Lorsque les objectifs ne sont pas atteints lors des Jeux olympiques, il y a généralement des règlements de compte. Rassurez-vous, d’autres fédérations sont aussi plongées en plein chaos. Malheureusement, dans tous ces débats, un camp a rarement entièrement raison. La vérité est entre les deux et probablement plus proche d’un bord que de l’autre. Il y a une multitude d’événements et détails qui ne sont pas connus ou partagés.
Chez Trimes.org, on apprécie le fait que David Hauss ait souhaité se vider le cœur afin de s’expliquer et surtout d’obtenir des changements. Entre collaborateurs à Trimes, on s’est longuement repassé point par point et on peut vous confirmer que même entre nous, il n’y a pas d’ententes.
David a-t-il raison sur tous les points? Est-ce vraiment la question?
Peut-être que oui, peut-être que non, mais au final, il fera avancer les choses, enfin on l’espère. Certains y voient de l’aigreur dans son geste, nous on préfère y voir une preuve d’amour. Est-ce qu’il crache vraiment dans une soupe qu’il a pourtant appréciée ces quinze dernières années?
Cela reste tout de même un exercice de courage puisqu’il a plus à perdre qu’à gagner. Sa carrière en ITU est derrière lui. Ce conflit entre ancien athlète et structure fédérale n’est pas sans rappeler la confrontation entre le nageur Alain Bernard et le responsable de l’équipe de France de natation, Romain Barnier. Le sujet de dispute est le même, une équipe qui aurait perdu la confiance de ses nageurs.
Lorsqu’il y a un conflit et une dénonciation, dans le cas où les deux camps sont de bonnes foi, il devrait y avoir une explication. Est-ce que David aurait été écouté si cela était resté en interne ? Est-ce que cette communication était réellement nécessaire sachant qu’un nouveau cycle olympique est sur le point de s’amorcer et que certains décideurs seront renouvelés ? Est-ce que l’équipe technique de la fédération n’est pas déjà en train de se remettre en cause?
Chose certaine, la source ultime de ce conflit, c’est que la fédération française de triathlon n’a toujours pas de médaille. David pensait être l’homme de la situation et regrette que la structure ait préféré lui retirer sa sélection puisqu’elle considérait qu’il n’était en mesure d’offrir assez de garanties sur sa forme. Avec du recul, entre sa perte de sélection et les JO, trois mois se sont écoulés. En haute performance, c’est une éternité.
Mais le constat est là, la FFtri repart avec zéro médaille et un seul finaliste (Luis 7e). Selon les objectifs fixés par la fftri, on est très loin de remplir les attentes. On doit donc parler d’échec.
Malheureusement, cette médaille est devenue une véritable obsession et elle a fini par corrompre les attentes. Comme le mentionne David Hauss, tous les espoirs étaient sur les épaules de Vincent Luis. Même si cela était justifié en considérant ses résultats de 2015, en comparaison aux JO de Londres, l’emballage médiatique était indéniable et on continue à se demander si cela a joué sur le résultat final. C’est un équilibre qui n’est jamais simple à trouver. Ce que l’on remarque d’ailleurs, c’est que les médias avaient désigné Vincent Luis comme le seul candidat pour la médaille. Sans ce statut, la triathlon aurait surement eu le même temps d’antenne que pour les femmes, soit presque rien.
Pourquoi cette obsession?
Les raisons sont très simples. Ce sont en partie les résultats olympiques qui déterminent le budget alloué par le gouvernement pour la fédération. Le résultat à Rio aura donc une influence sur les futurs budgets de la fédération. Certains postes étaient en jeu. En contrepartie, la FFtri a su trouver des mécanismes pour trouver d’autres sources de financement. Face à ces enjeux financiers, on a toujours l’impression que les athlètes sont pris dans un piège, mais cela fait parti de la dure réalité du haut-niveau. Il n’y a pas de cadeau.
De plus, les Jeux olympiques offrent une visibilité indéniable et inégalée. L’obtention d’une médaille est généralement accompagnée par une hausse des licenciés (principalement chez les jeunes).
Ces échecs répétés pourraient donc plonger la fédération et ses objectifs de haute performance dans un certain marasme. Soyons bien clairs sur cet aspect, ce n’est pas aux athlètes de prendre le blâme par le fait qu’ils avaient tous des objectifs de performance et non de participation aux JO. Il faut simplement accepter que certains soient meilleurs que soit et continuer à travailler afin de se présenter à son meilleur.
C’est la faute des Brownlee?
Quel serait le palmarès français sans la présence des Brownlees? Ces deux frangins sont un puzzle dont personne ne semble être en mesure de résoudre. Depuis toutes ces années, aucune fédération n’a su trouver la parade pour se rapprocher des deux frangins.
Cette domination vient pratiquement fausser toutes les données actuelles. Cela fait tout simplement 8 ans qu’ils dominent le sport. C’est d’ailleurs lors de l’absence des deux frangins en série mondiale que la France a cru s’être rapprochée du sésame.
Jamais satisfait?
Maintenant regardons l’autre bilan, la France s’est munie d’une collection de champions du monde junior et U23. Pierre Le Corre, Vincent Luis, Dorian Coninx, Aurélien Raphael, Raphael Montoya, Emmie Charayron, Audrey Merle sont tous encore actifs.
Alors que l’on devrait se réjouir de profiter de ces athlètes, certains préfèrent voir le verre à moitié vide en insinuant que ces athlètes n’ont pas confirmé chez les élites puisqu’ils n’ont jamais gagné le titre mondial. Ces projets ne seraient toujours pas arrivés à terme. Pourtant, à l’étranger, la France est jalousée pour sa densité.
On doit effectivement continuer à s’interroger sur le développement de nos athlètes (en termes de profil). À l’image des résultats féminins à Rio que la fédération voit comme très encourageants. Nous on y voit des lacunes inquiétantes. À titre d’exemple, la jeune Américaine de 18 ans, Taylor Knibb a démontré qu’elle pouvait nager et rouler avec Flora Duffy lors de la coupe du monde de Montréal. Elle a aussi très bien fait en WTS sur distance olympique.
Si l’on est heureux de voir la présence de jeunes Françaises au JO de Rio, il reste que le travail à accomplir pour Tokyo est considérable.
Panique et jugement
Faut-il paniquer? Le succès est une question de conjonctures qui se joue sur des petits détails. Une maladie avant une course, une descente après un camp en altitude mal encaissée ou une chaussure qui tombe du vélo lors de cette fameuse course qui à lieu à tous les quatre ans peut remettre en cause toute structure.
Soyons plus rationnel, sur quel aspect doit être réellement jugé le niveau de performance et les mauvais agissement d’une fédération. Est-ce que le nombre de médailles illustre vraiment un système en santé? Et surtout, est-ce que l’athlète peut se retourner contre la fédération en négligeant sa part de responsabilité dans cette cohabitation?
Le Canada est un exemple très intéressant, on pouvait parler d’une fédération maitrisant son sujet avec ses deux médailles (Sydney et Beijing), mais au final, seul un athlète a réussi à obtenir des médailles. Chez les femmes, en 5 olympiades, le meilleur résultat est une 29e place lors des Jeux d’Athènes (2004). La fédération paye actuellement le prix fort pour cette fausse impression de résultats.
À cela, il faut ajouter que le triathlon reste une discipline très ingrate puisqu’il y a qu’une seule épreuve durant les Jeux olympiques. Si le relais était déjà présenté, le sort du triathlon français serait probablement très différent. On peut d’ailleurs faire cette double prophétie, le relais sera présenté à Tokyo et la faire y obtiendra sa première médaille de son histoire.
Où se situe la France ?
Chez les hommes, la France a su constamment générer des athlètes masculins avec le potentiel réaliste d’être finaliste (TOP 8). Il n’y a jamais eu de trou entre les générations. Elle s’est d’ailleurs toujours exposée à des polémiques puisqu’elle a toujours plus de candidats que de places. Cela a laissé des traces. Comme on dit dans le milieu, c’est un problème de riche (en athlète) mais où la structure se doit de se doter de procédures rigides pour se protéger. David Hauss en a d’ailleurs payé le prix fort puisqu’une close a entrainé le retrait de sa sélection. Malheureusement, les règles sont les règles.
Chez les femmes, la situation est nettement différente. Il n’y a pas cette même densité. Sans la blessure d’Emmie Charayron, le bilan serait aussi différent. Audrey Merle et Cassandre Beaugrand ne méritent pas d’être mentionnées dans ce qui est vécu comme un règlement de compte. Ce sont les dernières circonstances qui ont créé une étrange situation.
Emmie Chayraron n’a pas eu la tache facile afin d’obtenir sa sélection olympique. Sa blessure a simplement entrainé un changement politique. Avec du recul, il y a effectivement eu un traitement très différent entre les athlètes et les décideurs en sont conscients.
Emmie n’avait pas été retenue pour le test event en 2015 ni pour la grande finale de Chicago puisqu’elle ne rencontrait pas les critères de la fédération qui sont accessoirement les plus durs de toutes les fédérations internationales. Au vu de ses résultats en début de saison 2016, cela peut paraitre comme une erreur.
La question
Dans l’opération de David Hauss, on espère avant tout que cela va permettre de générer un vrai dialogue entre les différents intervenants. N’oublions pas que ce sont avant tous les athlètes qu’ils doivent performer. Le staff technique ne peut donc que fournir une aide et se montrer solidaire, ou pas dans les succès et échecs. Malheureusement, le niveau d’intervention de la structure fédérale est très variable en fonction des athlètes et peut aussi compromettre certains projets.
Dans le milieu de la haute performance, plus on en sait et plus on a conscience qu’on ne sait rien. Il n’y a aucune vérité implacable.
Les frères Brownlee profitent d’une structure fédérale à Leeds, Shoeman est entrainé par son père. Gwen Jorgensen profite d’un squad international. Nicola Spirig ne fait rien comme les autres. Impossible de dire qu’une structure est meilleure que l’autre.
Quelle valeur faut-il donner aux médailles?
Les exigences des institutions gouvernementales ne devraient-elles pas être avant tout pour créer/maintenir un encadrement capable de supporter les athlètes afin qu’ils puissent atteindre leur plein potentiel et non se confiner autour d’un unique athlète? L’arbre qui cache la forêt abattue. Derrière la réussite d’un unique athlète peut se cacher une dizaine d’athlètes mal traités.
Mais cela ne s’arrête pas là. Il faut mettre des processus en place afin que les athlètes soient en mesure d’exécuter des courses. C’est avant tout dans ce secteur que l’équipe d’encadrement sur les courses se justifie. Le succès des Brownlee n’est pas seulement impressionnant par leur niveau physique, mais aussi par leur exécution lors des courses. Ils ont un contrôle absolu.
Environment positif
Pour atteindre cet objectif, il faut permettre aux athlètes d’évoluer dans un environnement positif. D’après notre expérience, pour maximaliser les chances de réussite d’un athlète, un lien de confiance doit être maintenu. L’athlète doit être heureux dans son projet et se sentir apprécié et supporté. Le système doit savoir s’adapter aux besoins et aux caractères des athlètes. Certains répondent favorablement à la pression et d’autres non. Certains offrent plus de résistances que d’autres. Seuls les athlètes peuvent se prononcer sur ces aspects.
Dans les propos de David Hauss, on ressent que le lien de confiance était brisé depuis quelque temps. Est-ce que le Réunionnais était en droit de réclamer un statut à part compte tenu de sa 4e place à Londres? Est-ce que ces attaques étaient nécessaires sachant que l’équipe technique a déjà comme mandat de se remettre constamment en question? Par les propos de David, on ressent ce besoin que certains acteurs expriment leurs regrets.
Mais ce qui marquera les détracteurs de la fédération, ce sont avant tout les attaques dirigées vers le président Lescure. On peut très bien comprendre le désarroi de David Hauss en voyant la communication où le président demande à ces Olympiens de se faire plaisir et de voir cette course comme un jeu. Ces propos auraient pu rester dans le cercle.
Malheureusement, le décalage entre les élus et les athlètes n’est pas nouveau et semble s’amplifier avec la mondanité grandissante qui accompagne les Jeux. Le décalage entre l’athlète qui doit constamment faire des sacrifices pour obtenir sa sélection olympique et ceux qui font acte de représentation. Il y aura toujours ce doute si ces personnes sont réellement là pour les intérêts du sport et non les siens.
Malheureusement, le sport est devenu comme un produit où l’emballage prend de plus en plus de place. C’est un jeu de surenchères. Pour le sport amateur, les Jeux olympiques sont la seule occasion d’être sous la lumière. On est dans la démesure la plus totale et l’on peut comprendre le désarroi de David.
Il parait que lorsqu’on chute, on peut uniquement parler d’échec si l’on refuse de se relever et de changer.