Phil Maffetone, bien connu du monde du sport pour avoir crée une méthode d’entraînement portant son nom et basée sur du travail à basse intensité a été mis à contribution par une triathlète professionnelle qui souffrait d’une baisse de performance. Il a ensuite écrit un article avec Paul Laursen qui sera publié dans l’édition de Juillet 2017 de l’International Journal of Sports Science and Coaching. Ce n’est donc pas une étude scientifique telle qu’on l’entend dont nous allons parler, mais d’une étude de cas, et nous reviendront sur cet aspect à la fin de cet article.
Revenons à la genèse de cette collaboration : une triathlète professionnelle qui parcourt le circuit Ironman et fait face à :
- une baisse de performance,
- une fatigue excessive,
- une faim chronique sévère,
- des soucis gastro-intestinaux (dont de sévères problèmes en course telle que diarrhée avec présence de sang), et
- d’autres problèmes de santé, cohérents avec un problème de surentraînement.
Cette athlète s’entraîne 30 heures par semaine, elle a une formation de médecin, mais n’hésitera pas à chercher de l’aide auprès d’un spécialiste comme Maffetone.
L’approche fut de réduire la charge d’entraînement de 30 à 18 heures dans un premier temps, avant de remonter à 24 heures par semaine, en conjonction avec un changement de régime alimentaire
Alors que la majorité des athlètes utilisent des régimes riches en glucides (et particulièrement en sucres ’lents’), le choix s’est ici porté sur un régime faible en glucides et élevé en lipides (gras), ce qui en anglais est appelé LCHF (Low Carbohydrates – High Fat). L’idée sous-jacente étant de favoriser l’usage des graisses. La transition s’est effectuée progressivement sur une période de 6 semaines pour atteindre un régime composé à :
- 12% de glucides (contre 73% initialement),
- 75% de lipides (contre 14%),
- 13% de protéines (niveau inchangé),
Pour un totale d’environ 2700kCal quotidien.
Du coté de l’entraînement, le volume fut revu à la baisse, tout comme l’intensité. Les exercices à haute intensité furent éliminés, et la fréquence cardiaque moyenne fut légèrement réduite. La répartition des efforts entre disciplines semble être restée inchangée (4h de natation, 8h de vélo et 6h de course à pieds sur la période à 18heures).
Dans les 2 mois, l’athlète témoigna d’une énergie renouvelée à l’entraînement comme en dehors, de moins de sensation de faim et de fatigue, ainsi qu’une réduction du besoin de sieste. Dans le même temps, sa puissance à vélo augmenta de 20W et sa vitesse à pieds augmenta de 12 à 15 secondes au kilomètre à pulsations constantes. Aussi, elle devint capable de se passer d’alimentation lors de ses entraînement d’une durée de 4 heures et moins, hormis une consommation évidente d’eau. Le poids de cette triathlète passa de 61kg initialement à 55kg, puis se stabilisa autour de 56-57kg, témoignant d’une baisse de poids malgré un régime plus gras.
En compétition, après une période d’affûtage (tapering) de 2 semaines, et un petit déjeuner étudié et testé, le succès fut au rendez-vous avec 2 meilleures performances en 3 épreuves sur distance Ironman, dont une en 8h52. Par ailleurs, sa consommation de calorie en course s’est énormément réduite passant de 400 kCal/heure à 130 kCal/heure lors de la dernière épreuve (respectivement 175, 145 et 130kCal pour les 3 épreuves)… Les signes et symptômes de détresse gastro-intestinale disparaissant par la même occasion.
Quelles sont les limites de cette étude de cas :
Justement : c’est une étude de cas, basée une seule personne, il nous faut donc résister à la tentation de la généralisation. Cela ne prouve pas que cela marche de façon générale, juste que cette approche a fonctionné sur cette triathlète. Y a t il un effet de seuil (un minimum d’entraînement nécessaire à ce que cette approche marche ? ou un maximum en terme d’intensité (IF) au dessus duquel cela ne fonctionne plus ?) Y a t il d’autres paramètres individuels ? Est-ce généralisable ? Nous ne le savons pas, ce n’est pas l’objet de ce document. Par contre, cela offre une piste à tester pour ceux qui connaissent les mêmes soucis gastro-intestinaux en fin d’épreuves et qui ont déjà essayé sans succès d’autres méthodes.
Un seul sujet, pas de double aveugle, des mesures manquantes pour pouvoir conclure (comme une mesure de consommation de lipide a l’effort), et par-dessus tout le cumul de 2 problèmes (surentraînement et digestif), remédiés par l’apport de 3 changements (volume, intensité et régime alimentaire). Est-on sûr que les deux problèmes n’étaient pas liés ? Que la solution ne vient pas que d’un seul changement ?
Bien sur, il est tentant de considérer que l’approche est cohérente : apporter du gras et favoriser une filière lente parait logique, mais l’étude nous laisse, pour ainsi dire, sur notre faim (!).
Qu’est-ce que cela nous apprends :
Que pour un athlète donnée, il semble qu’on puisse améliorer la consommation de gras par l’usage de ces différents leviers, avec des bénéfices pour sa santé et comme pour la performance.
Qu’il existe peut-être une approche alternative pour tous ceux qui ont des soucis digestifs sur Longue Distance. A défaut d’étude complète et définitive, tester cette approche peut être une option pour ceux qui se désespèrent et ne peuvent exécuter une course pleine. Par contre, il est préférable de voir un spécialiste médical avant et pendant une telle démarche. Il faut aussi réaliser la pénibilité d’une tel régime alimentaire qui est difficilement compatible avec la vie normale d’un non professionnel. Mais si vous faites le pari, prenez des notes et transmettez-les nous après coup, que cela ait marché ou non, il est toujours intéressant d’en savoir plus!
Qu’une triathlète professionnelle, elle-même médecin, aille voir un coach spécialiste pour régler un problème, démontre une fonction essentielle d’un coach : apporter un regard externe, neuf et connaissant sur un problème. (Non, je n’ai aucun intérêt à dire cela, je ne suis pas coach!)
Les questions que cela continue de soulever :
L’utilisation des graisses sur les épreuves d’endurance est un sujet qui passionne et qui est régulièrement testé et questionné, comme Torbjørn Sindballe l’avait déjà fait et exposé dans un article nommé « Comment utiliser ses graisses comme carburant », Brett Sutton, lui, même s’il se garde de parler de consommation de graisse, conseille régulièrement à ses athlètes longue distance de manger plus de gras, car d’après lui c’est nécessaire. Mais au final, nous n’avons pas de protocole claire soutenu par une étude, nous permettant d’assurer que cette transition fonctionne de façon générale et statistiquement démontré. Nous commençons par contre à avoir des éléments des preuves individuels, et des pistes à continuer à explorer comme Sindballe ou Maffetone aujourd’hui viennent de l’exposer.
Dans un monde où les sucres et l’argent sont liés, comme dans le sport où le business des boissons énergétiques et gels en tous genres est florissant, il est logique de s’attendre à une contre étude qui dira exactement le contraire. Qui croire dans ces conditions ?
Toujours est-il que ceci vient s’inscrire dans un mouvement de fond de remise en cause des sucres, et de questionnement de l’idée historique que les gras sont néfastes, comme le montrent ces articles américains (1 et 2). Peut-être que de nombreux changements sont à venir, qui sait?