Texte par Mathieu Soss.
Le week-end dernier, Dimanche 9 octobre, se tenaient les 22e championnats du Japon de Triathlon à Tokyo. Une édition qui a vu sacrer Hirokatsu Tayama pour la dixième fois de sa carrière chez les hommes et Ai Ueda, médaillée de bronze sur les séries championnats du monde 2016, chez les femmes. Deux athlètes malheureux aux Jeux Olympiques de Rio cet été.
Connue pour ses typhons, la région de Tokyo n’épargnera pas les concurrents et les spectateurs d’une pluie fine en début de matinée. Mais il en faudrait davantage pour décourager les supporters japonais venus assister à l’événement. Avant de parler de la dimension sportive du triathlon japonais je me dois de dire quelques mots sur l’ambiance générale de ces championnats du Japon.
L’enthousiasme des supporters est sans aucun doute ce qui m’a frappé en premier lieu. On y rencontre des passionnés venus des quatre coins de l’île pour venir encourager l’élite de leur sport, aucun évènement « open » n’est prévu et pourtant ils sont des dizaines de provinciaux à avoir fait le déplacement jusqu’à la capitale pour suivre la course en direct. Fan clubs, amateurs, familles, invités d’honneur, V.I.P, autant de spectateurs qui prennent visiblement énormément de plaisir à encourager la centaine de triathlètes qualifiés pour ces championnats nationaux.
Les Japonais venus pour donner de la voix font aussi preuve d’imagination ; oriflammes aux couleurs des clubs, panneaux d’encouragement, éventails customisés à l’effigie de leurs idoles, tout un tas d’ustensiles qui rajoutent un peu plus de couleurs et de ferveurs aux supporters nippons. Ici, chacun défend son athlète, son favori, souvent parce qu’il vient de la même région ou du même club. Chose d’autant plus frappante lorsqu’à l’issue de la course chaque compétiteur présent dans le Top 8 fait un discours de remerciement devant une petite assemblée de supporters venus pour l’encourager.
Enfin, un résumé des courses sera diffusé sur la chaine nationale NHK BS1 le 24 octobre prochain en première partie de soirée, de 20h à 21h30, ce qui ne correspond pas tout à fait au « prime time » japonais puisque les programmes principaux sont généralement diffusés à partir de 19h, mais cela montre tout de même la volonté de la part des organisateurs de médiatiser leur événement ainsi que l’intérêt de la part des chaines de télévision pour le triathlon.
Concernant la prestation sportive, il apparaît très vite que le niveau proposé est assez hétérogène, avec un groupe de 4-5 coureurs qui parvient à se détacher dès la partie natation et qui se disputera la victoire finale. Si en France nous sommes habitués à quelques échappés, mais bien souvent à de gros paquets de rouleurs attendant la course à pied pour se départager, au Japon la densité ne permet pas ce genre de scénario de course.
Aussi bien chez les femmes que chez les hommes, le podium était plus ou moins connu d’avance compte tenu des performances de chacun, et les faits ne sont pas venus contredire les pronostics.
Cela peut s’expliquer par la politique de la fédération qui soutient un petit nombre d’athlètes au sein d’une équipe nationale disposant de nombreux avantages, créant un écart conséquent entre athlètes « nationaux » et les ceux se débrouillant par leurs propres moyens. Au Japon, peu d’athlètes peuvent se tourner vers leurs clubs pour les soutenir comme c’est le cas en Europe et plus particulièrement en France et en Allemagne. Néanmoins une jeune génération de triathlètes japonais qui viennent bousculer quelque peu leurs ainés tire le niveau général vers le haut. Car c’est malheureusement ce manque de densité qui fait défaut aux hommes au niveau international. Disposant de seulement un dossard masculin pour les jeux de Rio ce sont les femmes avec trois dossards qui font office d’ambassadrices du triathlon japonais. La médaille de bronze d’Ai Ueda aux World Triathlon Series cette année vient illustrer les efforts d’une fédération qui organise depuis près de 10 ans une étape de WTS à Yokohama et cherche donc à se doter d’une visibilité internationale depuis un bon moment maintenant.
J’ai par ailleurs eu la chance d’assister à la cérémonie de remise des prix du NTT Triathlon Japan Ranking qui rassemblait le Top 10 féminin et masculin, les membres de la fédération japonaise de Tritahlon (Japan Triathlon Union), et de nombreux acteurs du triathlon nippon. Cette cérémonie se tenait à l’Hôtel Hilton de Tokyo, autant vous dire que la fédération a mis les petits plats dans les grands pour célébrer ses athlètes lors d’une cérémonie au parfum familial. Le triathlon japonais, s’il est en plein essor, reste un petit monde où chacun se connaît et s’apprécie, un monde où les valeurs japonaises de respect et de sérieux viennent s’associer au goût de l’effort et de la performance.
En me retrouvant au cœur de cet événement, unique Européen au milieu de tous ces triathlètes japonais, j’ai pu prendre conscience à quel point nous étions à la fois si différents et si semblables. Mais une chose est sûre, à l’autre bout du monde, il savent également nager, rouler, courir, et plus important encore : prendre du plaisir.