Retour de la chronique de l’élite anonyme. Les principes de cette catégories est d’offrir une vitrine permettant à des athlètes de s’exprimer sur des sujets qui leurs sont importants.
Depuis une vingtaine d’années, la pratique sportive connaît un réel essor à travers le monde. En effet, l’économie de celui-ci occupe 3% de l’économie mondiale, autant que le secteur du textile ou de l’automobile. Des salles de sport bourgeonnent à chaque coin de rue, de plus en plus de personnes sortent faire leur workout, et surtout ils n’oublient pas de le mentionner sur les réseaux sociaux, à coups de hashtags de la marque de leur tee-shirt. Pourquoi?
Une des raisons est l’imitation. Nous sommes bombardés par des images de beaux jeunes sportifs en train de faire leur WOD, un footing, ou de discuter au bord d’un bassin. Et souvent ce ne sont pas des inconnus, mais des sportifs professionnels qui prêtent leur image pour une marque.
À quel prix pour notre carrière?
Notre société demande sans cesse à voir plus beau, plus brillant qu’avant, et du spectacle aussi. Beaucoup de spectacle. Cela va sans contredire une des valeurs olympiques: “l’excellence”.
Cela requiert de l’athlète un certain niveau de performance, ce qui implique un entraînement intense.
Le revers de la médaille (reportage Arte) l’explique très bien. Les médias du sport business créent plus d’obligation de victoires, ce qui demande plus d’entraînement, afin de satisfaire les médias et un public assoiffé de spectacle, qui attirent les publicitaires, sponsors etc., boostant l’économie, nous faisant revenir à notre point de départ.
L’économie est aujourd’hui le but ultime du sport, et non plus un moyen de développement.
À chaque jour, nous voyons la place de sportifs renommés s’agrandir dans notre quotidien. À l’effigie de grandes marques, dans des reportages, ou, et surtout, sur les réseaux sociaux. Avec snapchat par exemple, nous vivons leur quotidien à leur côté, avec leur famille, à l’entraînement, chez eux, ou, grand préféré de certain, dans leur assiette. Ces attaches avec leur fans boostent la popularité des sportifs devenus célébrités, profitant aux sponsors et partenaires, qui sont essentiels à leur “survie”.
Un athlète de haut niveau, surtout du côté des sports d’endurance, a beaucoup à s’entraîner. Mais d’un autre côté, il doit chercher des moyens de financer sa pratique. Beaucoup de nous ont recours à des mécènes, des contrats avec des entités publiques ou privées. D’autres travaillent. Mais la plupart des professionnels ont un partenariat avec une entreprise qu’elle doit mettre en avant à travers ses performances, ou de leur image.
Une part de la publicité des firmes de produits sportifs se fait à travers leurs athlètes qui utilisent leurs produits. Donc un athlète qui fait de bonnes performances, c’est bon pour leur image, et donc pour leurs revenus. Face aux enjeux reliés à ces investissement, certaines entités sont suspectées d’aider illégalement les athlètes pour améliorer les prestations de leurs protégés, et même, en cas de découverte les aider à rester propres aux yeux du monde.
Pour espérer vendre plus de chaussures que la société rivale, il faut que ses coureurs soient meilleurs que les leurs, et il ne faudrait pas qu’on pense qu’elle travaille avec un tricheur!! On comprend la logique, mais pas l’éthique.
L’athlète est aussi utilisé pour d’autres raisons.
La domination sportive a été un signe de puissance mondiale, ou de développement. Les récents développements Russes confirment cette implications politiques.
Comment un sportif peut-il pratiquer sereinement et proprement sa discipline s’il est poussé à se doper par sa fédération?
Tout cela exerce des contraintes. Bien que les réseaux sociaux, créant un pic de dopamine pour chaque Like ou commentaire, fassent grand plaisir à ces nouvelles stars qui en reçoivent par milliers, il y a toujours un revers. Les critiques touchent la personne directement, et il y a une obligation de faire faire de la pub pour les contrats de sponsoring.
On demande donc plus à l’athlète que d’être un simple coureur, tennisman, ou triathlète. N’est-ce pas lourd sur ses épaules à la longue? Où est-ce une simple tâche qui fait partie de son métier, comme le commun des mortels?
Ces obligations sur l’athlète par les sponsors, l’état, les diffuseurs, à toujours faire mieux, à donner toujours plus de spectacles lui mettraient une pression et un stress supplémentaire. Certes, c’est sûrement aussi l’objectif de l’athlète que d’être le meilleur. Mais une obligation de résultat peut conduire à des pratiques qui sont contraires aux deux autres valeurs olympiennes: l’amitié et le respect.
“L’athlète d’avant”, celui qui n’était pas un pion dans le monde du marketing ou de la politique, n’était-il pas plus sain? Plus réel? Plus humain?
Serait-il préférable de retrouver un sport où on courait pour une autre raison que d’honorer un contrat, un sport où on ne disait pas “moi les deux seules choses que je sais compter, c’est mes tours de piste et mes billets”, où l’athlète n’est pas simplement utilisé pour montrer la supériorité (du système de dopage) d’un pays, où son résultat n’est pas juste une stratégie de marketing d’une FTN?
Malgré cela, on admirera toujours ces surhommes et femmes qui nous servent de modèles et d’inspiration, et on n’oubliera pas le récent geste tant commenté d’Alistair qui nous prouve que la camaraderie dans ce milieu si hostile n’a pas encore disparu.
L’obligation de toujours faire mieux met continuellement plus de la pression sur l’athlète. Certes, c’est sûrement l’objectif de ce dernier de faire le meilleur de ce qu’il a pour les raisons personnelles de chacun d’entre eux. Mais dans ces engagements à forfait, on peut être poussé à omettre des actions qui ne collent plus aux valeurs olympiques: l’amitié et le respect. Quand on est poussé, on pourrait franchir la ligne pour faire ce qui est requis (dopage, surentraînement, courir en course avec une blessure, risquer sa santé pour plus tard.
N’était pas plus simple, ludique, et agréable à se souvenir du sport à son commencement? Avant que l’économie ne pointe son nez dedans et n’aspire toutes les valeurs. (Bien qu’elle fait croire qu’elles sont à la base de son but, elle ne veut que répondre au mantra “ une économie qui croît est la bonne”).
Au temps ou l’on ne connaissait pas bien les athlètes, où ils ne couraient pas pour ne pas se faire virer de leur contrat, au temps où ils voyaient autre chose que la prime à l’arrivée, ou au temps où ils ne disaient pas “ moi je sais compter que deux choses dans la vie: les coups de bras et les billets”, au temps où on regardait l’athlète pour qui il était et non pour ses chaussures, ou la blessure était acceptée…
Ça marche bien pour l’économie et les entreprises qui utilisent ces sportifs comme des produits de marché. Lorsqu’un athlète n’est plus efficace, on passe au suivant.
Mais le sportif y trouve son compte également, qu’il soit financier ou matériel, est-il vraiment conscient des implications dans cet engagement.