Le week-end dernier, Denis Jaeger s’est fait réélire à sa position de vice-président de l’ETU. Trimes en a donc profité pour s’entretenir avec lui pour en savoir plus sur son implication qui décident de l’avenir du triathlon.
On ne peut pas vraiment dire que tu es un nouveau venu dans le triathlon… Comment ce sport est entré dans ta vie?
En effet, je suis impliqué dans le triathlon depuis un moment. Comme beaucoup, j’ai vu Nice 1982 par hasard à la télé et j’ai été de suite été emballé. Mais j’ai réellement débuté en 1985 par l’organisation du 1er Triathlon d’Alsace chez moi à Brumath, et ensuite c’est allé très vite. Triathlète, arbitre, coach, dirigeant, organisateur… À cette époque, rien n’existait, tout était à faire et les plus mordus cumulaient beaucoup de fonctions. Avec d’autres passionnés, nous avons créé un club, puis la ligue d’Alsace début 1986. Ensuite, j’ai été élu au Comité directeur et au Bureau de la fédération en 1997 où j’ai occupé le poste de trésorier durant 15 années. Je me suis impliqué dans les relations internationales en 2007 et ai été élu à l’Executive Board de l’ETU en 2009. Tout ceci, bien évidemment bénévolement, car comme je dois le préciser parfois à mes amis de l’international qui ouvrent de grands yeux, j’ai aussi un « vrai » métier et ne vis pas du triathlon. Le triathlon, même s’il tient une grande place dans ma vie, a toujours été un loisir, un plaisir, une passion.
Mais… qu’est-ce qui t’a décidé de t’impliquer?
Depuis tout jeune, j’ai toujours été impliqué dans diverses organisations ou associations en tant que bénévole. Il m’a paru assez naturel d’organiser un triathlon, de créer, faire grandir un club, de m’investir dans la fédération, puis à l’international. Et puis, je n’étais pas un triathlète d’un niveau extraordinaire, ce qui a fait que j’ai plutôt bifurqué vers des fonctions de dirigeant.
Est-ce que cela signifie que tu considères que le triathlon est en santé…
Oui et non… Si l’on considère le développement de la pratique dans nos pays et l’engouement pour notre sport dans les « petits » pays, le triathlon se porte bien et devrait continuer à bien se porter. Si l’on considère le développement commercial du triathlon, je suis un peu plus inquiet. Depuis longtemps, les triathlètes se plaignent des prix élevés des épreuves professionnelles, mais s’y précipitent de plus en plus vite, de plus en plus nombreux. Il n’y a donc aucune raison que le prix de ces épreuves baisse. Le rapprochement ITU/Ironman que beaucoup applaudissent n’est pas aussi évident qu’il y parait. L’ITU pense évidemment à développer son sport, tandis que le groupe financier propriétaire d’Ironman n’a qu’un seul intérêt, le profit. Il y aura forcément des perdants…
Tu viens tout juste d’être reconduit pour un autre mandat en tant que Vice président de l’ETU. Est-ce que tu peux nous décrire à quoi consiste ce rôle.
Le Vice-président doit suppléer le Président dans toutes ses fonctions quand celui-ci ne peut pas les exercer pour une raison ou une autre. A l’ETU, le VP est aussi en charge des épreuves ETU (Coupes d’Europe et Championnats) et de la création d’épreuves nouvelles. J’ai ainsi été par exemple à l’origine du Championnat d’Europe des Clubs sur le format Mixed Relay. Mais comme le Bureau Executif de la FFTRI, le Board de l’ETU fonctionne en équipe et chacun est impliqué dans toutes les décisions.
D’ailleurs, peux-tu nous en dire plus sur l’ETU, on s’imagine que son champ d’action est très limité avec L’ITU au-dessus, est-ce que l’on se trompe?
L’ETU a une totale autonomie de fonctionnement et parfois nous ne sommes pas d’accord avec l’ITU et nous discutons. Néanmoins, de nombreux sujets sont communs et doivent être traités de façon coordonnée. Le calendrier des courses par exemple doit être le plus compatible possible, car s’il est établi par l’ETU avec les organisateurs européens, c’est l’ITU qui gère tous les classements qui donnent accès aux Coupes du Monde ou WTS.
L’ITU finance 80% du budget de développement l’ETU en allouant chaque année 160.000$ à chaque fédération continentale. La commission Développement de l’ETU gère la totalité de cette somme. À noter que le principe de fonctionnement de cette commission, initié également par le français Bernard Saint-Jean, a été repris en totalité par l’ITU pour toutes les autres fédérations continentales.
Alors ces deux instances ont besoin l’une de l’autre non?
Bien sûr. L’ETU est la confédération continentale la plus puissante et celle qui envoie le plus d’athlètes aux Jeux. Cela nous met en position de force par rapport aux autres continents et nous sommes des interlocuteurs privilégiés de l’ITU. Le fait que Marisol Casado, Présidente de l’ITU soit espagnole est aussi un atout pour l’ETU, car elle connait bien le fonctionnement des fédérations européennes.
Quels sont les grands projets de l’ETU pour les prochaines années?
Nous allons poursuivre l’aide au développement des pays émergents avec une aide globale de 200.000€, pour accompagner des projets de développement. Les pays « aisés », déjà très structurés comme la France, la GB, l’Allemagne, etc. n’ont évidemment pas accès à ces aides.
Un autre sujet important est le positionnement des Coupes d’Europe dans la stratégie d’accès au haut-niveau mondial. L’évolution de la situation des Coupes du Monde, suite au rapprochement avec IM, doit être surveillée pour que les coupes d’Europe restent attractives pour les athlètes.
Et dès les vacances 2017, nous souhaitons démarrer un programme d’échange de jeunes triathlètes, entre les clubs européens, sur le modèle des échanges scolaires. Les jeunes seraient accueillis dans les clubs la journée pour des activités sportives ou culturelles et hébergés dans les familles des triathlète le soir. Nous croyons beaucoup à ce programme pour encourager les échanges et les relations entre les pays. Pour l’instant, l’Italie, l’Espagne, la GB et la France ont souhaité participer à ce programme, mais il est évidemment ouvert à tous.
Depuis quelques mois, avec la course à la présidence à la FFtri, on t’a vu assez présent sur les réseaux sociaux, parce que tu voulais justement rétablir certains faits. Je me trompe ?
Disons qu’il n’y a plus vraiment d’espace de débat sur le triathlon sur internet. Pendant longtemps, Onlinetri remplissait très utilement cet office, mais la cannibalisation du forum par quelques personnes a découragé celles et ceux qui voulaient simplement échanger et débattre, sans forcément être du même avis.
Le débat s’est donc un peu reporté sur Facebook et oui, j’interviens quelquefois pour rectifier des affirmations à l’emporte-pièce. Il est parfois compliqué d’y avoir un débat serein et construit, car comme c’est un débat ouvert, il y a de tout, du bon et du moins bon, du vrai et du faux, des vérités et de grossières erreurs.
Et pourtant, ce débat d’idées est nécessaires, non? Donc dans certains cas, si certains s’expriment avec des faux arguments, c’est surtout parce que les faits ne sont pas assez bien communiqués non. Au final tout semble tourner autour de la communication.
Oui bien sûr, le débat est nécessaire et important. C’est la forme que prend ce débat qui n’est pas toujours terrible. Certaines pages Facebook attaquent, provoquent et utilisent des arguments qui interpellent, mais sont malheureusement, ou plutôt heureusement sans fondements. Le débat est difficile à construire et il serait vraiment dommage d’avoir dans le sport, des campagnes comme dans le monde politique.
Florent Roy axe toute sa campagne sur la communication, et il le fait d’ailleurs très bien. Pourtant, je dirais que son projet, et d’autres personnes impliquées dans notre sport le disent, manque de réalisme et donc de crédibilité.
En finalité, il propose de garder tout ce qui existe, repropose les projets déjà travaillés par les commissions existantes et suggère quelques idées nouvelles. Par une communication très habile, il présente le tout comme un projet tout neuf qui va révolutionner le monde du triathlon. La réalité est un peu plus complexe et avant de briguer la présidence d’une fédération, il lui aurait vraiment été utile d’avoir pu faire ses preuves dans d’autres fonctions et instances décisionnaires. Et de préférence d’y être reconnu.
Ce que cette campagne nous aura appris, c’est que la Fédération doit mieux communiquer. Envers ses licenciés bien sûr, nous le savions déjà, et c’est pourquoi c’est une partie importante du programme de Philippe Lescure, mais aussi envers ses clubs et organisateurs. La FFTRI fait beaucoup de choses, dans plein de domaines et ce n’est pas su, ni reconnu, car la Fédération ne communique pas assez, et pas assez bien sûr ce qu’elle fait.
La mallette pédagogique de l’École française de Triathlon par exemple, est un produit remarquable. Elle nous est demandée par beaucoup de pays, et même par l’ITU qui a salué un travail très professionnel et qui a souhaité en acquérir les droits.
Qui sait par exemple que la FFTRI aide à la professionnalisation des ligues par une aide à l’emploi de 12.500€ par an ? Peu de gens et pourtant c’est une action très importante pour nos ligues et la pérennisation de leurs emplois.
On pourrait effectivement regretter que cette campagne soit très axée sur la communication, et moins sur la réalité des projets, mais c’est maintenant le cas pour toutes les élections, quelles qu’elles soient. Et le résultat n’est pas toujours à la hauteur des espérances.
Et toi, quelles sont tes envies pour l’évolution du triathlon?
Le triathlon et les disciplines enchaînées sont multiples, et il en faut pour tout le monde.
Il en faut pour celui qui recherche l’ambiance des triathlons du début, pour celui qui préfère une approche plus compétitive, pour celles et ceux qui veulent faire du sport en famille ou entre amis. Il en faut pour ceux qui sont prêts à dépenser beaucoup d’argent, mais aussi pour ceux qui n’en ont pas les moyens. J’aimerais que toutes ces pratiques différentes puissent exister, cohabiter et donner du plaisir à chacun.
Et sur un plan plus personnel, je souhaite une médaille d’or pour la France à Tokyo et les Jeux à Paris en 2024.