semblent avoir horriblement peur de Spirig… Et à la Suissesse, parfois aider des Anglaises, de rouler pour tous le monde sur les parties rapides, tandis que certaines accélèrent systématiquement dans chaque tour sur le pétard… Pour mieux ralentir ensuite !
J’aime bien Barbara Riveros, mais j’avoue que de la voir rater le podium à l’arrivée m’a « soulagé », car la petite Chilienne a couru « à l’envers » et fait le jeu de Jorgensen toute la course de manière assez incompréhensible. Comme Andrea Hewitt, sans doute dans un « jour moyen » et incapable de tenter quoi que ce soit sur deux roues… Nicky Samuels, que l’on sait si forte en bosse ne fera rien non plus pour terminer à une anonyme 13e place… Étrange, car la Néo Zélandaise n’avait, de toute façon, aucune chance à pied…Flora Duffy placera une seule banderille… bien solide… Et là, les Anglaises et Spirig iront la chercher entrainant dans leurs roues tout ce petit monde et bien sûr Jorgensen…
Bref, au bout de 5 tours, à force de faire de la patinette, la grande favorite s’autorise même quelques passages à l’avant sur le plat et en haut de la bosse. La course semble pliée pour la victoire et l’ensemble de ces demoiselles se concentre donc pour les deux places qui restent sur le podium…
À T2, Gwen ne fait pas comme d’habitude et évite sa traditionnelle « pose café » dans l’aire de transition. En moins d’un kilomètre, elle est devant et Spirig avec son style heurté tente de lui emboiter le pas. On se dit que cela ne va pas durer tant la différence d’allure est flagrante… Et cela dure, et dure encore… L’ Américaine n’est pas habituée à ce genre de chose et à un peu plus de 2 km de l’arrivée, elle s’agace de voir la Suissesse dans son hombre et le lui fait savoir. Il s’en suit un partie de poker menteur inédite et assez ahurissante où les deux filles conversent / ralentissent / accélèrent… Sans se soucier du duo anglais Stanford / Holland qui se rapproche. Devant mon ordi, je boue un peu en me disant que Gwen est quand même gonflée de se plaindre vu qu’elle à fait de la patinette pendant tout le vélo derrière Nicola… Peut-être est-elle morte en fait ? À un kilomètre du but, la réponse est claire, c’est la Suissesse qui est au bout et Jorgensen s’envole vers le sacre… Elle gagne… 37 places par rapport aux J.O de Londres ! Une belle progression qui me console un peu en pensant à nos Françaises qui ont sombré aujourd’hui…
Spirig prend une médaille d’argent mille fois méritée. J’ai hâte de la voir se mesurer sur Ironman à l’autre ogre du triple effort : Daniela Ryf. Les Suisses peuvent dormir tranquilles sur le long. 🙂
Le bronze est pour l’Angleterre. J’ai un petit faible pour Non Stanford, mais c’est Vicky Holland qui va chiper la breloque à sa copine d’un souffle… Et oui, même entre colocataires, on ne se fait pas de cadeau !
Barbare Riveros donne au Chili une 5e place très solide… mais qu’on oubliera sans doute vite… C’est bien dommage, car quitte à tout perdre, j’aurai bien aimé qu’elle tente plus à vélo…
Emma Moffat assure la traditionnelle présence australienne et prend une miraculeuse 6e place surtout si on considère qu’elle à souvent semblé vivre le martyr pendant le parcours vélo à l’arrière du pack.
Andrea termine 7e. Plus que la place, c’est la manière qui me laisse sur ma faim, car elle n’aura jamais véritablement tenté quelque chose. La petite merveille « Franco / Néo Zélandaise » du triple effort avait l’air si forte il y a 3 semaines à l’Alpes d’Huez. Andrea aura en définitive un peu subi toute la course.
Enfin, Flora Duffy est finaliste trois petites secondes devant La surprenante Claudia Rivas. Cela doit être une faible consolation pour elle, car elle visait mieux c’est sûr… Je jouais Flora gagnante avant le départ, je m’étais trompé. Je suis déçue pour elle et pour son petit pays des Bermudes qui n’aura pas de breloque cette année aux J.O…
Voilà, c’est fini… On peut dire que les meilleurs ont gagné chez les garçons comme chez les filles…
De mon côté, je me suis régalé et je bénis les chaines de TV qui ne retransmettent jamais les courses dans leur intégralité… Ca m’a permis de tester les « live » sans commentaires… C’est le pied total en fait que d’entendre juste les applaudissements et l’ambiance, j’ai presque eu l’impression d’y être… La chaleur en moins !
Notre délégation repart bredouille et plus inquiétant, chaque athlète français, à son niveau, est passé au travers… Le temps des interrogations viendra sans doute plus tard.
Mais soyons sûrs qu’elles ne manqueront surement pas…