Alex, tu n’es pas en train de mélanger politique américaine au triathlon? Si. Depuis une semaine, on assiste a un certain réveil. Une minorité majoritaire s’est imposée et elle veut redéfinir les règles. Trump sait qu’il a le plein pouvoir, alors il peut façonner son Amérique en fonction de ses croyances.
Il n’aime pas payer des impôts, alors il va les baisser, il aime les armes alors, il va interdire les zones où elles sont interdites, il ne connait pas la pauvreté alors pourquoi offrir un système de santé accessible à tous? Comme il le dit fréquemment, « make the america great again » et cela passe par la richesse.
Tout cela m’a fait réaliser que le triathlon américain était aussi en train de se « Trumpiser ». À nouveau, les États-Unis ne présenteront aucune ITU de niveau coupe du monde ou série mondiale sur ses terres. On peut donc dire que la championne olympique actuelle (Gwen Jorgensen) ne pourra pas courir chez elle… On parle quand même de la plus grande puissance économique où il y aurait le plus de triathlètes au monde…
Tout cela est ironique pour un sport qui était soi-disant en plein boom. Cette fameuse richesse et abondance s’estompent.
Depuis quelques années, les courses indépendantes s’essoufflent. Difficile de rivaliser avec la qualité des épreuves de la WTC, cela s’explique par une offre des événements d’Ironman grandissante. Face au choix, la multinationale a gagné face aux courses indépendantes. La qualité des événements Ironman fait que les athlètes perdent leur intérêt à faire des épreuves plus secondaires.
Face à cette tendance, de nombreuses courses ont agité le drapeau blanc et on accepté de se faire racheter par la WTC pour survivre.
Est-ce que c’est pour le mieux. Quelques années plus tard, il faut faire le constat. Des courses historiques comme Mooseman, Timberman, Silverman (Las Vegas), Battle to Ship (passé ironman puis arrété après un an), Wildflower (indépendante) et d’autres avec une durée de vie plus courte comme Rhode Island, ont disparu.
Ces courses étaient toutes populaires et proches de leur communauté. Mais voilà, elles n’étaient pas assez profitables, ou le modèle économique n’était pas assez optimisé.
Ces courses avaient comme défaut de ne pas être selon le profil désiré. Impossibilité de doubler les dates pour y tenir aussi un Ironman ou l’organisation ne pouvait pas réclamer une taxe hôtelière additionnelle. Pour Timberman, une course de quinze ans, elle sera remplacée par une course rachetée à Rev3. Le fameux circuit qui devait s’imposer comme une alternative à Ironman.
Alors oui, depuis quelques années, on a justement le sentiment que la pratique du triathlon refuse sa pluralité. À l’image de Trump qui a défini un américain typique et qui refuse les différences des autres, il y aurait un triathlète américain typique.
Il aime afficher son logo Ironman et faire des courses rapides et plates. Le drafting n’est pas vraiment un problème parce que l’importance pour lui, c’est de participer à une course avec le plus de monde possible et il a un haut revenu.
Cette problématique est connue et pour le moment, la réaction se fait toujours attendre.
La pluralité s’est transformée en isolement. On peut déjà entrevoir que certains athlètes lassés, iront vers des triathlons plus proche de la nature et extrème ou des disciplines moins contraignantes comme le SwimRun.
Malheureusement, dans cette époque de l’instantané, les organisateurs n’ont plus cette patiente qui permettait de créer un événement populaire et proche de la communauté.
Effectivement, le triathlète moyen américain change. Il a le droit d’exister, mais il est en train de façonner le sport. Il est de passage. On ne compte plus les petites annonces des superbikes vendus après seulement un an d’utilisation et avec un kilométrage annoncé en dessous des 500 km. Comment est-ce possible?
C’est justement l’autre paradoxe. À Kona, tu réalises à quel point la WTC avait su garder cet esprit d’une discipline inclusive. Le pro est autant célébrer que l’athlète qui termine son épreuve en 16 heures. C’est justement cette pluralité qui est interprétée comme une invitation à ce lancer dans le sport triple. Il y a cette joie d’être actif, d’avoir accepté le processus et de s’être mesuré à un parcours offrant de multiples challenges. Il faut accepter ce qu’il vient. À notre époque, créer une épreuve comme Kona serait tout simplement impossible…
Moi, je me rappelle encore de mes participations à Mooseman ou encore à Timberman. Cette joie de me faire remettre ma médaille par Chrissie Wellington. Malheureusement, tout cela n’est plus possible puisque les nouvelles courses sont désormais sans pro. Le système a décidé que cela n’en valait plus la peine. Le fameux retour sur l’investissement. Comprenez-nous bien, cela reste leur droit de faire de l’argent. Le questionnement est plus sur le fait que cet agissement standardise le triathlon moderne.
Lake Placid 70.3, Maine 70.3, Syracuse 70.3, Muskoka 70.3 se feront sans pros. Seul Mont-Tremblant résiste. D’ailleurs, il existe un certain déséquilibre puisque Ironman présentera plusieurs courses avec des pros dans le sud de New York.
Pour un néo-pro dans la région NorthEast, les choix se font de plus en plus rares. Si Ironman Lake Placid a un plateau pro en 2017, seuls les hommes y seront.
Pour l’amateur qui s’intéresse aux pros, les occasions de les rencontrer sont de plus en plus rares. Difficile de susciter et de générer un intérêt.
On peut déjà spéculer que les sponsors ajusteront leurs investissements face à cette nouvelle réalité. Évidemment, il fallait trouver une sorte d’équilibre avec les pros. Avec l’ajout de nouvelles courses, la tâche de rassembler des vedettes à une course se compliquait. Et soyons honnêtes, est-ce qu’il y a véritablement un retour sur l’investissement pour les organisateurs?
Cela intéresse une minorité, tout comme une poignée apprécie des parcours plus durs. Si on appliquait la loi des nombres, on écouterait tous David Ghetta. Malheureusement, c’est justement ce qu’il est en train d’arriver ici. Il faudrait aussi encourager les pratiques différentes… Le Jazz et la musique classique ont toujours leur place.
Par chance, le Québec imite ses cousins français en étant à contre-courant. Mont-Tremblant s’impose finalement comme l’un des parcours les plus durs sur le circuit en Amérique du Nord. Il est l’un des 70.3 offrant le plus d’argent aux pros (50 000$ – 750 points).
Et puis Montréal accueillera pour la première fois dans son histoire une course une série mondiale ITU. Une distinction et un investissement qui devra aussi se justifier. Tout n’est pas si noir.
Les États-Unis sont précurseurs? Pour le moment, il est peut-être important de tirer des leçons avant qu’il soit trop tard.