Salut, Dr Trimes, je m’interroge sur la notion d’ être pro quand je regarde le classement de Kona. Certains groupes d’âge sont devant des pros, juste sous les 9h00 ou un peu au-dessus. Est-ce les pros qui sont passés à côté de leur course, fatigués ou que certains groupes d’âge sont alors presque aussi performants que les moins bons des pros?
Je prends l’exemple du français Stéphane Mettier, groupe d’âge 40/45, qui travaille à la boutique Tri Running Lorient, pas loin de chez moi en Bretagne. Il termine en 9h11, devant Bertrand Billard…
On va utiliser un terme à la mode, il est important de ne pas faire d’amalgame. Il n’y a pas si longtemps, ce débat était plus hasardeux. Ils existaient des amateurs avec de meilleurs aménagements de leur temps que des pros. À titre d’exemple, pré 2014, Cyril Viennot était pro tout en étant professeur d’E.P.S et l’on connaissait aussi des athlètes amateurs qui prenaient une année sabbatique pour vivre à fond le rêve de se qualifier et de compétitionner à Kona. Tout cela est du cas par cas.
Mais tout cela a évolué ces dernières années avec l’instauration d’un système qualificatif à point pour Kona. De plus, la WTC (Ironman) a augmenté son prix pour obtenir son statut pro. Si l’on peut toujours retrouver des amateurs chez les pros et vice versa, la densité chez les professionnels est en constante amélioration.
Maintenant, il faut comprendre les exigences actuelles chez les pros. Il faut au minimum 3500 points pour se qualifier. Une victoire en Ironman équivaut à 2000 points. La WTC a instauré un système qui récompense les athlètes qui qualifient pratiquement automatiquement les 12 premiers de l’édition précédente de Kona.
Pour le reste, à moins de gagner une course dite championnat régional/continental (4000 points) ou obtenir un résultat marquant sur les championnats du monde 70.3, les athlètes sont forcés à marquer le maximum de points sur 4 courses.
En gros, ces athlètes sont justement des professionnels et ils doivent gagner leur vie. Pour cela, ils doivent courir fréquemment afin de gagner des bourses et aussi offrir une belle visibilité à leurs sponsors. On est effectivement très loin d’un Jan Frodeno qui s’est limité à faire le minimum avec seulement un ironman.
Certains athlètes dont les Allemands peuvent se reposer sur des supports financiers majeurs. Il existe de plus en plus une corrélation qui semble démontrer que les athlètes courant le moins obtiennent les meilleurs résultats à Kona. Patrick Lange et Sebastien Kienle n’ont fait qu’un ironman cette saison. Il s’agit du minimum pour se qualifier.
Dans cette logique, lorsqu’un athlète doit accumuler les courses, il vient interrompre ses blocs d’entrainements.
Maintenant, revenons au point principal. Plusieurs pros n’ont tout simplement pas eu des courses à leur potentiel. Comment expliquer cela? C’est simple, ils font la course contre des adversaires et non contre un temps. Lorsqu’un pro sort de l’eau sa seule obsession, c’est de revenir sur le groupe de tête. La course est nettement plus stratégique. De plus, rapidement, l’athlète n’est plus éligible pour une course et il n’y a plus assez de points en jeu pour que cela soit significatif pour la saison suivante.
Un pro peut aussi bien casser moralement que décider de couper l’effort afin de ne pas s’entamer et rentrer rapidement dans un processus de qualification pour 2018. On note d’ailleurs que 70 pros masculins seront au départ d’Ironman Barcelone ce week-end.
De plus, les conditions de la course entre les pros et les amateurs sont très différentes. Face à la densité chez les amateurs, un athlète qui multiplie les dépassements vient forcément en tirer un avantage. Certains ont possiblement bénéficié d’un groupe (on reste dans la spéculation, mais c’est impossible d’ignorer cet aspect).
Donc au final, il faut féliciter les très belles performances de certains amateurs comme celle de Stéphane Mettier en 2016, mais il ne faut pas nécessairement le comparer avec les pros, les enjeux et le déroulement de la course sont tout simplement trop différents.