Nathan Grayel est passé un peu inaperçu au milieu de la génération des Coninx, Montoya, Bergere, Hueber-Moosbrugger. Il n’a pourtant jamais été très loin avec 2 podiums aux France jeune en cadet et junior. Investissant plus à chaque année, il voit ses efforts récompensés avec un podium sur la Coupe d’Europe de Holten. Il perd la course pour une seconde où il se fait battre au sprint par un certain Raphael Montoya.
À 21 ans, est-ce que tout reste possible ou personne n’attend Nathan.
C’est seulement lors de ton podium à la Coupe d’Europe à Holten que l’on t’a remarqué. As-tu des fois l’impression d’être né à la mauvaise époque? Je veux dire par là qu’entre Montoya, Bergère, Hueber, Coninx, c’est difficile d’intéresser la fédération non?
C’est à mon avis une chance de courir avec des athlètes d’un tel niveau. Ça m’a surement fermé quelques portes, notamment sur des stages, etc. Mais quand on sort des catégories jeunes, on court contre tout le monde! Une génération très relevée facilite donc, je pense, la transition en élite.
Et les voir performer sur circuit international m’a toujours motivé à donner plus à l’entrainement pour pouvoir faire la même chose plus tard.
Est-ce que tu as senti que ta performance à Holten a changé les choses? D’ailleurs, tu n’as jamais été si loin avec 2 podiums nationaux en cadet et junior.
Personnellement, cette course m’a beaucoup apporté en confiance notamment : je sais que je peux performer sur une course assez dense. C’est rassurant et motivant. Les podiums jeunes avaient de la valeur, mais cela restait chez les jeunes justement… Le vrai challenge, c’est après ces catégories-là.
Sinon, Holten a changé les choses dans le sens où on a parlé un peu plus de moi. Mais c’est tout. Je n’ai réalisé aucune sélection pour un championnat, aucun stage ne m’a été proposé… Donc finalement la situation n’a pas bougé !
Mais l’on peut parler de retard dans ton cheminement, si on te compare aux autres, cela devrait aussi s’avérer un point fort parce que tu as une vie plus équilibrer (étude VS sport), cet investissement devrait te permettre à pouvoir en faire plus dans le sport plus tard non?
C’est vrai que j’ai une certaine marge dans l’investissement que je peux mettre dans le sport. Même si je m’entraine sérieusement, je pense être loin des volumes d’entrainements des meilleurs de ma génération, et de manière générale du volume nécessaire pour faire du très haut niveau. Mais comme tu le soulignes, j’ai aussi pas mal de retard. On verra si j’arrive à le combler !
D’ailleurs, en étant au club de St-Etienne en D2, cela ne t’a pas permis de te confronter les meilleurs en grand-prix… Pourquoi résister à la tentation d’aller en D1 plus tôt?
Les déplacements sur le circuit D2 sont des déplacements sympas, entre potes. Ce sont les seules fois de l’année ou je cours avec eux et il y a en plus un résultat par équipe. C’était donc une vraie source de plaisir et c’est aussi pour ça que je fais du triathlon !
Je ne regrette pas du tout. En plus, le circuit D2 présente des courses relevées. Je ne suis pas sûr que monter sur le circuit D1 plus tôt m’aurait davantage appris que les courses que j’ai faites.
Est-ce qu’on apprend plus en finissant 40e sur une D1 que 5e sur une D2 ? Je ne pense pas. De toute façon, les véritables objectifs sont sur les coupes d’Europe. Même si les D1 sont un super moyen de se frotter aux meilleurs, les sélections se font sur le circuit ITU…
Selon toi, qu’est-ce qui te manquait pour battre les meilleurs de ta génération?
Je ne sais pas si les études sont une raison. Mais c’est beaucoup trop facile de dire que c’est à cause de cela ! Dans les catégories jeunes en tout cas, j’étais au lycée donc ça ne comptait pas. Je n’étais pas encore prêt à mettre l’investissement nécessaire en triathlon, je pense.
Et peut-être qu’il me manquait aussi un brin de talent ! À partir de junior, j’ai essayé de mener les deux à bien, sans prioriser l’un ou l’autre. Cela m’a certainement fait prendre du retard en triathlon. Mais même sans les études on ne peut pas savoir si mon niveau aurait été équivalent à celui des meilleurs. C’est de toute façon un équilibre dont j’ai besoin.
Et j’imagine que tes 20h de cours doivent occasionnellement jouer sur ta motivation… Les haut et les bas de la haute performance quoi…
C’est sûr qu’il y a des périodes plus compliquées que d’autres…en période d’examen ou à la fin d’un projet, je n’ai pas toujours les conditions idéales pour me reposer et m’entrainer. Évidemment, la motivation en est affectée. Mais en passant par des périodes comme ça, faire une perf’ ou progresser à l’entrainement est encore plus savoureux ! Ça m’aide à développer une certaine rigueur qui me servira surement plus tard.
Et puis j’ai deux bons groupes de copains sur Lyon et Sainté qui m’aident à garder la motivation toute l’année.
Je sais que tu es entrainé par Christophe Bastie, il est surtout reconnu pour la longue distance…
C’est assez difficile pour moi de comparer, puisque Christophe m’a toujours entrainé. On fait beaucoup d’entrainement à basse intensité, et pas mal de vélo. On met peut-être un peu plus l’accent que d’autres sur certains points techniques, comme la cadence de pédalage à vélo, ou le travail de fréquence à pied.
Sachant que des athlètes très jeunes réussissent désormais en 70.3, vous n’avez jamais envisagé la longue distance?
Je sais que Christophe a la réputation d’entrainer ses athlètes pour le long, mais nous n’en avons jamais parlé. Il ne me voit pas du tout passer sur ce format de toute façon. Son but n’est pas de faire passer les jeunes sur le long, mais plutôt d’inciter chacun à s’exprimer sur le format qui correspond le mieux à ses qualités et faiblesses (Arthur sur XTerra, Jérémy sur long…)
Et pour être honnête, le long ne m’intéresse pas pour l’instant. Peut-être que cela changera, mais ce n’est pas d’actualité..! C’est un effort plus solitaire. Ce que j’aime dans le court, c’est être aux contacts des autres, se bagarrer pour avoir une bonne place en arrivant sur la 2e transition… La gestion est différente, on ne peut pas gérer que par rapport à soi-même et sa force. Là il faut s’adapter et c’est ce que j’aime !
Est-ce que tu profites tout de même d’un groupe d’entrainement? Même si vos besoins sont différents. Est-ce que tu peux partager des sessions avec Denis Chevrot?
Oui on a un bon groupe d’entrainement avec Christophe, autour notamment du centre de formation de la Loire. Je partage régulièrement des entrainements avec Denis, mais aussi Jérémy Jurkiewicz, Arthur Forissier et aussi des plus jeunes comme Félix Forissier, tout récemment vice champion de France triathlon junior… Les besoins sont différents, mais on arrive quand même à se retrouver sur quelques séances.
Christophe arrive de toute façon à adapter à chacun. Et je pense que ça sert à tout le monde ! Jérémy et Denis nous font mal sur les séances un peu longues, mais on essaye de les tirer au mieux (voire parfois de les faire péter si on peut… !) sur les séances un peu explosives.
Cela crée aussi une certaine émulation, je pense, et c’est sympa.
Comment tu te décrierais comme athlète? Point fort point faible?
Mon point faible est incontestablement la natation. Je suis trop dépendant de la dynamique de course. Je n’ai pas de réel point fort, je ne suis pas encore au niveau des meilleurs coureurs ou rouleurs… Peut-être qu’une de mes qualités est d’arriver à bien prendre ma chance quand elle se présente. Sinon rien de spécial…
Et ton développement, as tu le sentiment de continuer à progresser dans les trois sports ou tu fais déjà face à certains paliers?
Le principal limiteur pour moi c’est le temps jusqu’à présent. J’ai continué à bien progresser à pied et en vélo cette année. Ma progression est plus compliquée en natation. Mais j’étais encore jusqu’à présent limité aussi par les créneaux horaires et donc par le volume… J’espère que ces limiteurs apparaitront le plus tard possible bien sûr, mais j’ai bien peur qu’ils arrivent en premier en natation.
Quels sont les athlètes que t’inspires le plus et pourquoi?
Dans mon développement plus jeune, la présence de Jérémy à l’entrainement m’a beaucoup aidé. Dans la tête surtout. Il est très fort mentalement, et j’ai toujours trouvé sa capacité à tout donner assez impressionnante. J’ai parfois pris quelques charges qui avec le recul, m’ont aidé à tout donner aux moments « clés ». Dans l’investissement, c’était aussi un exemple. Quand il y a 3h à 4h à faire en vélo par exemple, il en fait 4.
Des petits exemples comme ceux-ci m’ont montré quoi faire si je voulais réussir. Et puis forcément le voir évoluer à son niveau quand on est jeune c’est motivant ! Sinon j’aimais beaucoup la philosophie de Laurent Vidal, de se concentrer sur le processus d’entrainement et de progrès, plutôt que sur les résultats.
Quels sont tes rêves?
Le rêve c’est les Jeux…
Photo par Lucie Andruejol