Derrière les clubs qui ont su s’imposer dans le paysage du triathlon se cachent des visionnaires. Ces individus donnent à la hauteur de leur passion. Jacky Baudrans, président du TCG 79 Parthenay est l’un de ceux-là. Si l’histoire était si belle, face à une nouvelle conjoncture, au lieu de se décourager, le club a su se réinventer en décidant d’investir dans la jeunesse. Trimes s’est entretenu avec Jacky Baudrand pour en savoir plus sur ce virage.
Il y a quelques mois, de l’extérieur, le doute planait sur l’avenir du club pour ses équipes de D1, pourquoi?
Vous ne pouvez pas empêcher les ragots, et comme j’avais annoncé lors de l’AG du club de janvier 2016 que je cesserai mes fonctions à la fin de la saison 2016, certains ont je présume hypothéqué l’avenir du club. De plus quelques membres très impliqués dans la vie du TCG ont souhaité prendre du recul, et le tout conjugué a enflammé les rumeurs…. Cela fait partie de la vie d’un club qui a acquis un peu de notoriété dans le monde du triathlon, et je l’accepte, je dirai même que cela m’a servi de leitmotiv pour réamorcer un nouvel avenir pour le club.
Et Face à ce challenge, il aurait été facile de quitter la présidence, parce qu’avec 13 ans à sa tête, difficile de vous reprocher quoi que ce soit !
En effet, cela aurait été plus facile, mais j’aime aussi passionnément ce club à qui j’ai beaucoup donné, mais qui m’a aussi beaucoup apporté, avec une équipe formidable à mes côtés. Nous avons démontré qu’avec de la passion et de la conviction nous pouvions relever un challenge à priori impossible…et cela fera la 12e année cette saison que cela dure au plus haut niveau.
De plus j’y ai fait tellement de jolies rencontres, qu’il m’aurait paru insensé de le laisser se faner.
J’ai donc repositionné clairement les choses et mis chacun-e devant ses responsabilités, et nous avons tous ensemble repositionné les fondements du club, ses valeurs, ses orientations, afin que chacun puisse s’y retrouver et demeurer porteur d’un nouveau projet qui nous a tou-te-s réuni-e-s, et où je l’espère chacun va trouver sa place.
Et pour cette nouvelle saison, le projet D1 semble complètement différent. Quelles sont les nouvelles directions?
En effet, si la D1 reste pour notre club une magnifique vitrine, je n’oublie pas qu’il y a aussi une vraie vie de club avec un entraîneur Boris Dessenoix et des éducateurs qui font un gros travail de fond avec les jeunes, et des athlètes qui s’illustrent sur de belles épreuves du grand ouest et qui portent une belle image du TCG au quotidien. Nous avons donc revu à la baisse nos prétentions sur le GP, en ambitionnant un TOP5 chez les filles et un TOP 8 chez les garçons, et nous avons réorienté le cap pour que des jeunes puissent se servir de notre savoir-faire pour s’y épanouir, affiner leur projet individuel, au sein d’un collectif où ils renforceront leurs compétences au contact de talents confirmés.
C’est une confiance placée en des jeunes en devenir, qui pourront se révéler sans pression au fil des ans, car c’est un projet à 4 ans que nous co construisons.
Il nous faut le mettre en confiance, afin que les talents éclosent, et cela se gagne dans la durée.
Quels sont les départs et arrivées au niveau des athlètes internationaux?
Audrey Merle est partie à Issy, Nicky Samuels et Margit Vanek en attente d’heureux événements vont couper en 2017. Chez les filles nous enregistrons les arrivées de Julie Lemmolo, Cecilia Santamarina, Ines santiago, Melina Alonso, Anastasia Abrosmova, de toutes jeunes triathlètes en devenir qui vont s’inscrire dans notre stratégie à 4 ans, et qui auront pour ambition d’assurer à terme le renouveau de nos cadres arrivant en fin de carrière.
Chez les garçons, seul Quentin Barreau est parti rejoindre Montpellier, l’équipe reste stable, et Jordi Garcia Gracia va renforcer le team de base que viendront compléter ponctuellement Arthur Berland, Max Stapley, Vincent Fazari et Clément Mignon, dans le cadre de leur apprentissage.
Est-ce que l’on peut parler d’une année de transition afin de rendre le club plus solide pour l’avenir?
En effet, les 2 prochaines années constitueront une transition qui permettra à chacun-e de s’affirmer progressivement et d’accueillir d’autres talents potentiels qui souhaiteraient nous rejoindre dans cette aventure riche en expérimentations. A cette issue, chacun pourra prendre son destin en mains, avec nous je l’espère, et si tel n’était pas le cas, nous aurons au moins la satisfaction de constituer un tremplin au service d’une jeunesse à qui il faut redonner confiance et espoir, mais qui devra néanmoins rester lucide.
Face à la situation, vous êtes d’ailleurs bien conscient de la problématique qui touche actuellement la D1, on ne peut plus dire que tous les clubs peuvent véritablement jouer le titre et que leurs sorts sont reliés au budget. Mais participer au développement de nouveaux talents, cela semble presque plus honorable qu’un titre, non ?
Je préférerai les deux bien sûr, mais le principe de réalité s’impose à moi, et à budget constant, voire en réduction, autant faire des choix audacieux qui redonnent du sens à chacun au sein du club, et je ne vous le cacherai pas, me remobilisent aussi. Et puis oui, je trouve cela très honorable que de croire en une jeunesse qui s’implique et se donne les moyens de réussir.
Est-ce que vous allez tout de même continuer à signer avec de jeunes étrangers?
Oui naturellement, car il n’y a pas assez de potentialités au niveau français, pour assurer le maintien d’un club en D1… et là aussi je suis pragmatique. De plus, je trouve qu’associer des cultures différentes donne aussi une ouverture d’esprit et d’autres repères à des jeunes qui auraient des ambitions internationales, et qui de ce fait seront mieux armés lorsqu’ils-elles évolueront au niveau international.
D’ailleurs, j’ai remarqué que lors de vos dernières annonces, vous mentionnez des objectifs pour vos jeunes, autres que ceux de la D1.
Bien sûr, c’est même l’objectif majeur du club pour ces 2 prochaines saisons, et le renfort des jeunes précités devraient permettre de faire belle figure chez les juniors garçons et filles en complément de Célia Merle, Valentine Jadeau Sibileau et Clémentine Proust. L’arrivée de Lou Berland et Lea Thomas chez les minimes filles devrait aussi avec Capucine Tessier et Juliette Lucet permettre d’aller flirter avec le podium national. C’est un choix délibérément stratégique que j’assume, car l’avenir ne se prévoit pas, il se prépare.
Audrey Merle a fait toute sa carrière élite avec vous, 6 ans. J’imagine que cela a été un déchirement pour vous de la voir partir…
En effet, il y a eu de l’émotion à gérer et j’ai dû prendre de la distance, car j’ai eu le privilège de lui faire découvrir notre sport et suis fier du chemin que nous avons accompli ensemble. Audrey est pétrie de talent, mais la réalité s’est imposée à nous, et nous devions lui permettre de poursuivre son chemin, ce que j’ai fait sans aucune entrave. Je suis sûr qu’avec Issy, elle aura les conditions stables lui permettant de faire éclore son talent au plus haut niveau. Nous restons en excellentes relations, et je resterai un de ses plus fervents supporters.
Je crois que vous avez été déçu par le manque de répercussion par la présence d’Audrey aux JO avec les partenaires privés, parce que c’était effectivement une opportunité de gagner en visibilité pour les différents acteurs. Mais n’est-ce pas là votre plus grand combat, soit de réussir à démontrer au secteur privé que l’investissement dans le club est rentable…
Vous savez, il faut rester réaliste, et je regrette vivement que sur notre territoire, différents acteurs privés et publics, ne prennent pas conscience de l’impact que cela pourrait avoir pour la notoriété de leur entité. Force est de constater que chacun reste attentif au retour sur investissement, et il y a dans notre pays des croyances qui persistent et qui continuent d’orienter les acteurs majeurs vers les sports qui ont déjà le plus d’argent. C’est un paradoxe à gérer et à intégrer, mais je pressens une évolution des structures à notre égard, car notre sport s’affirme d’année en année. Certes, il nous faut plus le scénariser pour qu’il devienne plus attractif et compréhensible au grand public, mais il faut bien avouer qu’avec des montants très accessibles à des PME (sans commune mesure avec certains sports aux exigences démesurées), celles-ci peuvent vite s’y retrouver. Elles peuvent bénéficier d’une exposition que peu d’activités leur permettront d’avoir avec des investissements relativement modestes, compte tenu aussi de la législation en vigueur, en termes de mécénat. Nous devons tous collectivement dans nos clubs en prendre conscience et porter ce message, et en parallèle notre fédération doit poursuivre les réflexions entamées pour rendre avec les clubs, plus attractif ce championnat de D1 d’une extrême qualité sportive et organisationnelle.
Est-ce que vous pouvez nous parler de l’impact des équipes sur le club?
Les équipes de D1 tirent vers le haut le club, permettent à notre école de triathlon de savoir qu’avec de l’investissement, ils-elles pourront avoir la chance de se tester au plus haut niveau, car c’est la politique du club. Audrey Merle, Célia sa soeur, Valentine Sibileau Jadeau chez les filles, et Boris Dessenoix, Quentin Barreau, Victor Rossard, Steve Roy, chez les garçons… et bien d’autres s’y sont essayé-s-s, et cela leur a permis de se situer. Je reste cependant attentif à ce que la D1 n’évolue pas isolément, c’est pour cela qu’il y a un gros travail de fait avec notre école de tri, et que j’ai toujours souhaité à côté avoir une autre voie avec une belle équipe régionale qui permet de donner aussi plus de visibilité au club sur les distances M et L. Nicolas Onillon, Boris dessenoix, Guillaume Belgy et Amaury Lafourcade demeurent des ambassadeurs de choix pour nos disciplines dans le grand ouest. De plus pour moi la finalité n’est pas que la résultante sportive, mais avant tout la construction de parcours de vie permettant d’avoir des hommes et des femmes équilibré-e-s, épanoui-e-s, qui se réalisent, demeurent sociables, heureux-ses dans leur vie, tout simplement. C’est ma première satisfaction que de voir dans les yeux de nos athlètes cette flamme de bien être.
D’ailleurs Parthenay est aussi l’hôte d’une étape du Championnat de France de duathlon D1/D2/D3, on peut dire que le club a toujours eu une place importante dans le fonctionnement fédéral.
J’observe un travail de fond de nos élu-e-s et des salari-e-s de notre fédération pour promouvoir nos disciplines enchaînées, et nous sommes toujours heureux d’y être contributifs au sein du TCG, en mettant des grandes épreuves fédérales en scène, avec plus de 200 bénévoles mobilisé-e-s. C’est aussi un retour vis à vis de notre territoire, à qui nous offrons ainsi une belle visibilité, et une approche sportive du haut niveau, pour nos nombreux supporters.
Parlons de vous, comment êtes-vous devenu président du club?
Patrick Lorigny, fondateur du club souhaitait passer la main, et ma fille Maude qui m’a amené à cette discipline a su me la faire aimer. Le début d’une passion était née, et j’ai eu envie d’apporter ma pierre à l’édifice solide qu’avait construit Patrick, en y apportant un nouvel élan. J’ai formalisé un projet sur 6 ans, élaboré un budget adéquat, mobilisé une équipe de passionné-e-s et structuré des commissions en adéquation avec le projet. La mayonnaise a pris, les licencié-e-s à qui j’ai présenté le dit projet, durant plus d’une heure m’ont fait confiance et se le sont approprié. Un comité de pilotage a été élu, et ce dernier m’a porté à la Présidence. Depuis, nous avons relevé collectivement année après année le défi, mais il faudra que la relève prenne le relai, pour je l’espère à l’avenir pérenniser cette aventure humaine… et bien sur ce club.
Si le titre semble très honorifique, cela demande une très grande implication, non?
En effet de l’extérieur, un Président donne souvent l’impression qu’il est en représentation, et si cela fait partie du job et demande un certain savoir-faire, beaucoup d’écoute, de la bienveillance, ce n’est que la face visible de l’iceberg. Toute la partie immergée, est chronophage et demande beaucoup d’énergie, pour formaliser, porter le projet, défendre des valeurs, fédérer les licencié-e-s, finaliser le budget, recruter en adéquation avec la politique, rechercher des partenaires, etc…
Si la passion n’y est pas il est impossible de tenir plus de 3 ans, heureusement j’ai eu une équipe extraordinaire avec notamment Philippe Chargé, Mickael Richard et Hervé Berthelot très impliqués parmi d’autres.
Cette cohésion jusqu’à maintenant, a été à la hauteur de nos ambitions et nous venons de reconstruire une nouvelle équipe qui semble s’inscrire sur de bonnes bases et qui est rajeunie. De plus, Il est préférable d’avoir un conjoint compréhensible pour durer, et j’en profite pour remercier mon épouse Viviane. Enfin, pour durer, je dois avouer que la flamme que je vois poindre dans le regard de nos athlètes les grands jours… me comble et me fait oublier rapidement les heures où parfois je peste !!!
Quels sont les aspects qui font que vous avez toujours la motivation nécessaire pour continuer ?
La beauté de ce sport et la noblesse qu’il demande, l’engagement que j’y trouve chez les athlètes et les bénévoles, les belles rencontres que j’ai pu faire sur mon chemin associatif très complémentaire de mon parcours professionnel, les évolutions qui s’opèrent et l’attractivité grandissante pour les beaux événements demeurent mes moteurs… mais je le répète, c’est surtout la flamme qui s’allume dans le regard des triathlètes, qui illumine ma vie de dirigeant bénévole.
Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose?
Je dis souvent que le triathlon c’est : “ 3 disciplines en une, pour 3 fois plus d’émotion”, faisons en sorte de garder intactes ces émotions qui nous rassemblent et faisons les partager au plus grand nombre pour que continue de se développer ce beau sport lors de la prochaine décennie.