La réussite et l’échec se décide sur des détails. Derrière une victoire, il peut se cacher un système défaillant et vice-versa. Même si l’on est conscient de cela, le résultat global des canadiens est difficile à accepter lorsqu’on connait tous les efforts de ces athlètes. On s’est longtemps questionné s’il fallait se prononcer sur le sujet parce que cela pourrait ressembler à une attaque contre les athlètes, mais c’est justement l’inverse.
Le passé
Le Canada avait des espoirs réalistes de médailles lors des Jeux olympiques de Londres avec Paula Findlay ou de finaliste avec Simon Whitfield. Dans cette quête, la fédération a plutôt récolté des drames et des polémiques. On est tous tombés de haut et après coup, tout semblait déjà joué depuis longtemps. Personne ne voulait revivre ce traumatisme…
Si plusieurs actions ont été posées durant ce cycle olympique pour corriger rapidement la situation et que le Canada continue à engranger des résultats très encourageants chez ses junior et U23, c’est nettement plus compliqué chez les élites. Les podiums et les victoires en série mondiale sont choses du passé comme si quelque chose nous échappait.
À l’analyse des résultats obtenus à Rio, mais aussi lors des deux dernières Grandes Finales (abandon des 3/4 de nos athlètes féminines), on est en droit de se demander si le triathlon canadien a vraiment stoppé sa chute et a amorcé sa remontée.
Ce cycle difficile.
Pour la première fois de son histoire, aucun de ses athlètes n’a satisfait les critères d’éligibilité pour une sélection olympique directe. À titre de comparaison, on peut affirmer que certaines structures nationales auraient décidé de ne pas utiliser leurs dossards. L’Allemagne, la Nouvelle-Zélande, la Hollande et l’Italie ont refusé d’envoyer des athlètes qui avaient obtenus leur dossard mais qui ont été jugée insuffisamment compétitives. La vice-championne olympique de 2012 soit Lisa Norden, est aussi passée très proche de se faire refuser sa sélection pour Rio.
Dans le cas de Triathlon Canada, face à des performances en dessous de ses objectifs, elle a du choisir ses athlètes par des choix en discrétionnaire. Cette méthode entraine toujours des dommages collatéraux et des liens de confiances sont rompus.
Deux athlètes ont d’ailleurs contesté et porté appel sur la sélection pour Rio. Triathlon Canada n’a jamais communiqué sur cet aspect, les athlètes retenus ont été plongé dans l’incertitude.
Elle s’est aussi faite très discrète en cachant les démissions répétées et d’un renvoi avant terme de ses directeurs Haute-performance. Elle préfère annoncé avec enthousiasme le nouveau retenu. L’institution nationale maitrise l’art de transformer déception en positif. Elle ne considère plus que ces informations doivent sortir du cercle.
4 directeurs HP (haute performance) en 18 mois.
Il serait facile d’attaquer Jonathan Hall, le dernier directeur HP en poste et croire que le nouveau venu pourra rapidement changer la situation. Le problème n’est pas lié aux décisions d’une personne mais bien d’une culture qui est en place depuis trop longtemps.
Jonathan Hall a du remplacer un directeur HP interim dont son mandat a été écourté (Peter Davis) un mois avant son échéance. Les raisons de son renvoi n’ont jamais été public. L’actuel directeur a rapidement signalé qu’il ne voulait pas continuer l’aventure après quelques mois d’activité. Triathlon Canada a donc fait appel aux candidatures sans attendre que les Jeux Olympiques soient passés.
Juste une question de temps?
Ce qui devait être des courts épisodes difficiles, c’est transformé en tradition, soit cette incapacité à faire des saisons complètes et sans blessure. Est-ce que les athlètes sont poussés à la faute?
Dire que les résultats de Rio sont positif et préparent les athlètes pour Tokyo, cela reste une autre incertitude tant que nos athlètes réussissent à faire des saisons entières non entrecoupées par des blessures et qu’ils n’ont pas été en mesure de reprendre le contrôle sur leur planification.
La vrai déception
Mais la plus grande déception face à ce bilan olympique, c’est que la situation actuelle ne semble ne plus émouvoir ceux qui connaissent le sport. On est dans l’indifférence et cela viendra créer à nouveau un autre roulement.
En dehors des proches et des supporters des athlètes, il n’y a plus d’enthousiasme chez les différents acteurs du sport et nos élites, manquant déjà de visibilité médiatique seront marginalisés.
Pourquoi n’y a-t-il pas plus de débats, est-ce que notre fédération est vraiment satisfaite de ce bilan. Il existe un certain mutisme.
L’Ironie.
Jamie Turner, l’entraineur de la nouvelle championne olympique (Gwen Jorgensen) était aux services des canadiens. Il a pourtant été remercié avant le terme de son contrat. Les athlètes canadiens sous ses ordres se sont donc retrouvés dans une situation délicate et non idéale vu la proximité des Jeux olympiques.
Ce divorce a aussi créé de la méfiance entre les différents partis. On a vu le comportement des athlètes changer progressivement provoquant une certain isolement. Circonstances? Aucun olympien de ce groupe n’a pris le départ de la coupe du monde de Montréal et ne sera au départ de la Série mondiale d’Edmonton.
Est-ce que la mise à l’écart de Jamie Turner était justifiée?
Sur papier, on parle d’un programme dont Triathlon Canada n’avait plus les moyens de s’offrir et qui n’a pas produit assez de résultats. Le programme gouvernemental « Own the Podium » (OTP) ne souhaitait donc plus investir dans les athlètes canadiens. Cet organisme à comme objectif premier d’investir dans les organisations capables d’obtenir des médailles aux Jeux. Si le retrait de OTP peut ressembler à une injustice pour les athlètes si proches des Jeux olympiques, cela se justifie aussi par le manque de résultats des canadiens ces dernières années. Ce sont les réalités de la haute-performance.
Triathlon Canada se devait de trouver des financements afin de pouvoir continuer à appuyer ses athlètes. Cela ne sera pas le cas et une fédération provinciale comme Triathlon Québec ira même jusqu’a payer les frais de coaching de ses athlètes.
Culture haute performance ou de la participation?
Sommes-nous tombés dans une dynamique de participation où prendre part aux Jeux olympiques reste un accomplissement exceptionnel. Encore une fois, considérant tous les sacrifices que doivent faire les athlètes, impossible de juger.
Le débat entre la culture de la gagne et de la participation est très compliqué. Reste que l’héritage de Simon Whitfield avec ses deux médailles olympiques sont désormais très loin. L’insatifaction des Canadiens était le seul élément rassurant des Jeux.
Mise au point.
Notre déception n’est pas dans le manque de résultats de nos athlètes, mais dans une répétition sans fin de blessures. Il existe cette spirale.
À l’image de l’athlétisme ou de la natation, tu veux sortir des Jeux en ayant offert ton meilleur niveau athlétique en carrière. Certains y étaient proches. Trimes est très conscient que la blessure est un signe que l’athlète flirt avec la limite et cela est aussi honorable. Il reste que lorsque cette situation est devenu une banalité, les leçons ne sont simplement pas apprises.
L’isolement de la majorité des canadiens s’expliquent (probablement) parce qu’ils sont en mode survie depuis un long moment. Dans leur cas, être sur la ligne de départ était une victoire en soi.
La situation.
Tyler n’accroche pas le premier groupe et il n’est pas le seul.
Andrew Yorke est victime d’une chute accompagnée d’une crevaison, malchance.
Amélie Kretz perd le groupe de tête dans une descente, cela arrive.
Sarah-Anne Brault passe à côté de sa natation, cela arrive.
Kristen Sweetland annonce après la course qu’elle souffre de la maladie de Lyme et là on est dans un tout autre registre.
Notre seule certitude dans ce bilan, c’est que l’on peut dire que sur nos 5 représentants, personne ne partira de Rio avec le sentiment du devoir accompli et qu’il faut désormais gérer la déception pour les remettre en selle.
Lorsqu’on chute, le seul échec c’est de ne pas se relever. Par cela il faut faire preuve de maturité et en tirer des leçons afin d’apporter des changements significatifs. Si rien n’est garanti, il faut au moins tenter quelque chose.
On est allé fouiller dans le passé et on a remarqué que la meilleure performance chez les femmes en 5 olympiades est une modeste 27e place (Sam McGlone en 2004). Le succès olympique du Canada tient à un seul homme, Simon Whitfield.
Pour les athlètes, il faut donc essuyer les plâtres, guérir les corps et les âmes et tirer des leçons de tout cela. Si Tyler Mislawchuk est probablement la note plus positive avec une 15e place à 21 ans et que la carrière d’Amélie Kretz est prometteuse, l’inaction pourrait aussi compromettre leur projet et finir par les rattraper.
L’hypothèse.
Les questions se multiplient dans notre tête. Est-ce que le triathlon canadien est juste malchanceux et que ces nuages finiront par partir ou on est tout simplement dans une culture de la méfiance et du mensonge?
Selon notre impression, le lien est rompu entre les différents paliers. Le départ successif des directeurs hautes performances est sans aucun témoins que quelque chose ne tourne pas rond. La direction ne semble guère intéressé pour mettre les mains dans le moteur préférant concentrer leurs énergies sur de nouveaux événements.
Ces démissions soulignent pourtant le fait qu’il est tout simplement devenu impossible de faire des changements parce que les différents acteurs sont sur la défensive et non la collaboration. Au lieu de travailler ensemble, c’est l’isolement. De l’extérieur, impossible de juger si ceux qui ont résisté avait raison. C’est aussi possible.
Mais comment agir et aider si la personne refuse de vous parler ou de vous écouter?
Kristen Sweetland a annoncé après la course qu’elle était atteinte de la maladie de Lyme et qu’elle avait par conséquent subi de lourds traitements. Cette annonce fut un choc puisque personne n’y était au courant à l’exception de Red Bull.
Lorsqu’un athlète est dans l’équipe nationale, elle doit pourtant s’engager à communiquer ses problèmes de santé. Comme Kristen le dit dans sa communication, elle n’a rien dit pour que le projet olympique ne lui soit pas enlevé.
Évidemment, on tombe dans le jugement. Pour le grand public, c’est inspirant de se dire qu’elle a tout de même réussi à se rendre aux Jeux vus les circonstances et l’on pourrait se dire que les autres Canadiennes se devaient d’être plus fortes pour lui retirer sa sélection.
Maintenant, allez dire cela à celle qui était sur le banc de touche, soit Paula Findlay. Ironiquement, elle avait aussi protégé son projet en 2012 en refusant de prendre part à une course ITU dans les derniers mois. La méthode de validation avait été très vague et après les Jeux, on avait découvert qu’elle avait des problèmes d’anémie.
Conclusion
Nous, on préfère communiquer les bonnes nouvelles. Tout cela nous attriste, mais le changement n’aura pas lieu si tout est passé sous silence.
Dans tout cela, il ne faut pas pointer une personne en particulier mais bien un environment et des liens de confiance brisés. Par où commencer?