Dring Dring Dring. Salut Alex, c’est Radio Canada, tu pourrais intervenir sur le piratage de l’AMA (Agence mondiale antidopage) par le groupe « Fancy Bears » ? Cela tombe bien, je m’étais déjà penché sur le sujet. Les premières révélations étaient sur les soeurs Williams et une gymnaste. De la manière dont le dossier était présenté, tout cela devait être absolument scandaleux.
Pourtant, en regardant les documents, cela n’était pas aussi simple. En effet, les athlètes ont fait des demandes devant des commissions pour des AUTs (autorisations d’usage thérapeutiques), et elles ont été approuvées.
La récente championne olympique, Simone Biles est traitée pour déficit d’attention et hyperactivité. Connaissant l’importance de la concentration dans ce sport, est-ce que la médication lui a juste permis de combler un handicap, où au contraire, d’en tirer un avantage ? La question mérite d’être posée.
Depuis, plusieurs autres noms sont sortis et l’on remarque, par exemple, que près de 70% des athlètes Britanniques sont traités pour des problèmes d’asthmes… Encore hier, on pouvait lire un article très intéressant sur le journal britannique, The Telegraph essayant d’expliquer les raisons de ce phénomène. Selon eux, puisqu’un élite répète des efforts intenses, il serait plus exposé à développer de l’asthme. D’ailleurs, ces produits pour traiter l’asthme n’ont aucun effets sur les non-asthmatiques. Il faut donc aller chercher ailleurs…
Mais est-ce vraiment l’unique explication à ce regain de médication à usage thérapeutique ? Petit à petit, n’est on pas face à une forme de dopage légale? Dès lors que l’athlète en tire un certain avantage…
La première question qui se pose est comment prouver que l’athlète a réellement un problème de santé assez sérieux pour justifier une médication dopante. Il suffit finalement d’un docteur assez complaisant pour déjouer le système… Est-ce que je peux simuler un déficit d’attention, une irritation/inflamtion?
L’exemple qui fait le plus parler en ce moment est celui de Bradley Wiggins. Le britannique semble être la principale victime de ce scandale. Son usage de Kenalog (triamcinolone acétonide) lors de son passage avec l’équipe Sky reste très troublant puisque c’est l’un des corticoïdes les plus puissants. Le motif était une allergie au pollen. Elle s’est à chaque développée avec les grands tours.
Malheureusement, l’usage de la corticoides chez les cyclistes est une problématique qui s’allonge. Déjà dans le rapport de l’UCI, cela était mentionné. Rien n’a pourtant été fait pour changer cela. Pourquoi? Parce que l’on fait face à une problématique éthique ou l’athlète est perçu par défaut de bonne conscience.
Malheureusement, difficile de savoir si des athlètes se sont fait refuser des AUTs et donc, s’il y a un mécanisme pour punir ceux qui tentent de détourner le système en se procurant une exemption non nécessaire pour un produit lui permettant d’améliorer ses performances.
Pourtant à en croire le site spécialisé dans l’information sur la lutte contre le dopage, Sports integrity initiative, on parle d’un taux de succès aux demandes de 47,3% pour la France, 91,1% pour l’Allemagne et de plus de 60% pour l’Australie et les États-Unis.
La recherche de Sports integrity est d’autant plus édifiante puisque 63% des AUTs recensées viennent de trois nations, soit les États-Unis, l’Australie et la France. Il faut mieux prendre ces chiffres avec des pincettes puisque la Grande-Bretagne n’en fait pas partie et qu’il est très possible que certaines agences antidopage nationales n’ont tout simplement pas communiquées leurs vrais chiffres. De plus, elles n’utilisent pas toutes les mêmes critères pour comptabiliser leurs données.
À nouveau, seule l’AMA à l’opportunité de nous donner l’heure juste sur ce problème. La seule donnée connue est que les athlètes profitants d’une AUT avait augmenté de 48% entre 2014 et 2016.
Source: sportsintegrityinitiative.com
Le débat.
Est-ce qu’un athlète ayant des problèmes de santé mineur doit abandonner son rêve de courir au plus haut niveau? Cette question pourrait être simple si les systèmes n’y voyaient pas une faille afin de détourner les règles. Dans notre cas, on peut même penser que des athlètes propres se voient obliger de suivre la tendance pour ne pas être des victimes.
Ce qui est fascinant dans ce dossier, c’est que l’AMA connait parfaitement les athlètes sous AUTs et peuvent donc facilement regrouper les données pour comprendre si certaines nations ou regroupement abusent des autorisations d’usage thérapeutique.
Depuis quelques jours, plusieurs personnalités réclames que les AUTs soient publiques. Mais à nouveau, c’est un autre débat, tout aussi compliqué qui apparaît, à savoir le respect du secret médical.
L’AMA préfère ne pas rendre public ce dossier. Pourquoi? Tout simplement parce que cela viendrait à populariser ces pratiques. D’autant qu’un amateur peut aussi se munir d’une AUTs. Est-ce que le médecin voudra réellement se lancer dans une analyse… où il répondra tout simplement positivement à la demande de son patient.
S’il y a probablement assez d’éléments pour réclamer plus de transparence, on est toujours dans une certaine hypocrisie. La lutte contre le dopage reste incroyablement opaque. Il est pratiquement impossible de savoir combien de fois, quand et comment un athlète a été controlé.
Lorsque l’une des figures marquantes qui gagne plusieurs médailles olympiques ne subit aucun test sanguins hors compétition par son agence nationale d’antidopage, il y a assez d’éléments pour étendre le débat et se poser les vraies bonnes questions.
Dans les différents rapports de l’AMA, on reste étonné par le déséquilibre dans les efforts mis en place par les différentes fédérations nationales antidopage. Certaines nations de l’Est ne font pas plus de 10 contrôles par an, tout sports confondus. On ne comprend toujours pas pourquoi les nations ne se font pas imposer des quotas strictes. Pourquoi les fédérations internationales ne rendent pas publiques leurs chiffres. Encore aujourd’hui, il est tout simplement impossible de savoir le nombre de tests qu’un champion olympique subit durant l’année.
De plus quand une nation achète ou investit énormément d’argent dans un athlète, est-ce qu’elle peut réellement s’avérer impartiale ? Si la Russie a été sacrifiée, est-ce que certaines nations n’obtiennent pas des résultats similaires avec des méthodes plus discrètes?
Alors voilà, avant de réclamer que les AUTs soient rendues publiques, pourquoi ne pas aller directement à la source du problème pour savoir si les différentes nations jouent déjà vraiment avec les mêmes règles? Si certains ont abusé des AUTs, cela n’est pas parce qu’ils ont trompé les autorités mais bien parce que l’on les a laissé exploiter un flou juridique.