Les championnats du monde d’Ironman et de 70.3 ont logiquement la particularité de réunir les meilleurs pros au monde. Si cela devait permettre aux athlètes d’élever leur niveau, lors des derniers championnats du monde de 70.3, plusieurs têtes d’affiche se sont plaintes après course.
Voilà la donne, puisque le triathlon est vu comme un effort individuel, lorsqu’un athlète se retrouve à distance (12m) en arrière d’un autre concurrent, il serait trop loin pour tirer d’un avantage de celui qui est en avant. La règle souhaite nous faire croire cela, mais est-ce vraiment le cas?
La seule édition de Challenge Barhain qui avait eu lieu en 2014 avait eu l’audace de pousser la limite à 20 mètres. Depuis, cette expérience a marqué les esprits. Avec la généralisation des capteurs de puissance chez les pros, les athlètes sont plus conscients lorsqu’ils sont avantagés, ou pas. Évidemment, on ne parle pas d’une sauvegarde d’énergie considérable, reste que lorsque l’athlète est isolé, il est conscient qu’il est désavantagé. Ces petits détails ont un impact sur le mental de l’athlète…
Rouler dans le Kona Train, juste des avantages?
Oui, sur le gain de la performance, mais la synergie d’un groupe a aussi des inconvénients, puisqu’on n’est plus maitre de sa gestion de l’effort. Si le train peut se comporter comme un diesel performant, il peut aussi accumuler les accélérations et décélérations. C’est généralement le cas dans les deux premières heures de la course.
De plus, les décisions sont nettement plus complexes que lorsqu’on est seul. Il faut rester très attentif dans ses distances et surtout dans son positionnement. Chaque année, des athlètes se font surprendre, comme Jan Frodeno en 2014.
Prendre part dans le Kona express n’est pas si simple. Il faut se battre pour sa position. Si l’on est en arrière, il devient impossible de réagir aux attaques en avant. De plus, lorsque certains athlètes se font décrocher, il faut rapidement en être conscient et agir en conséquence pour ne pas perdre le contact avec le groupe.
Ce qui est très particulier avec les courses de cette densité, c’est la difficulté des dépassements. Les élites ne sont pas toujours familiers à ces particularités.
Depuis plusieurs années, lorsque des athlètes devant vous sont correctement espacés, vous devez tous les dépasser puisqu’il n’est plus possible de s’intercaler. L’athlète qui vient de se faire doubler ne doit plus diminuer son allure pour vous laisser sa place.
De plus, chaque dépassement doit se faire en moins de 20 secondes.Exercice nettement plus compliqué qu’il n’en parait.
Nouvelle polémique?
Lionel Sanders (CAN), qui est sans aucun doute dans le top 5 des meilleurs coureurs et cyclistes au mode a été très loquace sur son expérience à Mooloolaba (championnat du monde 70.3) puisqu’il n’a jamais été en mesure de revenir sur la tête de la course après une natation en dessous du standard chez les pros. À l’image d’une course ITU, une mauvaise natation peut tout simplement vous sortir de la course. Si le Canadien a plusieurs fois soulevé cette problématique dans les médias, cela n’est pas réellement un nouveau fait.
Ce dont le milieu est de plus en plus conscient, c’est l’impact des motos et des voitures suiveuses qui pourraient abriter plus ou moins momentanément les athlètes en tête. Entre les caméras et les photographes, les occasions sont nombreuses.
Dans cette course australienne, Sebastien Kienle et Andreas Dreitz, deux sommités à deux roues, ont été incapables de faire la différence. Vu les résultats précédents où les deux athlètes profitaient généralement d’une généreuse marge sur leurs adversaires, ils ont dû se résigner à jouer la carte de l’usure.
Déjà lors de l’édition à Mont-Tremblant, cette problématique s’était aussi présentée. Elle avait été juste été moins médiatisée puisque la communauté voyait en Javier Gomez, un gagnant légitime.
Est-ce que Kona pourrait nous réserver la même chose? La course à sa particularité. Dans les faits, elle a un avantage sur les autres. Le marquage sur le sol est utilisé comme référence visuelle, cela aide l’arbitrage, mais aussi les athlètes. Il faut ajouter que le parcours multiplie les petites difficultés et avec la présence du vent qui fini par se manifester en fin de parcours, les meilleurs cyclistes réussissent toujours par faire la différence. Une performance entre 4:20 et 4:45, c’est nettement plus qu’une dizaine de watts de différence…
L’avocat du diable?
Déjà l’année dernière, Jan Frodeno avait étonné en déposant son vélo dans la tête. On voit des athlètes au profil complet qui réussissent à se maintenir avec les ubberbikers. S’il était facile de le présenter comme les grands bénéficiaires du Kona express, les meilleurs athlètes savent surtout mieux gérer la dimension stratégique de la course. Les capteurs de puissance y sont surement pour quelque chose. Les mauvaises décisions où l’athlète prend trop de risques sont de plus en plus rares.
Mais le jeu a aussi de nouvelles règles, à l’instar de l’ITU, un athlète ne peut plus espérer réussir s’il présente une faiblesse trop conséquente. On ne peut plus espérer gagner la course en étant juste un excellent cycliste ou un coureur à la Crowie. On ne peut plus juste miser sur une force.