C’est un vent glacial qui s’est levé depuis hier sur la région parisienne. J’ai hésité, et puis mon fidèle destrier fait de carbone et d’aluminium est finalement resté au clou tout à l’heure. Un peu de flemme, pas mal de lassitude et… beaucoup d’envie d’autre chose surtout.
À court d’objectif de par les jours qui raccourcissent d’un automne qui annonce de façon irréversible la disparition des quelques dernières traces de bronzages qui résistent encore sur mon corps, ma motivation en a pris un grand coup dans le buffet : KO le Xa, étalé pour le compte !
Il faut dire que j’ai une bonne excuse, « ce n’est pas complètement ma faute » si on peut dire : depuis quelques jours, mon « mur » sur Facebook est rempli à intervalle régulier de photos paradisiaques où l’on peut voir quelques « confrères », affutés comme des lames, déambuler au bord de l’océan pacifique. Leurs préoccupations sont bien différentes des miennes : comment résister samedi à la chaleur suffocante et au vent… Car le Mukuku est bien plus terrible que cette vilaine bise du nord-est qui m’a pourtant scotché chez moi tout à l’heure devant un bon thé bien chaud et quelques gâteaux secs… Il a le don de vous étouffer, vous dessécher et vous essorer en même temps. Terrible particularité hawaiienne : La chaleur et l’humidité de l’île aux volcans vous emmènent lentement mais surement vers la surchauffe et la déshydratation. Elles arrivent, l’une et l’autre fatalement tôt ou tard… Si vous êtes « chanceux », cela se produit du côté d’Energy Lab et il vous reste, tout au plus, une bonne heure et demie à galérer dans cet enfer. Si vous n’avez pas été sage, cela arrive bien avant… Et alors, votre rêve hawaiien se transforme en une lente agonie. Dieu seul sait combien de temps elle va durer, car, une chose est sure sur cette île : on abandonne pas, même décomposé et meurtri… On n’a pas le droit : plus qu’un manque de respect, ce serait presque un sacrilège pour quiconque ayant réussi à y arracher un dossard et le droit de mettre un jour son vélo dans cette aire de transition mythique.
Il existe peu de course avec ce caractère mystique, presque un brin magique. Celui qui fait de chaque concurrent un être à part. Celui qui, finalement, ramène tout le monde, 1er ou dernier, au même niveau, au même rang… à égalité d’une certaine manière…
C’est vrai, c’est un peu magique ce genre de truc. C’est presque un retour à ce que devrait être, ou pourrait être l’essence du sport en fait : une aventure, un parcours initiatique qui permet de se recentrer sur soi, se défier, faire abstraction un minimum des autres, pour mieux dominer les éléments et en sortir grandit.
Pour bien le connaitre, l’Embrunman est comme cela… J’imagine que le Norseman peut donner les mêmes genre de vibrations à ceux qui s’y frottent… Mais Hawaii… Ce petit bout de rocher volcanique perdu à l’autre bout du monde, c’est certainement encore dix niveaux au-dessus. Toute l’histoire et toute la mythologie de notre sport vient de là bas. C’est LA Course et c’est LA distance… Et lorsque Bob Babbitt demandait il y a quelques jours à Jan Frodeno entre sa victoire aux JO et son succès hawaiien, lequel avait le plus d’importance à ses yeux, la réponse de « Frodo » fut sans appel : Hawaii… Sans discussion !
À deux jours de la course, je n’avais pas envie de trop vous parler des athlètes pour cette chronique… Leur moment va venir, mais il leur faut attendre un peu de le mériter en franchissant la ligne, c’est le deal !
Ce soir, je voulais que la vedette soit l’IRONMAN : ce merveilleux « OVNI » sorti un jour du cerveau d’un capitaine de Marines américains après une soirée sans doute un peu trop riche en bière. Je n’avais même pas envie de parler de triathlon à vrai dire… L’IRONMAN d’Hawaii, est-ce vraiment du triathlon finalement ? Pour moi, c’est un monde singulier, et à part… En tout cas, l’univers de cette épreuve dépasse largement les frontières de notre petit sport, cela ne fait aucun doute…
À bien y réfléchir, Hawaii, c’est, et cela doit rester la seule vraie vedette à la fin. Face au mythe, pro ou amateurs, ils seront tous, plus ou moins des faire-valoir samedi… Et c’est très bien comme cela… C’est elle qui va encore briller comme chaque année. Chaque concurrent, à son niveau, va juste, et de façon intime, prendre un petit bout du mythe pour lui au travers de son odyssée…
D’ailleurs, j’ai un secret à vous confesser en cette heure tardive : j’ai sorti de mon placard ma tenue d’automne, mes gants et mes surchaussures tout à l’heure entre deux lignes tapées sur mon ordinateur… Demain, je pars chevaucher quelques « highway » de la vallée de la Chevreuse… Ne riez pas, je sais qu’à un moment ou à un autre, je mes sentirais transporté bien plus loin que Saint Rémy Les Chevreuses, Bullion ou Senlisse… Grâce au mythe hawaiien en somme… Il va donner une saveur différente à ma balade. Je vais, à 20000 km de la Queen K, croquer moi aussi une minuscule part de rêve…
C’est ça aussi la magie du mythe hawaïen :
Qu’importe le flacon… 😉